Jacques Tarnero. “Le Monde” est-il devenu le “Je suis partout” de la bonne conscience ?

Dans les années 70, le journal gauchiste “Tout“, issu du groupe mao-spontex VLR (Vive la Révolution), publiait dans son numéro deux (page 2) un “Appel aux Juifs”, écrit de manière phonétique destinée à reproduire des paroles teintées d’accent pied-noir : “Hé les Juifs ! Po po po ! Qu’est-ce qui vous arrive ? Purée d’vous z‘aut ! “

Ainsi posé l’appel visait à dénoncer des positions (nouvelles) abusivement sionistes (entendez fascistes) de ce groupe humain habituellement respecté, parce que victime exemplaire de l’extrême droite et du fascisme. Dans une mise en page colorée très pop art, où volaient en filigranes des petits rabbins ailés, le texte réduisait les Juifs à une espèce de variant pied-noire, donc coloniale, donc aussi fasciste que raciste et aussi raciste que vulgaire. C’était l’époque post 68, la radicalité avait ajouté sa subtile dose de créativité.

Bien plus tard c’est dans un film “Le grand pardon“, d’Alexandre Arcady, qu’une réplique est venue rappeler ce que “Tout” avait suggéré. “Vous sentez l’huile monsieur Betoune“: c’est avec ces mots que s’adresse le commissaire joué par Jean Louis Trintignant au truand juif joué par Roger Hanin. Le commissaire n’arbore certes pas les particules d’un Darquier de Pellepoix, mais les présupposés qui l’inspirent témoignent d’une répugnance identique.

“Vous sentez l’huile, Bettoun”

C'est l'histoire d'un film : LE GRAND PARDON – Les Chroniques de  Cliffhanger & Co

“Je ne vous aime pas, Bettoun. Vous sentez l’huile”. Le grand Pardon. Film d’Alexandre Arcady

A travers le portrait que Louis Imbert et Christophe Ayad dressent de Meyer Habib , “L’homme qui en faisait trop” dans Le Monde du 15 février 2023, une autre phrase aurait pu être dite : “Vous sentez l’ail, monsieur Habib “, car ce sont des paroles relevant du même registre de mépris ethnique qui construisent le récit peu flatteur écrit par les journalistes du Monde. Certes il y a dans ce texte des faits révélés, des images rapportées, des liens politiques mis au jour visant à accabler un homme, à l’expulser du champ des hommes respectables. Une suite de syllogismes s’y emploie visant une autre cible que le portrait en question. Meyer Habib “sent l’huile”, Meyer Habib est un juif tune, tous les juifs tunes sentent l’huile et c’est bien la raison intime de leurs positions politiques.

Deuxième proposition : Meyer Habib est un sépharade, les sépharades en Israël ont voté Ben Gvir. Meyer Habib est un partisan de Ben Gvir. Troisième proposition : Meyer Habib n’a pas de bonnes manières, Meyer Habib est copain de Bibi, Bibi n’a pas de bonnes manières. Quatrième proposition : les sépharades sont vulgaires et braillards et portent des chemises blanches froissées et des cravates bleues (couleurs qui sont celles du drapeau d’Israël !!! précise Le Monde) comme Ben Gvir, Meyer Habib est braillard, Meyer Habib fait partie de cette espèce dont Ben Gvir est le porte-parole.

Fins esprits, les limiers du Monde, doublés d’esprit critique, font désormais dans l’anthropologie électorale. Une sorte de grand remplacement a fait que désormais les sépharades appartenant aux classes sociales défavorisées, sont majoritaires dans la démographie israélienne et ces gens dépourvus des manières de table du Quai d’Orsay s’imposeraient dans la vie politique au profit de la droite dure. Un haut fonctionnaire de cette belle maison vient d’ailleurs apporter son témoignage pour confirmer le mauvais genre qui séduit désormais ces juifs-israéliens-pieds-noirs dont Meyer Habib serait le représentant en France: “Est-il seulement français, ce député français qui a Israël pour seul souci ?“, questionne l’homme du Quai d’Orsay, reprenant à son compte cette vieille antienne de la double allégeance.

Cette accumulation de clichés réduisant les sépharades d’Israël à des supporters d’une sorte d’OAS relève tout simplement d’un insupportable mépris ethnique quand par ailleurs les journalistes du Monde feignent d’ignorer l’idéologie de ceux qui ont fait du jihad l’âme de leur projet.

Depuis 2005, Gaza est libre de toute présence israélienne. Qu’ont-ils fait de leur liberté retrouvée ? Les Palestiniens ont-ils cherché à inventer une paix possible, ont-ils cherché à sortir leur peuple de la misère? Gaza sous la botte du Hamas a été transformée en base terroriste. Les journalistes du Monde savent cela mais ne disent pas qu’il le savent. Le Quai d’Orsay sait cela, mais son souci des bonnes manières opère d’autres choix.

Il est bien vrai qu’en matière de bonnes manières l’expertise du Quai d’Orsay est incontestable. Bien des résolutions du Conseil des droits de l’homme de l’ONU dont l’obsession anti israélienne est la marque ont obtenu le soutien de la France. Le Quai d’Orsay cultive à l’égard du “Levant” des nostalgies inscrites dans la rivalité franco-britannique datant de la défaite de l’Empire Ottoman et son démembrement après 1918. L’ancien directeur du “Levant” au Quai d’Orsay, Yves Aubin de la Messuzière, tout à la revanche contre Lawrence d’Arabie, n’a eu de cesse de ferrailler contre cet Etat né de la déclaration de lord Balfour proposant la création d’un homeland en Palestine pour le peuple juif. L’ancien directeur n’a jamais dissimulé son antipathie pour Israël dès lors que l’Etat juif s’affirmait comme autre chose qu’une terre de survivants destinée à courber l’échine. Les Juifs morts ont droit en France à toutes les sympathies du pouvoir et commémorer la shoah est une activité obligatoire devenue un rite républicain. Sur l’antisémitisme de Vichy, seul Jacques Chirac sut en 1995 trouver les mots justes pour reconnaître les complicités françaises.

Par contre dès que l’État des Juifs se défend contre ceux qui ont fait de sa destruction leur unique objectif, les attitudes changent du tout au tout. Les positions de principe sur “le droit d’Israël” s’estompent dès que ce droit entreprend de combattre les roquettes tirées contre ses populations civiles. De Giscard à Chirac tous les présidents n’ont eu de cesse de courtiser le monde arabe dans ce qu’il a de plus régressif tout en prenant soin de dénoncer le terrorisme lorsqu’il tuait des Français innocents.

Préférant sans doute les bonnes manières du Hamas ou du Djihad islamique, Le Monde n’a eu de cesse de présenter les mouvements islamistes comme des victimes des “colons juifs” désormais “suprémacistes” et “racistes”. Il y a une jouissance malsaine dans le moment présent à proclamer bien haut des “Nous vous l’avions bien dit !” que cet État portait en germes Ben Gvir et Smotrich.

Cette “self fulfilling prophecy” triomphe chez tous les bons esprits soucieux du malheur arabe et palestinien, sans qu’à aucun moment ne soit évoquée une quelconque responsabilité arabe dans ce malheur. “Que s’est-il passé ?” questionnait déjà Bernard Lewis pour qu’ait disparu de la scène cet “islam de Lumières” vanté par Richard Malka ? Que s’est-il passé pour que la nuit islamiste se soit infiltrée jusque et y compris dans les banlieues françaises ? L’idéologie des terroristes du 11 septembre à New York est la même que celle qui a inspiré les tueurs de Charlie Hebdo et ceux du Bataclan. Elle est la même que celle qui inspire le Hamas et ses compères. Ne pas comprendre cela consiste à refuser de comprendre la réalité à laquelle Israël est confronté depuis ses origines.

Peut-on pour autant se contenter de la critique du commentaire sur les faits en ignorant les faits ? Sûrement pas. N’ayant aucune sympathie pour l’ultra droite religieuse constituant l’actuelle majorité à la Knesset, les auteurs de ces lignes sont tout autant révulsés par la présence au gouvernement d’Israël de personnes partageant l’idéologie de l’assassin d’Yitzak Rabin et c’est pour défendre la démocratie israélienne que des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue. L’héritage de Guershon Sholem, de Martin Buber, de Jabotinsky, ou de Begin ou de Ben Gourion mérite mieux que des disciples du rabbin Kahane.

Les journalistes du Monde seraient bien inspirés de balayer d’abord devant leurs propres portes et faire preuve d’un sens de la nuance qui leur fait singulièrement défaut pour traiter de ces questions aussi compliquées, aussi enchevêtrées, où se mêlent le miroir de la guerre d’Algérie, le passif de Vichy et le cynisme de la real politique.

En faisant de Meyer Habib l’incarnation de leurs répulsions additionnées, les deux journalistes du Monde ne font que solidariser l’ensemble des Juifs contre ce discours de mépris ethnique et de haine de classe qui ne comprend rien, qui ne veut rien comprendre à ce qu’est Israël, à l’histoire des Juifs, à celle du sionisme. Si pour Le Monde le camp du Bien se situe du côté de ceux qui distribuent des bonbons après chaque attentat ayant tué des Israéliens, ce journal devrait deviner que cette position ne fait qu’encourager, ici même, la diffusion de la haine.

Ne pas voir que ce qui menace Israël menace la France relève d’un aveuglement idéologique criminel.

“Quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage“, dit le proverbe.

Jacques Tarnero

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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madredios

L’Immonde et l’Aberration sont les 2 principaux journaux qui transpirent l’antisémitisme.

Franck DEBANNER

Question stupide !

L’immonde torche-cul est tout simplement le principal organe de propagande antijuive du monde entier, en langue française. Et ça date depuis les années 1950.

Louzoun

Bravo Tarnero, cependant c’est une erreur de confondre BenGvir, ancien disciple de Kahana et Smotrich disciple de Manitou et du Rav Burg, patron du parti national religieux .

?

LE MONDE EST DEVENU UN TORCHON A CHARGE ,SURTOUT CONTRE LES JUIFS ET ISRAEL.JE SERAI CURIEUX DE SAVOIR PAR QUI EST COMPOSEE LA DIRECTION DE CE TORCHON MAIS JE M’EN DOUTE UN PEU.JE PEUX VOUS PREDIRE »LA MORT ANNONCEE » DE CE BRULOT DANS DE BREFS DELAIS.QUAND ON DIRIGE UN JOURNAL ON PEUT AVOIR TELLE OU TELLE SENSIBILITE POLITIQUE MAIS ON DOIT ESSAYER DE RESTER LE PLUS OBJECTIF POSSIBLE !!!

Pierre

Lire le Monde permet de connaître l’opinion de la caste journaleuse, de l’afp, du quai d’Orsay, du gouvernement français. Un journal qui donne envie de vomir aussitôt le conflit israeloarabe abordé.

Alex E. MÉRALI

Pierre, vous avez du courage pour lire l’immondice. Moi, je ne prends jamais ce risque qui, ce faisant, attenterait à l’intégrité de ma vue et à l’absence de souillure de mes mains. Si l’on y ajoute le dégoût qu’inspire l’essence même de l’abject étron en question…

Charles Librot

Très bon article !.