Le Parlement canadien est en passe d’adopter une loi antiterroriste devant muscler les services de renseignement et permettre un contrôle inédit d’internet, en dépit d’une vaste opposition qui craint une « surveillance de masse ».

 

Alors que les députés français votaient au même moment un projet de loi sur le renseignement, la Chambre des Communes canadienne a débuté mardi matin la troisième lecture du controversé projet de loi C-51. Le vote devrait intervenir mercredi soir, a indiqué à l’AFP le parti conservateur au pouvoir.

Étant donné la large majorité dont dispose au Parlement la formation du Premier ministre canadien Stephen Harper, et le soutien annoncé de l’opposition libérale, l’adoption de cette loi ne fait aucun doute.

Convaincus que cette réforme allait transformer les services de renseignements en «police secrète», violer la constitution et mener à une «surveillance de masse», plus de 200.000 Canadiens ont signé une pétition demandant sa révocation, un record.

Les députés n’auront eu que deux mois pour débattre et amender, à minima, le volumineux texte législatif, le gouvernement de M. Harper ayant expliqué qu’il y avait urgence à agir face à une menace islamiste présentée comme croissante.

Outre la prévention d’attaques d’apprentis jihadistes comme celles de Saint-Jean-sur-Richelieu au Québec, ou au Parlement d’Ottawa en octobre, les conservateurs veulent aussi augmenter l’arsenal pour empêcher de jeunes Canadiens de se joindre aux rangs du groupe Etat islamique en Irak ou en Syrie.

Jusqu’ici cantonné à la collecte d’informations et à la surveillance, le SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité) va désormais pouvoir «perturber» les actions de présumés terroristes (en piratant par exemple leurs comptes internet) et placer sur écoutes des Canadiens et leurs proches si jamais ils sont soupçonnés d’avoir une «intention» malfaisante.

Pour arrêter plus facilement un individu, les agences fédérales pourront s’adresser à un juge lors d’auditions secrètes auxquelles aucun avocat de la défense ne sera présent, ce qui fait dire aux associations de juristes, comme au Commissaire à la protection de la vie privée –un haut fonctionnaire relevant du Parlement– que la loi viole les droits fondamentaux des Canadiens.

L’échange et le partage de contenu sur internet servant de «propagande terroriste» deviendra en outre un geste criminel, quelque soit l’intention de l’internaute en cause.

— Métadonnées filtrées —

«Tous les citoyens seront pris dans cette toile, pas seulement ceux soupçonnés de terrorisme», avait dénoncé le Commissaire à la vie privée, Daniel Therrien, dans une lettre ouverte en mars.

D’anciens Premiers ministres libéraux comme Jean Chrétien ou de hauts magistrats comme Louise Arbour, ex-juge de la Cour suprême et ancienne procureure du tribunal pénal international pour le Rwanda et la Yougoslavie, ont également dénoncé le texte qui, «au nom du secret», viendrait bafouer les libertés individuelles.

Tout comme en France les opposants à la nouvelle loi sur le renseignement ont dénoncé l’analyse automatique des communications sur internet via des algorithmes, le filtrage des métadonnées échangées par les Canadiens inquiète vivement les détracteurs de C-51.

L’enjeu est celui de la gestion des «métadonnées, c’est-à-dire des quantités phénoménales de renseignements pouvant être analysés par des algorithmes pour repérer les tendances, prévoir les comportements et faire des liens», avait déploré le Commissaire à la vie privée.

Daniel Therrien avait ainsi souligné que 14 des 17 agences fédérales «qui recevront des renseignements en vertu du projet de loi ne font l’objet d’aucune surveillance indépendante».

À la différence de l’Hexagone, où la nouvelle loi crée un organisme de contrôle indépendant, aucun garde-fou autonome n’existe en particulier pour encadrer les activités du CST (Centre de la sécurité des télécommunications), l’agence en charge de l’interception des communications. Étroitement lié à la NSA américaine, le CST a été épinglé à plusieurs reprises ces derniers mois à la suite de révélations d’Edward Snowden, ce déserteur de la NSA en exil en Russie.

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