Le cœur peut connaître un sursaut d’activité en fin de vie. 

C’est ce qu’a montré une récente étude par une équipe internationale menée par Sonny Dhanani, chef de l’unité de soins intensifs pédiatriques de l’hôpital d’Ottawa, au Canada.

Les chercheurs ont enregistré l’activité cardiaque de 631 patients hospitalisés en soins intensifs au Canada, en République tchèque et aux Pays-Bas, et pour lesquels l’arrêt des mesures de maintien de la vie avait été accepté par les proches. Chez 14 % de ces patients, le cœur a redémarré une ou plusieurs fois après s’être arrêté – sans qu’aucun des patients n’ait, hélas, repris conscience. La durée la plus longue avant la reprise de l’activité cardiaque, des battements de cœur, était de 4 minutes et 20 secondes.

« Cette étude a permis de définir plus précisément ce qu’est la mort corporelle après suppression des mesures de maintien de vie. Ses résultats sont rassurants : ils confirment qu’il est approprié d’attendre 5 minutes après l’arrêt cardiaque, avant de déclarer mort un potentiel donneur d’organes [comme c’est la règle dans plusieurs pays, mais pas en France où les médecins attendent 4 heures après l’arrêt de l’activité cérébrale, NDLR] », commente Sonny Dhanani.

Le cœur peut recommencer à réagir… après la mort.

L’arrêt de l’activité cardiaque a longtemps été considéré comme l’indication ultime du décès. C’est encore le cas dans certains pays, alors que dans bien d’autres la référence renvoie à la mort cérébrale. En tout cas, il s’avère que le cœur peut recommencer à réagir plusieurs minutes après le décès.

Les témoignages de « résurrection » après un arrêt cardiaque prolongé ne sont pas exceptionnels. Il en va ainsi en particulier suite à l’intervention d’une équipe de réanimation. Ici, le contexte est différent. Une équipe canadienne, regroupant des spécialistes émanant de plusieurs universités et institutions, a évalué la reprise de l’activité électrique cardiaque et du pouls chez des adultes décédés après l’arrêt des mesures « artificielles » de maintien des fonctions vitales (l’assistance respiratoire, notamment).

Les recherches ont concerné quelque 600 patients répartis dans une vingtaine d’unités de soins intensifs (trois pays : Canada, Pays-Bas et Tchéquie). Un éventuel « « redémarrage » cardiaque après une phase sans pouls a été constaté en temps réel par un médecin placé au chevet de la personne, ainsi qu’ultérieurement sur base de l’électrocardiogramme (ECG) et des enregistrements des fluctuations de la pression artérielle.

Après 4 minutes et 20 secondes

Le résultat est assez étonnant. Ainsi, le médecin présent a constaté une reprise transitoire de l’activité cardiaque ou des mouvements respiratoires (ou les deux) chez 5 patients (1% du total). L’analyse des données de l’ECG et de la pression artérielle indique des reprises de l’activité cardiaque chez 67 patients (14%), y compris les cinq constatées par le médecin. La plus longue période séparant l’absence de pouls et la reprise de l’activité cardiaque a été de 4 minutes et 20 secondes. On ajoutera, et c’est essentiel évidemment, qu’aucun patient n’a repris conscience ou a survécu. Pas de « résurrection », donc.

Le Dr Bernard-Alex Gaüzière (Journal international de médecine) ajoute : « Cependant, la reprise transitoire du pouls a bien eu lieu, ce qui laisse supposer que les processus physiologiques de survenue de la mort physique après l’arrêt des mesures de maintien de la vie peuvent inclure occasionnellement des périodes de reprise de l’activité électrique cardiaque et de l’activité artérielle pulsatile. Ceci confirme également qu’une activité électrique cardiaque peut se poursuivre en l’absence d’une activité cardiaque pulsatile et qu’il faut attendre l’arrêt de l’activité ECG pour déterminer la mort circulatoire ».

Pourquoi chercher à comprendre la mort

Les résultats de notre étude sont importants pour plusieurs raisons.

D’abord, le fait que l’arrêt et le redémarrage de l’activité cardiaque et de la circulation fassent souvent partie du processus naturel de mort peut être rassurant pour les médecins, les infirmières et les personnes au chevet du malade. Les signaux intermittents des moniteurs peuvent être alarmants si les observateurs les interprètent comme des signes d’un retour inespéré à la vie. Notre étude fournit des preuves qu’il faut s’attendre à des arrêts et à des redémarrages pendant un processus de mort normal sans réanimation, et qu’ils ne conduisent pas à une reprise de conscience ou à la survie.

Ensuite, notre observation selon laquelle la plus longue pause avant que l’activité cardiaque ne reprenne d’elle-même était de quatre minutes et vingt secondes appuie la pratique actuelle qui consiste à attendre cinq minutes après l’arrêt de la circulation avant de déclarer le décès et de procéder à la récupération des organes. Cela contribue à démontrer aux organismes de don d’organes que leurs pratiques de constatation du décès sont sûres et appropriées.

Nos résultats seront utilisés pour mieux orienter les politiques et les lignes directrices pour la pratique du don d’organes dans différents pays. Pour que le système de dons fonctionne, il faut avoir la certitude que si une personne a été déclarée morte, c’est qu’elle l’est vraiment. La confiance permet aux familles de choisir le don dans une période de deuil et à la communauté médicale de garantir des soins de fin de vie sûrs et adéquats.

Cette étude est également importante pour améliorer notre compréhension du déroulement naturel de la mort. Nous avons montré qu’il n’est pas toujours si simple de déterminer quand on peut considérer quelqu’un comme réellement mort. Cela nécessite une observation attentive et un suivi physiologique étroit du patient. En outre, il faut savoir que, tout comme pour ce qui est de la vie, le processus de la mort peut prendre de nombreuses formes.

Notre travail constitue une étape vers la prise de conscience de la complexité de la mort et permet de voir qu’il faut aller au-delà de la simple ligne plate pour déceler le moment où le décès est survenu.

Cet article a été co-écrit par Laura Hornby, directrice de recherche et consultante à l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario et à la Société canadienne du sang, et Nathan Scales, ingénieur biomédical et associé de recherche au Laboratoire d’analyse dynamique de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa.

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