LA FLAMBÉE DES MATIÈRES PREMIÈRES

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Vous pouvez retrouver ma chronique hebdomadaire sur le site Atlantico avec le lien :
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Alors qu’en 2020, les effets collatéraux de la pandémie sur l’économie tiraient les prix de toutes les matières premières vers le bas, se profile depuis quelques semaines un mouvement inverse : l’envolée des matières premières. La fin attendue de la pandémie avec les grandes campagnes de vaccination ainsi que les énormes liquidités injectées dans les circuits économiques constituent les moteurs d’un fort rattrapage économique après la dépression.
Le pétrole en est un des exemples caractéristiques de cette évolution. L’impact de la pandémie a été immédiat ; le prix du baril a chuté de 50 % entre janvier et mars 2020 ; la moyenne s’est située à 35 $ contre 61 en 2019. Aujourd’hui, l’or noir a dépassé ce niveau d’il y a deux ans, et Goldman Sachs n’exclut pas un cours du baril à 80 $.
Au-delà de la reprise de l’activité économique, ce niveau soutenu du prix du pétrole s’explique par :
  • L’OPEP, syndicat de 23 pays, n’a pas modifié ses recommandations de production pour les trois prochains mois, ce qui constitue un frein à la baisse des prix.
  • La baisse du billet vert avec un eurodollar à 1,20 favorise le prix du baril. Avec la sous-estimation systémique du Yuan et la dépréciation régulière du dollar face à l’euro, le Monde continue à subir les conséquences de l’absence d’une gouvernance monétaire.
  • Un faible niveau des stocks aux États-Unis constitue toujours un paramètre important de la confrontation de l’offre et de la demande.
Dans le même temps, l’Or chute depuis août 2020 et a connu sa plus mauvaise année depuis 1982. De nombreux facteurs interviennent pour déterminer son cours :
  • Les taux obligataires américains à 10 ans remontent depuis peu, ce qui permet d’avoir, compte tenu de l’inflation, des rendements réels. Aussi les investisseurs arbitrent depuis peu en faveur des obligations plutôt que de l’or. Cette situation est conditionnée par l’évolution des prix et du maintien de rendements longs réels.
  • Après avoir été vendeuses, les banques centrales occidentales sont devenues acheteuses d’or. Parallèlement, le Brésil, la Chine, l’Inde la Russie et des pays asiatiques et moyen orientaux limitent autant que faire se peut leurs réserves en dollars en achetant de l’or. Cette stratégie est le signe du lent déclin du dollar comme monnaie de réserve internationale.
  • La dépréciation du dollar encourage l’investissement en or.
  • Selon certains experts, en tenant compte de l’inflation et du plus haut historique de 850 $ l’once en 1980, le cours devrait être à 7 500 $. Pour le moment, il est encore en dessous des 1 800 $ l’once.
  • La confiance ou la défiance dans le système monétaire tant national qu’international peut justifier des craintes pour son épargne et pousser un acteur économique ou un pays à faire de l’or une valeur refuge.
Au-delà de la situation spécifique de l’or, le signe indiscutable de la reprise économique se retrouve dans l’envolée des métaux précieuxArgent, Platinum, Palladium, l’année 2020 a été bonne avec un avantage à l’argent métal. La demande d’argent a entrainé une hausse de 6 % en avril à cause d’une forte demande des pièces en argent et des biens liés à la transition énergétique. La banque mondiale prévoit une hausse de 22 % en 2021, et de de 30 % des matières premières industrielles
Après avoir tourné au ralenti, les hauts fourneaux redémarrent ; mais la demande d’Acier est telle que les industries pourraient en manquer. Il en est de même pour l’Aluminium, l’Inox ou le Cuivre… En attendant, les prix flambent, les délais de livraison s’allongent. Il est important que les industries répondent aussi rapidement que possible à ce rebond de la demande, notamment chinoise. À défaut, l’économie mondiale serait confrontée à un important risque de diffusion de hausses de prix, et à terme d’une inflation généralisée.
Deux chiffres permettent de mesurer l’importance du rebond économique :
  • Alors que le PIB chinois avait chuté de 6,8 % au premier trimestre 2020, il a bondi de 18,3 % au premier trimestre 2021, chiffre record depuis 1992 ; sur l’année, le FMI prévoit une croissance de 8,4 %. Cette performance est réalisée avec une augmentation de plus de 30 % sur un an des exportations, principalement de produits électroniques et d’équipements médicaux à destination de l’Europe et des États-Unis.
  • Le FMI prévoit une croissance de 6,4 % aux États-Unis pour 2021, pourcentage jamais atteint depuis 40 ans.
Cette sortie de pandémie va encore accentuer les déséquilibres mondiaux. Une Chine qui redémarre avec les plans de relance américains et européens va accumuler des excédents avec l’argent des Occidentaux. Les écarts vont encore se creuser avec une zone euro dont le taux de croissance ne sera que de 4,4 % en 2021. Nous sommes engagés dans une spirale qui est loin d’être vertueuse !
De leur côté, les matières premières agricoles ne sont pas épargnées. Les exceptionnels achats chinois de céréales, plus de 50 millions de tonnes selon certains analystes perturbent tous les marchés agricoles.
Le prix du Maïs américain a explosé avec une hausse de 120 % en un an et retrouve son cours d’il y a huit ans ; les stocks américains ont fondu comme neige au soleil. Principal composant de l’aliment du bétail, le maïs fait face à une énorme demande chinoise et à une baisse de la production brésilienne du fait d’intempéries climatiques.
Et selon une règle bien établie sur les marchés, si le maïs ne peut satisfaire la demande, les opérateurs se reportent sur le Blé dont le prix retrouve son record de mai 2013 ; la situation s’est compliquée avec la mise en place par Moscou d’une taxe à l’exportation de blé.
Mais les autres productions agricoles voient également leurs prix augmenter. Participe au mouvement le Sucre dont l’envolée des prix découle en partie de la baisse de de 30 % de la production brésilienne, de la concurrence avec l’éthanol et de l’engorgement des ports brésiliens.
L’Afrique va une nouvelle fois être confrontée à un double phénomène :
  • Ses exportations sont valorisées avec des cours de certaines spéculations agricoles, comme le cacao, le café ou le coton bien orientés
  • En revanche, elle risque de pâtir de la flambée des prix des céréales le plus souvent importées.
Les opérateurs économiques mondiaux semblent avoir tourné la page de la pandémie et s’orienter de manière déterminée dans un mouvement de forte reprise de l’activité économique. Même si ce retournement était prévisible avec les milliers de milliards de dollars, les trillions de dollars, injectés dans le circuit économique, notamment par les États-Unis, il n’en demeure pas moins que la rapidité avec laquelle il s’est opéré est surprenante.
Cette évolution est la conséquence directe des campagnes de vaccination qui ont permis à certains pays d’atteindre une forme d’immunité collective. Il faut maintenant espérer qu’un nouveau variant ne vienne pas contrarier le mouvement comme un grain de sable qui s’insère dans un mécanisme d’horlogerie.
Par ailleurs, l’économie mondiale est confrontée à trois risques :
  • L’apparition d’une inflation rampante avec une lente diffusion dans l’économie. Au-delà du prix intrinsèque de la matière première, cette inflation est alimentée par l’augmentation du prix du fret maritime très sollicité par la reprise.
  • L’accentuation des déséquilibres entre la Chine et l’Occident
  • Une telle situation sur les marchés favorise les comportements spéculatifs qui alimentent les bulles. De la même façon que la roche tarpéienne est proche du capitole, plus les prix s’envolent, plus la perspective d’un krach est proche.
La rivalité américano-chinoise et l’absence de gouvernance mondiale deviennent de plus en plus problématiques.
Dov ZERAH  N°254 : La flambée des matières premières

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