Le débat sur Mein Kampf
On a beaucoup parlé de Mein Kampf, ces derniers temps, à cause de l’expiration de ses droits de reproduction. Malgré le fait que cela a bien alimenté certaines discussions, également déclenchées par la publication d’une version annotée de façon érudite, par l’Institut allemand d’Histoire Contemporaine (IFZ), on trouve difficilement de vraie raison pratique de débattre à ce sujet.
L’Etat de Bavière disposait des droits sur Mein Kampf depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale. Depuis cette période, il a refusé l’autorisation de réimprimer,puisque le livre incite à la haine raciale. Néanmoins, au cours de ces dernières décennies un très grand nombre de versions de Mein Kampf ont été publiées sans entrave en de nombreuses langues. Le livre est largement distribué et lu dans les pays arabes. On a même trouvé des copies disponibles à Londres dans les quartiers à vaste populations arabes[1].
Le livre d’Hitler est aussi largement disponible en Inde. C’est la curiosité qui semble en être la raison principale, bien plus qu’une autre sinistre motivation, en particulier à cause des raisons pour lesquelles l’ouvrage a pu connaître un tel impact à son époque[2]. Au contraire, il y a plusieurs années, Rifat Bali, un expert en matière d’antisémitisme turc écrivait que la traduction en turc de Mein Kampf était devenue un bestseller dans le pays et qu’on pouvait l’acheter dans certaines des plus importantes chaînes de supermarché et librairies[3]. Dans ce cas, la motivation antisémite semble se démontrer par elle-même.
On a aussi rapporté que c’est un bestseller dans les territoires palestiniens. Cela ne devrait pas constituer une surprise. Le principal dirigeant des Arabes Palestiniens d’avant-guerre était le Mufti de Jérusalem, Mohammed Amin Al-Husseini. Il percevait des parallèles saisissants entre l’islam et le Nazisme. Il les a mentionnés au cours de la Seconde Guerre Mondiale, lors d’une conférence devant les membres de la Division SS des Musulmans bosniaques qu’il avait contribué à fonder[4].
Husseini établissait la liste suivante de leurs points communs :
- Monothéisme, unité de la chefferie et principe du Führer
- notions d’obéissance et discipline
- Combat pour l »honneur et combat pour trouver la mort à la bataille.
- Attitude envers la communauté : l’intérêt commun précède l’intérêt personnel.
- La valorisation de la maternité et l’interdit de l’avortement.
- L’attitude envers les Juifs : l’islam et le National-Socialisme sont proches l’un de l’autre dans leur combat contre le Judaïsme.
- Glorification du travail et de la création : l’islam protège et respecte le travail par tous les moyens[5]
Dans ce cadre et au regard de la propagation de l’antisémitisme dans le monde arabe très imprégné par la haine, Mein Kampf sert d’outil d’incitation antisémite dans ces pays et il continuera de le faire.
Un site antisémite établi la liste des endroits où on peut télécharger gratuitement le livre d’Hitler sur Internet en de nombreuses langues européennes. Nous ne devons avoir aucune illusion en ce qui concerne l’intérêt croissant de Mein Kampf pour les Européens. Dans l’Europe actuelle où l’antisémitisme est en augmentation, la plupart de ceux qui sont intéressés par la lecture de Mein Kampf ne sont probablement pas motivés par la curiosité, mais ils cherchent plutôt un matériau supplémentaire leur permettant de fomenter la haine des Juifs et l’antisémitisme classique.
L’IFZ déclare que son objectif, dans la publication de cette version annotée serait de « présenter Mein Kampf comme une source abondante de documents pour l’histoire contemporaine, permettant de décrire le contexte de la genèse de la vision du monde d’Htiler, de révéler ses précurseurs dans la pensée et la mentalité, autant que de contrer ses idées et ses déclarations grâce aux découvertes de la recherche moderne[6]« .
Il y a eu des critiques de cette version annotée. Néanmoins discuter pour savoir si elle devait ou pas être publiée est tout aussi futile, puisque le livre a déjà été diffusé. Cette discussion semble aussi être passée à côté de cette question essentielle jusqu’à présent. La question n’est pas de savoir si on doit ou veut lire ces travaux de 2000 pages avec toutes ses 3.500 notes. La question principale est plutôt qu’en raison de la faible compréhension de l’antisémitisme classique et contemporain, qui est très largement répandue, il est extrêmement important de disposer d’un texte où on peut trouver une analyse critique d’une oeuvre antisémite cruciale.
Il semble, essentiellement pour mémoire, que le Conseil Central des Juifs d’Allemagne a déclaré qu’il ne faisait pas objection à la publication de cette version critique et annotée scientifiquement de Mein Kampf. Joseph Schuster, chef du Conseil,a affirmé que la connaissance du livre d’Hitler était importante, afin d’expliquer le National-Socialisme et la Shoah. Il a ajouté que « Par conséquent, il n’y a pas d’objection à une édition scientifiquement annotée dans un but de recherche et d’enseignement ».
Ce qui est important, c’est que les autorités allemandes prévoient encore de poursuivre les éditeurs d’impressions du livre en les accusant « d’incitation à la haine raciale ». Cependant, en pratique,cela ne peut avoir le moindre impact qu’en Allemagne elle-même[7].
La question subsiste de savoir si une édition en Hébreu devrait être publiée. Cela aurait peu de sens de ne publier qu’une simple traduction[8]. Une telle édition serait sans doute souhaitable, uniquement si elle est lourdement annotée et si le livre est présenté dans le cadre de l’évolution bimillénaire de l’antisémitisme. Un telle édition ne devrait pas seulement montrer comment Hitler a conçu son mouvement et sa propre forme de persécution des Juifs. Elle devrait aussi illustrer de quelle façon ses idées se sont développées en se fondant sur l’infrastructure construite et fortifiée, au cours des nombreux siècles de règne de l’Eglise Catholique et de plusieurs congrégations protestantes[9]. En outre, elle devrait expliquer quels sont les thèmes de Mein Kampf qui ont, plus tard, muté pour devenir des thèmes utilisés contre Israël, en particulier dans leur émergence au sein du monde islamique, et qui comprend de façon prédominante, les Musulmans Palestiniens.
Par Manfred Gerstenfeld
Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.
[1] http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/1388161/Mein-Kampf-for-sale-in-Arabic.html
[2] http://www.jpost.com/Opinion/Why-is-Adolf-Hitler-popular-in-India-376622
[3] http://jcpa.org/article/present-day-anti-semitism-in-turkey/
[4] Matthias Küntzel, Djihad und Judenhass, (Freiburg: ça ira-Verlag, 2003), 39. [German]
[5] Ibid.
[6] http://www.ifz-muenchen.de/?id=550
[7] http://www.timesofisrael.com/german-jewish-group-ok-with-publishing-mein-kampf-again/
[8] http://www.algemeiner.com/2016/01/06/israeli-antisemitism-scholar-warns-against-translating-hitlers-mein-kampf-into-hebrew-without-annotations-on-ideological-mutations-used-today/
[9] http://www.algemeiner.com/2016/01/24/christian-beliefs-and-the-infrastructure-of-the-holocaust/t
Alors qu’apparemment , les morceaux choisis de « Mein Kampf » circulent abondamment sur internet, je ne vois pas quel public M. Gerstenfeld pense pouvoir toucher, par la publication d’une « édition lourdement annotée », en français, en anglais, en tout idiome que l’on voudra.
Les jeunes , ici, ne lisent plus, depuis des décennies. Ils arrivent en 6ème, aux trois quarts analphabètes.
Destinez-vous , Monsieur, cette incontournable publication aux classes de 3ème ? aux futurs bacheliers? aux rats de bibliothèque?
Les historiens passionnés par le sujet doivent faire l’effort de découvrir la pensée hitlérienne dans la langue-même où l’ouvrage a été écrit. Dommage de se priver de ce qui en fait le sel.
Quant aux annotations, je pense à celles qui émaillent les publications dans La Pléiade »…. et, vraiment, je crois que le public qui tirerait un profit intellectuel de ce bouquin est extrêmement restreint.
Enfin, nous pouvons attendre encore qqs décennies; il n’y a aucune urgence, ici. Du reste, nous sommes en état d’urgence.
« Une telle édition serait sans doute souhaitable, uniquement si elle est lourdement annotée et si le livre est présenté dans le cadre de l’évolution bimillénaire de l’antisémitisme. »
Comment peut-on « lourdement » annoter un livre aussi délirant ? Je l’ai déjà parcouru, c’est un livre qui vous tombe des mains, encore plus risible et débile que « La France juive » de Drumont, c’est dire…