La nouvelle lune de miel entre Israël et la Turquie

La nouvelle lune de miel entre Israël et la Turquie

par Yoni Ben Menahem

• La Turquie a exprimé sa grande gratitude à Israël pour l’aide humanitaire qu’il a fournie à la suite du tremblement de terre et a promis d’améliorer les relations entre les deux pays.
• Plusieurs équipes médicales et de secours internationales, dont celle d’Israël, ont quitté la Turquie plus tôt que prévu en raison d’une « situation de sécurité » non divulguée. En mai 2022, des citoyens israéliens ont été avertis d’une attaque iranienne visant des Israéliens en Turquie.

• La branche armée du Hamas continue d’opérer depuis Istanbul et d’attaquer directement Israël. Le test sérieux des nouvelles relations entre Israël et la Turquie aura lieu pendant le mois de Ramadan.

Le gouvernement israélien a pris la bonne décision politique et morale d’aider la Turquie après le tremblement de terre qui l’a frappée.

Israël peut être fier des délégations militaires et civiles qu’il a envoyées en Turquie. C’est ainsi qu’un pays souverain, moral et démocratique devrait se comporter, et le monde a observé et scruté Israël.

La Turquie apprécie grandement l’aide israélienne en cas de besoin, selon de hauts responsables politiques à Jérusalem. Le président Erdogan a déclaré au ministre des Affaires étrangères Eli Cohen lors de leur réunion du 14 février 2023 à Ankara que la Turquie n’oubliera jamais l’aide qu’elle a reçue d’Israël et le fait qu’elle a sauvé 19 Turcs de sous les décombres.

Erdogan a salué le travail professionnel de l’équipe israélienne et a exprimé sa profonde gratitude pour Israël.

Le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen (à gauche) a rencontré le président turc Recep Tayyip Erdoğan à Ankara, le 14 février 2023. ( Ministère israélien des Affaires étrangères )

Il s’agit certainement d’un autre développement politique important dans le processus de rapprochement de la Turquie avec Israël, qui a commencé il y a environ un an après une décennie de crise profonde dans les relations entre les deux pays.

Le président Erdogan fait l’éloge d’Israël pour deux raisons principales : il apprécie l’aide humanitaire rapide et efficace d’Israël à la Turquie pendant une crise, et par désir de se rapprocher de l’administration Biden.

Des médecins de Tsahal soignent des civils turcs blessés dans un hôpital de campagne près de Kahramanmaras, le 14 février 2023. ( Forces de défense israéliennes )

Le président turc estime que la route vers la Maison Blanche à Washington passe par Jérusalem, et il a besoin d’une porte ouverte à Washington.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Çavuşoğlu, a également fait l’éloge d’Israël et a déclaré que les relations de la Turquie avec Israël passeraient à un niveau supérieur.

Lors de la rencontre du ministre israélien des Affaires étrangères avec le président turc, Eli Cohen a demandé l’aide de la Turquie pour obtenir la libération des deux Israéliens emprisonnés et des deux corps détenus par le Hamas. Le président Erdogan entretient d’excellentes relations avec les dirigeants du Hamas. Saleh al-Arouri, un commandant du Hamas, réside à Istanbul. Le chef du Hamas Ismail Haniyeh et l’ancien chef Khaled Mashaal sont également des visiteurs fréquents en Turquie.

Erdogan s’est dit préoccupé par les actions israéliennes sur le mont du Temple et a souligné la nécessité de maintenir le statu quo sur le lieu saint, en particulier pendant le mois de Ramadan. Le ministre israélien des Affaires étrangères a précisé qu’Israël n’avait pas l’intention de changer le statu quo là-bas et qu’il s’était engagé à maintenir la liberté de culte dans tous les lieux saints.

La renormalisation des relations entre Israël et la Turquie progresse bien en ce moment, mais un nuage plane toujours sur les relations entre les deux pays, notamment en raison de l’activité continue de la branche militaire du Hamas depuis Istanbul.

Les terroristes palestiniens qui ont été libérés dans le cadre de l’accord d’échange de prisonniers en 2011 travaillent depuis Istanbul et dirigent les activités terroristes en Judée, en Samarie et en Israël avant 1967. La demande d’Israël de fermer ces bureaux se heurte au refus de la Turquie et affirme que l’activité du Hamas est purement politique.

Israël a fourni à la Turquie des preuves de l’activité terroriste du Hamas à Istanbul, mais les Turcs insistent pour garder les bureaux ouverts. Ils ont demandé au Hamas de baisser son profil et d’éviter de lancer des attaques dirigées depuis le territoire turc. Ankara craint également la réaction de l’administration Biden.

Préoccupation palestinienne

L’aide israélienne à la Turquie après le tremblement de terre renforcera la relation stratégique entre les deux pays, ce qui préoccupe grandement l’Autorité palestinienne et le mouvement Hamas. Ils voient Israël recevoir les éloges du président Erdogan tandis que le gouvernement Netanyahu prend des décisions sur l’expansion des communautés juives en Judée-Samarie.

Les responsables de l’AP ont exprimé leur surprise face aux louanges d’Erdogan à Israël, même si des dizaines de pays ont fourni une aide humanitaire à la Turquie.

L’Autorité palestinienne craint qu’Israël ne profite de l’aide à la Turquie pour améliorer son image dans le monde et se présenter comme un pays qui fournit une aide humanitaire à tout pays pris dans une catastrophe.

Un haut responsable de l’Autorité Palestinienne estime que la démarche israélienne était calculée pour écarter le problème palestinien que les Palestiniens tentent de remettre au premier plan de l’agenda international. Il a affirmé que le Premier ministre Netanyahu avait décidé d’aider la Turquie afin de faire avancer le processus de normalisation avec d’autres pays arabes et musulmans et de montrer qu’Israël avait beaucoup à leur apporter s’ils signaient des accords de normalisation.

Malgré le rapprochement renouvelé entre Israël et la Turquie, Israël doit être prudent dans tout ce qui concerne la Turquie. Erdogan est connu comme quelqu’un d’irrégulier et qui change d’avis sur Israël, en particulier concernant les Palestiniens. Le mois sacré islamique du Ramadan approche et on estime qu’une escalade majeure de la sécurité est attendue à Jérusalem-Est et en Judée-Samarie. Ce sera l’un des tests les plus importants pour la Turquie dans tout ce qui concerne ses relations avec Israël.

JForum avec Yoni Ben Menahem  jcpa.org

Yoni Ben Menachem, un vétéran des affaires arabes et commentateur diplomatique pour la radio et la télévision israéliennes, est un analyste principal du Moyen-Orient pour le Jerusalem Center. Il a été directeur général et rédacteur en chef de l’Autorité de radiodiffusion d’Israël.

Des responsables israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de Tsahal, Herzi Halevi, posent aux côtés de la délégation de recherche et de secours de Tsahal en Turquie, à leur retour en Israël le 13 février 2023. (Crédit : Haim Zach/GPO)