«Le Liban est-il menacé de disparition?»

FIGAROVOX/TRIBUNE – Compte tenu du potentiel culturel et artistique du Liban, auquel il faut ajouter la richesse humaine de la population et la qualité de la formation universitaire, la société libanaise a tout pour retrouver un équilibre, mais il faut que soit rapidement mis un terme aux dérives observées chez la classe dirigeante affirme le journaliste spécialiste du Proche-Orient Xavier Baron.

Par Xavier Baron
Les avions Alpha de la Patrouille de France dégagent de la fumée aux couleurs du drapeau libanais en survolant Beyrouth le 1er septembre 2020.
Les avions Alpha de la Patrouille de France dégagent de la fumée aux couleurs du drapeau libanais en survolant Beyrouth le 1er septembre 2020. JOSEPH EID/AFP

Xavier Baron est un journaliste français, spécialiste du Proche-Orient. Il vient de publier Le Liban en 100 questions(Editions Taillandier).


Un siècle après sa naissance, le Liban connaît une de ses pires épreuves parce que le système politique est bloqué, le pays traverse une profonde crise sociale, économique et financière et une grande partie de la population a perdu toute confiance dans sa classe dirigeante. L’État est en pleine déliquescence et la moitié de la population vit aujourd’hui au-dessous du seuil de la pauvreté. Ce pays est pourtant, à bien des égards, une exception remarquable dans une région en proie à de multiples conflits. Il a su largement pratiquer une coexistence intercommunautaire et a su se doter d’une organisation politique permettant aux uns et aux autres de vivre côte à côte, bien que ce système, vieux de deux siècles, montre aujourd’hui ses limites parce qu’il a été dévoyé et a permis depuis trente ans à toute une classe politique de servir ses intérêts avant ceux des citoyens. Alors le Liban est-il menacé de disparition face aux maux qui l’assaillent et auxquels les dirigeants ne savent pas ou ne veulent pas répondre? La longue histoire, souvent mouvementée, de ce territoire a montré qu’il sait surmonter les épreuves, mais la situation actuelle met à rude épreuve la solidité du pays. La population qui ne cesse de manifester montre en tous les cas qu’elle tient à son pays et désire le voir renaître plus fort. Le danger est pourtant grand que si un traitement énergique (social, économique et financier notamment) n’est pas appliqué, si la classe politique persiste dans son indifférence au sort des habitants, et s’il n’est pas mis rapidement un terme aux graves dérives observées dans la gouvernance du pays (corruption, clientélisme, système bancaire, organisation de la vie quotidienne), le Liban s’enfonce dans une situation mettant à l’épreuve la cohésion du pays avec les risques que cela comporte pour la paix civile.

Aujourd’hui, les cinémas, les théâtres, les librairies sont dans une situation dramatique même si des artistes libanais continuent à faire rayonner la culture libanaise dans le monde.

Déjà, l’affaiblissement du Liban au cours des dernières années a coûté cher au rayonnement du pays qui était au Moyen-Orient le creuset de la création culturelle sous tous ses aspects, avec une liberté de ton inconnue ailleurs dans la région. Il s’agit d’une longue tradition qui a pris son essor lors du mouvement de renaissance arabe, à la fin du XIXème siècle alors que l’Empire ottoman vivait ses dernières années. Aujourd’hui, les cinémas, les théâtres, les librairies sont dans une situation dramatique même si des artistes libanais continuent à faire rayonner la culture libanaise dans le monde. La presse libanaise, naguère lue et recherchée dans l’ensemble du Moyen-Orient, lutte pour sa survie. Certes, compte tenu du potentiel culturel et artistique du pays, auquel il faut ajouter la richesse humaine de la population et la formation universitaire et professionnelle prodiguée par les universités et les divers instituts, la société libanaise devrait retrouver sa place dans la région, mais à la condition que la stabilité revienne. Sans cela le fléau de l’émigration qui ne cesse d’appauvrir le capital humain du pays, se poursuivra et les jeunes Libanais désespérés de ne pas pouvoir exprimer leurs talents dans leur pays, continueront à se tourner vers l’étranger.

Il ne faut cependant pas négliger la capacité manifestée à maintes reprises par les Libanais, à tenir bon face aux épreuves, même dans les pires moments. Le dynamisme de la jeunesse libanaise et l’essor d’une société civile qui développe les actions de solidarité et ambitionne à réformer le système politique et social qui régit le pays, montrent combien cette société ne renonce pas. Après l’explosion du 4 août au port de Beyrouth, qui a fait 180 morts et dévasté des quartiers de la ville, c’est la population qui s’est aussitôt mise à l’œuvre au milieu des gravats face à l’incurie du pouvoir et ce sont des associations qui ont organisé la survie de la population affectée, avec l’aide internationale envoyée au Liban.

L’idéal aurait été qu’un sentiment d’urgence s’empare du monde politique libanais, mais comme cela n’a pas été le cas, la pression exercée par la France a permis de faire avancer la recherche d’une solution à la crise.

Le Liban n’a pas les moyens de se relever seul tant la crise est profonde et affecte tous les aspects de la vie nationale. Il ne peut pas compter sur une classe politique qui continue ses traditionnels jeux politiques alors que le pays connaît un drame. Ainsi, au lieu de provoquer un choc, l’explosion du port a été suivie de plusieurs semaines de discussions politiciennes entre partis alors que le pays sinistré est sans gouvernement. L’impulsion est en fait venue de la France, amie et alliée traditionnelle du pays qu’elle a créé il y a un siècle. L’idéal aurait été qu’un sentiment d’urgence s’empare du monde politique libanais, mais comme cela n’a pas été le cas, la pression exercée par Emmanuel Macron a permis de faire avancer la recherche d’une solution à la crise. Cette mission n’a pas été sans critiques à la fois de ceux qui la qualifient d’ingérence, et de ceux qui attendaient une intervention encore plus musclée. Mettre la main dans le complexe jeu politique libanais était sans doute audacieux et le résultat incertain, mais fallait-il laisser le pays s’enliser sans espoir. Il se trouve qu’aucun autre pays que la France ne pouvait intervenir en raison de ses relations historiques et parce qu’elle est le seul État en mesure de s’adresser à toutes les parties libanaises, y compris celles dont elle condamne l’action. Pour la population qui manifeste dans les rues, l’intervention n’a pas répondu à toutes les attentes notamment parce que le Président français discute avec une classe politique dont le départ est réclamé, et parce qu’il a laissé de côté la question de l’organisation rapide d’élections législatives très attendues par les manifestants. Or, face au refus du Hezbollah d’organiser de telles élections qui risquent de lui faire perdre sa majorité actuelle au parlement, Emmanuel Macron ne pouvait risquer un affrontement qui de toute façon n’aurait rien changé à la situation.

 

Car, le rétablissement de la situation tourne notamment autour du Hezbollah, parti chiite, organisation à la fois politique et militaire, disposant en toute illégalité d’une puissante milice armée par l’Iran, dont les capacités sont supérieures à celles de l’armée nationale. Le Hezbollah a adopté ces derniers jours un ton plus conciliant, affirmant être prêt à des réformes en profondeur, se montrant ouvert à un système politique non-communautaire. Il s’est engagé devant le président français à faciliter la formation d’un gouvernement de techniciens dans lequel il n’exigerait plus de détenir des ministères. C’est-à-dire qu’il ferait passer l’intérêt des Libanais avant celui de son alliance avec l’Iran. C’est toutefois le contraire de ce qu’il a fait jusqu’à présent et il faut attendre les développements des prochaines semaines pour voir si le Hezbollah tient parole, ou s’il s’agit de propos de circonstances liés à la visite du président français.

 

lefigaro.fr/vox

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martin

comment peut-on se demander si le hezbolla tiendra parole?????????
le liban est a la botte de l’iran . l’iran ne lachera pas le liban, et tout l’argent qui sera versé au liban tombera dans les poches de l’iran.
c’est comme l’aide militaire que la france a accordé au liban il y a quelque temps;
a qui croyez -vous que cela a profité ???????
et macron qui veut sauver le liban et qui laisse nos territoire en france a l’islamisme radical.
incapable de ramener l’ordre !
pas claire tout ça…