L’Administration Obama estime, depuis des années, que l’Iran est, tout au plus, à trois mois du temps nécessaire pour enrichir suffisamment d’uranium et disposer d’une bombe atomique. Mais l’Administration n’a déclassifié cette estimation qu’au début du mois, juste à temps pour la Maison Blanche de présenter son dossier iranien devant le Congrès et le grand public. 

S’exprimant devant les journalistes et rédacteurs en chef à nos bureaux de Washington, lundi, le Secrétaire à l’Energie, Ernest Moniz a reconnu que les Etats-Unis ont pu évaluer, depuis plusieurs années, que l’Iran ne se trouve qu’à deux à trois mois de pouvoir produire suffisamment de matériau fissile pour une bombe nucléaire. Lorsqu’on lui a demandé depuis combien de temps l’administration disposait de cette évaluation, Moniz a esquivé par un : « Oh, ça fait pas mal de temps » et ajouté : « Ils y sont maintenant, je veux dire, pouvoir enrichir avec 9.400 centrifugeuses de leurs plus de 19.000 disponibles… Plus tout le travail de R&D. Si vous assemblez tout ça, il leur faut vraiment, vraiment peu de temps pour aboutir. C’est de l’ordre de 2 à 3 mois ». 

Brian Hale, porte-parole du Bureau du Directeur des Renseignements nationaux, m’a confirmé, lundi, que l’estimation de 2 à 3 mois pour le délai nécessaire au matériau fissile n’a été déclassifié que le 1er avril. 

Et c’est bien là que le bats blesse : lorsqu’Obama a commencé son second mandat, en 2013, il chantait une chanson tout-à-fait différente. Il clamait que l’Iran était à plus d’un an de l’acquisition de la bombe, sans même besoin de mentionner que sa communauté du renseignerment pensait, en réalité, qu’il n’était qu’à deux ou trois mois de produire suffisamment de carburant pour une première, ce qui a longtemps été considéré comme la mission la plus délicate à mener dans la fabrication d’une bombe. Aujourd’hui, Obama insiste sur le fait que l’Iran est seulement à deux ou trois mois de l’acquisition d’assez de carburant pour une bombe, de façon à provoquer un sentiment d’urgence pour qu’on signe à tout prix son accord avec l’Iran. 

En revenant à 2013, alors que le Congrès soupesait l’intérêt de nouvelles sanctions sur l’Iran, Obama faisant pression pour qu’on accorde du temps à la diplomatie, son intérêt du moment consistait à tempérer au maximum ce sentiment d’urgence. A la veille d’une visite en Israël, Obama a déclaré à Ia 2ème Chaîne israélienne : « A présent, nous pensons que cela prendrait plus d’un an à l’Iran pour développer concrètement une arme atomique, mais évidemment, nous ne voulons pas devoir l’interrompre au tout dernier moment, alors qu’il serait trop près du but ». 

Le 5 octobre de cette même année,Obama opposait la vision américaine de cette percée iranienne à celle du Premier Ministre israélien Binyamin Netanyahu, qui, à l’époque, disait que l’Iran n’était qu’à six mois de sa pleine capacité nucléaire. Obama a déclaré à l’Associated Press : « Notre évaluation continue de se situer à un an, voire plus. Et, en fait, actuellement, notre estimation est probablement plus conservatrice que l’estimation des services de renseignements israéliens ». 

Ben Caspit, un journaliste israélien, éditorialiste pour  Al-Monitor, a fait un reportage, l’an dernier, disant que l’estimation de ce délai pour Israël, se situait, également, à deux à trois mois. 

 Il y a un an, après le début des négociations sur le nucléaire, le Secrétaire d’Etat John Kerry a laissé filtrer la première allusion à cette estimation encore classifiée. Il a déclaré devant un panel de Sénateurs : « Je pense équitable de dire et c’est de notoriété publique aujourd’hui, que nous opérons avec une période de temps prévue pour une percée supposée d’environ 2 mois ». 

David Albright, ancien inspecteurs en armement et président de l’Institut des Sciences en matière de Sécurité Internationale, m’a confié que les responsables de l’Administration semblaient intentionnellement vagues, en 2013, alors que les points de discussion s’appuyaient sur un calendrier de « 12 mois et plus ». « Ils n’étaient pas clairs du tout sur ce que pouvait signifier exactement cette estimation d’un an, mais les gens comme moi qui disaient « exposons clairement les pièces constitutives qui sont nécessaires à la fabrication d’une bombe » essuyaient leurs rebuffades ». Le groupe de recherche d’Albright a publié son propre  calendrier prévisionnel qui ne se concentre uniquement que sur la production d’uranium hautement enrichi, et non sur l’arme elle-même.Il en a conclu que l’Iran n’en était, potentiellement, guère plus qu’à un mois de délais. 

Lorsque USA Today a demandé à une porte-parole du Conseil National de Sécurité ce qu’elle pensait de l’estimation d’Albright, elle a répliqué que la communauté du renseignement conservait un certain nombre d’estimations disponibles à ce sujet. 

« Ils se sont montrés très durs envers ceux d’entre nous qui disaient : concentrons-nous simplement sur le degré d’uranium raffiné pour une bombe, il s’agit d’une période de temps bien plus courte, qui ne peut pas être d’une année », m’a raconté Albright. « Si vous souhaitez juste disposer d’un engin nucléaire pour le tester sous terre, je ne pense pas que vous ayez besoin d’une année ». 

Cette vision est soutenue par un document faisant l’objet d’une fuite, émanant de l’AIEA, et d’abord publié en 2009 par l’ Associated Press. Le groupe d’Albright a publié des extraits de l’évaluation de l’AIEA qui conclut que l’Iran « dispose de suffisamment d’information pour être en capacité de concevoir et de produire un engin fonctionnel d’implosion nucléaire alimenté à l’uranium (hautement enrichi), en tant que carburant fissile ». 

Kenneth Pollack, ancien analyste de la CIA, devenu expert de l’Iran au Brookings Institute, m’a dit que la plupart des estimations techniques sur cette percée nucléaire iranienne n’étaient pas forcément aussi précises qu’elles ne sont, parfois, décrites dans la presse. « Tous les physiciens arrivent à des conclusions différentes, qui dépendent des données et critères qu’ils utilisent ». 

De cette façon, le nouveau tableau, bien plus alarmiste, présenté par Obama, cette fois de deux à trois mois, lui offre un argument majeur de vente du cadre d’accord obtenu ce mois-ci à Lausanne. Lorsqu’Obama a annoncé l’accord préliminaire le 2 avril, il a déclaré que son bénéfice était que, s’il était finalisé, « même si l’Iran violait l’accord, au moins pour la prochaine décennie, l’Iran se trouverait au minimum à un an de l’acquisition de suffisamment de matériau pour produire la bombe ». 

D’où la colère du Représentant Devin Nunes, le président républicain de la Commission de Sélection permanente des Renseignements. « Nous avons cherché sur quoi ils fondaient leurs prétentions disant qu’un accord allongerait la durée dont a besoin l’Iran de 2 à 3 mois jusqu’à 1 an ». « Nous essayons juste de confirmer l’un de ces délais annoncés et nous ne sommes pas en mesure ni de le confirmer ni de donner le moindre sens à ce à quoi ils veulent faire référence ». 

Nunes devrait se presser un peu. La conclusion de l’accord nucléaire est prévue dans moins de trois mois… 

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bloombergview.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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