La désintégration du régime Assad est bien pire qu’on ne le pense

Lors d’une  récente interview, menée par Aaron David Miller pour Foreign Policy, Robert Malley, l’un des conseillers en qui le Président Obama a le plus confiance sur le Moyen-Orient, a, une fois encore, énuméré les priorités concurrentes de la politique syrienne de l’Amérique : La nécessité d’équilibrer les préoccupations humanitaires avec le désir de « préserver les institutions de l’Etat » et d’éviter un vide politique de telle sorte que le pays ne glisse pas dans l’anarchie la plus totale.

Au cours des trois dernières années, en particulier, cette ligne de raisonnement n’a pas seulement été un pilier pour ceux qui plaident pour une politique syrienne des Etats-Unis limitée et prudemment calibrée, en lien avec l’actuelle Administration Obama, mais aussi par un certain nombre de commentateurs écrivant aussi bien implicitement qu’explicitement pour la défense du régime de Damas.

Dans deux articles révisionnistes publiés récemment sur War on the Rocks, un auteur écrivant sous un pseudonyme présente le régime Assad comme impitoyable, mais au mois laïc, pluraliste et -c’est le plus important – l’ultime bastion d’autorité civique, dans un Moyen-Orient tumultueux. Tandis que l’infatigable Emile Hokayem a déjà formulé une réponse éloquente, concernant les dynamiques sectaires et confessionnellesdans le Levant, il y a une question toute aussi importante soulevée  dans l’article, qui mérite des réponses : que reste t-il vraiment de l’Etat Central en Syrie?

L’Etat du Déni

Faisant suite à l’effondrement rapide de ses forces lors de la Bataille d’Idlib, l’an dernier, Le Président Bachar al Assad avait livré un discours qui s’est attiré l’attention d’un large public où il reconnaissait que les forces du régime subissaient une véritable pénurie de main d’oeuvre et devraient se retirer de certains fronts. Les journaux rapportaient depuis de nombreux mois auparavant des efforts désespérés pour pousser à la conscription et au recrutement, à travers tout le pays. Vers la fin juillet (2015), Assad apparaissait crouler sous le poids cumulé des années de harcèlement de basse intensité et de défection de soldats, déclenchant ainsi une intervention combinée russo-iranienne cherchant à renverser les mauvaises fortunes du régime. En février de cette année 2016, les analystes, aussi bien   à l’intérieur qu’à l’extérieur du gouvernement s’accordent pour dire qu’ils ont été largement victorieux dans leur tentative.

Ayant passé des années à mener des recherches et à retracer le parcours des forces armées du régime, je ne suis pas d’accord. Aussi loin que puissent aller les forces estimées du régime, les observateurs souffrent de sévères lacunes analytiques. Ils surestiment le nombre absolu de soldats envoyés au combat sur le terrain, autant que  la surface de territoires détenus, (moins de Daesh, plus de rouge/ moins de Daesh, plus d’Armée Arabe Syrienne!) à la faveur de mesures assouplies d’accès et de  contrôle gouvernemental, allant des questions économiques et de gouvernance des affaires locales à la différenciation qualitative des forces.

Alors que les régime s’est détérioré, il en a été de même de la structure de ses forces. Pourtant, si nos aventures de reconstruction d’Etat en Irak et en Afghanistan nous ont appris quelque chose, c’est de ne pas tomber dans le piège des signes extérieurs d’institutions d’Etat faible et d’ignorer les cartes colorées selon des codes réalisés selon des paramètres défectueux.  En son cœur, une guerre civile est presque toujours un conflit autour des principes fondamentaux de la vie commune et des institutions qui la structurent. En tant que telle, les dynamiques internes du gouvernement  sont, au moins, aussi importantes que les victoires sur le champ de bataille et les mouvements sur les lignes de front.

Aussi, à moins que la Syrie ne commence bientôt à manquer de mâles en  âge de combattre, d’armes légères, de camions et pick-up, nous ferions mieux de commencer à prêter attention aux dynamiques structurelles qui sont au fondement d’un conflit qui fait maintenant rage depuis près six ans.

En effet, après plus de cinq ans de guerre, la structure des forces du régime d’aujourd’hui n’est pas foncièrement différent de celui des milices de l’opposition. Alors qu’elles sont approvisionnées au mieux par le squelette de l’Armée Arabe Syrienne qui tient encore debout, les forces combattantes du régime, aujourd’hui, sont constituées d’un éventail étourdissant de milices hyper-localisées, composées de diverses factions, ayant des parrains provenant de l’intérieur comme de l’étranger et de seigneurs de guerre locaux. Les profils des milices loyalistes (fidèles au régime)réalisés par Aymenn al-Tamimi fournit un aperçu tout-à-fait saisissant de la diversité de leurs expériences passées.

Parmi ces groupes, il n’y en a qu’une poignée qui s’avèrent encore capables d’une forme d’action qui se rapproche de l’offensive. D’autant plus qu’en plus des limites confessionnelles ou démographiques, cette fragmentation est la conséquence directe de l’interaction entre les pressions économiques et de gouvernance locale et nationale. A cause de l’atrophie de l’ancien Etat Syrien centralisé et totalitaire, ses parties constitutives – résultant du sectarisme, d’une mentalité de rentiers et de simples brutes épaisses – ont gagné un niveau stupéfiant d’indépendance politique et économique à l’égard de Damas. Contrairement à ce que d’autres ne cessent de proclamer, le gime Assad n’a pas réussi à sceller un grand marchandage avec de larges composantes de la population Sunnite urabaine de Syrie. Il a plutôt élevé au pouvoir les éléments les plus brutaux du pays et redoublé les tendances sectaires, tribales et voyouses de sa base populaire.

Aujourd’hui, alors que les cartes de débriefing nous montrent de solides hâchures rouges (couleur du régiem) à travers tous les gouvernorats de province dl’Ouest de la Syrie, elles devraient faire la distinction entre des douzaines et, peut-être, des centaines de petits dominions féodaux que ne sont fidèles à Assad sur le papier. En effet, dans la majorité du pays, les forces de sécurité loyalistes fonctionnent selon un schéma de racket à grande échelle : elles sont, à la fois, la cause et la conséquence de l’effondrement de l’Etat au niveau local.

Crime et Châtiment : Les Forces du Tigre à Hama

Ceux qui suivent étroitement la Guerre Civile Syrienne seront accoutumés à deux formations mobiles, responsables de la levée des charges lourdes pour le régime. Ce sont les fameuses « Forces du Tigre » et les « Faucons du Désert » (suivre à la trace les forces du régime est déjà devenu un exercice expert en taxinomie animale : ce sont essentiellement des espèces d’oiseaux et de gros chats type félins), qui opèrent actuellement à Alep et Latakia, respectivement. Ces unités fonctionnent comme une sorte de brigade de pompiers-pyromanes armés jusqu’aux dents : ils courent à travers tout le pays, entamant des conflagrations locales et des offensives contre les rebelles, tout en menant, à l’occasion, leurs propres offensives (pour leur propre compte). Dans ces cas-là et exactement comme dans l’opposition, elles rassemblent une curieuse collection de seigneurs de guerre, de vestiges du régime et de soutien étranger, dans le cadre d’alliances temporaires et de salles de commandement des opérations.

Comme introduction aux Forces du Tigre, on peut se tourner vers le compte-rendu flagorneur de Robert Fisk, après son audience avec « Le soldat favori de Bachar al Assad », Suheil Hassan, qui dirige les Forces du Tigre. Hassan est un officier issu des Services de Renseignements redoutés des Forces Aériennes syriennes. Excepté de diriger ce qu’il appelle les meilleurs forces d’élite combattantes du régime, on pense qu’il est aussi l’un des architectes de la campagne de la terre brûlée et des bombardements aux barils de gaz et d’explosifs.  Hassan jouit aussi d’une popularité qui frise le culte de la personnalité parmi les partisans du régime.

La véritable histoire des Forces du Tigre est bien moins palpitante, bien que bien plus instructive pour tous ceux qui tentent de comprendre le régime. Au cours des tous premiers jours du soulèvement contre Assad, Hassan coordonnait la répression des manifestations à Hama, un boulot qui s’appuyai sur une cohorte de voyous ordinaires, d’officiers des forces aériennes et de chefs tribaux. Il a trouvé son efficacité dans sa capacité à rassembler des soutiens locaux plutôt que de dépendre des institutions d’Etats ui commençaient déjà à s’effondrer. Au bon moment, ce réseau précoce de répresseurs a pu évoluer pour devenir ces fameuses Forces du Tigre.

Alors que l’unité s’est développée depuis en un noyau dur plus stable de quasi-soldats permanents, les Fidèles du Tigre d’aujourd’hui proviennent d’une vaste toile de milices, de criminels et de trafiquants s’étendant à travers tout le Centre de la Syrie et de la Province qu’on prétend être la plus stratégique, d’Hama. Beaucoup de ses subordonnés directs ont gagné leur réputation à travers tout le pays, pour brigandage, activités de contrebandes et de généraux hors-la-loi. Au début de cette année, Ali Shelly, uyn voyou puissant de la ville de Tell Salhab, qui est directement responsable après Hassan, a poussé ses abus au point où le régime a finalement dû l’arrêter et le jeter en prison. Cependant, en à peine quelques jours, Shelly était libéré et retourné sur la ligne de front.

On devrait voir de tels incidents comme pires que de simples luttes bureaucratiques contre la corruption. Selonles entretiens que j’ai menés, les seigneurs de guerres fidèles à Hassan sont largement réputés pour le trafic d’armes, d’êtres humains et de pétrole au profit de Daesh et du territoire sous l’égide de l’opposition, sapant directement l’effort de guerre du régime. Mais le gouvernement central a très peu de choix autre que de constater les choses, impuissant. Un rapport du mois dernier (juin 2016) que j’ai en ma possession, émanant du Conseil de Sécurité  provincial de l’Armée Syrienne, donne les détails d’un exemple récent où les forces de Shelly se sont fait prendre avec des chargements de camions pleins d’armes cachés sous des sacs de blé.

Ils se sont alors engagés dans des combats prlongés au fusil contre les forces de sécurité de l’Etat. Et ils n’en ont subi aucune conséquence. On peut se demander pourquoi. La réponse est d’une simplicité enfantine : il n’existe pas actuellement de force fidèle à Damas qui soit suffisamment puissante pour remettre ces brigands dans le rang. Quelques jours plus tard, cinq soldats des renseignements militaires se sont faits tués dans une embuscadetendue contre eux sur les chasses gardées du gang de Shelly  dans la plaine d’al-Ghab au sud. Un certain nombre d’institutions d’Etat ont désespérément tenté de contenir les Forces du Tigre. il y a eu des rumeurs persistantes qu’au moins une des multiples tentatives d’assassinat contre Hassan en personne trouve son origine aux Quartiers-Généraux des Renseignements Militaires.

Le Facteur Pétrole

Excepté une agriculture résiduelle, les trafics de carburant, d’armes et d’êtres humains sont devenus la forme dominante d’activité économique à travers la majorité de la Syrie. Et les milices loyalistes y puisent leur argent frais. Les groupes armés qu’on prétend être sous la bannière d’Assad ont rapidement appris à exploiter les goulots d’étranglement de l’économie locale afin de s’émanciper de la tutelle de Damas – en particulier quand il s’agit de l’une des facilités les plus fongibles : le carburant. Dans un autre incident, cet été à Hama, les forces de l’armée syrienne ont découvert de multiples camions-citernes de pétrole de contrebande en chemin vers le territoire de l’Etat Islamique. Craignant les représailles de Talal Dakkak, plutôt que de confisquer et de redistribuer les produits pillés comme proscrits, les officiers ont rapidement transmis le carburant au Directoire local des Renseignements de l’Armée de l’Air. A ce moment-là, selon une source locale à Hama, il a à nouveau disparu comme par enchantement.

Alors que la Syrie n’a jamais été un Etat pétrolier, la vente de carburant comptait néanmoins pour plus de 25 pour centdes revnus du gouvernement dans la période d’avant-guerreet elle était responsable d’une part significative des réserves étrangères d’échange du pays. Après des années de guerre, l’économie formelle de commande, en particulier son secteur des hydrocarbures, s’est pratiquement effondré. Cet été, des djihadistes de Daesh ont fait exploser la dernière installation pétrolière centrale encore en fonction dans le pays, exacerbant la situation déjà tendue dans le pays.

La spirale fiscale et économique de la Syrie, qui s’est accélérée comme jamais, n’a pas seulement anéanti toute épargne et diminué les salaires, et ainsi jeté des millions d’individus dans la pauvreté, mais elle a aussi précipité un effondrement radical de la monnaie, comme j’ai pu le constater à partir de mon propre recueil de taux d’échange sur le marché noir à travers la Syrie.

Tandis que l’effet de l’inflation sur le recrutement militaire a largement été documenté, la dépréciation de la monnaie a d’autres effets secondaires : aux taux courants, les importations de produits de base sont devenus d’une cherté prohibitive. Pendant ce temps, le contrôle gouvernemental des prix et le monopole de la production  ont poussé des producteurs locaux à l’oisiveté et élevé l’incitation au trafic pour les contrebandiers, puisqu’on trouve les rares produits entrant dans le pays tout-de-suite à la frontière. La hausse des prix qui en résulte, la pie dans tous les secteurs et le rationnement ont un effet dévastateur  à travers tout le pays, tout en faisant de quelques hommes, ayant le savoir-faire nécessaire et suffisants et des gros muscles, des types énormément opulents.

Considérons, par exemple, les Faucons du Désert, la deuxième formation offensive la plus importante et des rivaux acides des Forces du Tigre. Cette unité a été fondée par les frères Mohamed et Aymen Jaber, qui personifient la montée en puissance des traficants. Tous deux ont fait leurs premiers magôts d’argent frais comme criminels ordinaires dans les bénéfices tirés du trafic irakien pétrole contre nourriture,  à al fin des années 1990, et ont ensuite prudemment investi leur nouvelle fortune dans des monopoles garantis par l’Etat sur la côte syrienne au cours de la première vague de privatisation lancée par Bachar.

En aout 2013, sous la pression des sanctions extérieures et des avancées des rebelles, Assad a signé un décretautorisant les hommes d’affaires privés à monter leurs propres milices de défense à partir leurs propres atouts financiers. D’un seul trait de plume, le régime a ainsi armé ses propres kleptocrates. Au cours des trois années suivantes, les frères  ont dirigé leurs opérations de convois de pétrole clandestin et de blanchiment d’argent à travers l’Irak et le Liban, protégé leurs installations pétrolières et, dans ce processus, contruit l’une des formations de combat du régime les plus impressionnantes.

Tout en jurant fidélité à Damas, ils sont, en pratique, indépendants de la chaîne de commandement de la Syrie, capables de financer, de recruter et d’assurer tout le processus de livraison d’armes et d’équipements. Les Faucons perçoivent trois fois les salaires de l’armée régulière, gèrent des installations privées d’entraînement, et produisent leurs propres véhicules de combat. Ce surplus d’indépendance peut déboucher sur des frictions sur le champ de bataille. Au cours de l’offensive sur Palmyre, dont les médias ont tant parlé, en mars, des tensions entre les Faucons et d’autres loyalistes se sont envenimées, après que Jaber ait accusé les Forces du Tigre de tirer délibérément contre l’une de ses positions, tuant neuf de ses hommes et en blessant plus de vingt-quatre autres.

Selon de multiples sources, y compris par des comptes sur les réseaux sociaux qui ont fermé depuis, on a dit que ces miliciens ont tiré sur les hommes d’Hassan et menacé de quitter le champ de bataille. A la fin,Damas a expédié une délégation de haut-rang afin de réconcilier les seigneurs de guerre et remettre l’offensive sur les rails. Ces unités n’ont pas eu à partager une seule igne de front depuis lors.

L’économie de Siège

Plutôt que de tenter de s’emparer de monopoles de ressources, certains groupes armés ot mis à profit d’exploiter directement la souffrance des populations. Considérons la ville d’al-Tall, juste ua nord de la capitale Damas. Techniquement sous le coup d’un accord de trêve avec le régime, cette petite communauté d’opposition héberge actuellement des centaines de milliers de personnes déplacées de l’intérieur qui ont fui jusqu’ici d’un peu partout autour de la capitale. Malgré certaines garanties du gouvernement, les milices loyalistes locales ont pour mission de contrôler des barrages routiers dans la zones et ont commencé à prélever un impôt de 100 livres syriennes par kilo de tout produit de nourriture entrant. Même une estimation réservée situerait le revenu mensuel d’un tel impôt à plusieurs millions de dollars américains mensuels.

C’est assez pour nourrir et approvisionner des milliers de combattants contrôlant le cordon sécuritaire, ainsi que leurs familles. Le groupe Observatoire de « Siège Watch » situe le nombre de civils encerclés par les forces du régime à plus de 850.000 personnes à travers la Syrie. Dans ces zones restrictives, le coût de la vie s’est démultiplié , avec la différence qui est syphonée par ceux qui contrôlent les goulots d’étrangement. Dit autrement, avec Damas qui n’est nulle part capable de financer et de nourrir les familles des miliciens loyalistes, l’encerclement l’imposition des civils devient une « nécessité économique » pour le régime afin de maintenir l’essentiel de l’approvisionnement et du coeur au ventre de ses troupes les plus importantes sur les lignes de front.

Ce n’est pas simplement pour illustrer le vice moral du régime syrien, mais pour faire comprendre un point plus important : avec des salaires publics à peine suffisants pour nourrir les conscrits eux-mêmes, les hommes d’Assad ont depuis longtemps commencé à se nourrir directement sur la terre et sur l’habitant de la population civile. Aujourd’hui, la majorité des formations loyalistes de combat ne compte plus sur le régime pour la majorité de ses revenus, de son équipement, ou pour ses recrues. Alors que c’est stratégiquement bénéfique pour Assad, il n’est absolument pas certain que le régime puisse avoir pleinement le contrôle de tenir un certain nombre de sièges,en particulier dans les zones rurales de Damas, d’Homs et des Monts du Qalamoun.

Une source locale qui se déplace fréquemment entre Damas et La Ghouta au moyen de tunnels de contrebande, m’a confié que des bataillons rebelles locaux sont dirigés par des officiers de l’Armée Syrienne régulière. Alors que l’économie et les institutions de gouvernance du pays continuent à chanceler, ces « fantômes », comme les Syriens appellent communément les criminels qui s’alignsur le régime, sont revenus pour hanter ceux qui sont au pouvoir. En dépit de ce que montrent les cartes « des zones contrôlées » teintées en code rouge, Bachar al Assad conserve très peu d’autorité réellement significative sur l’essentiel du territoire qu’il dit contrôler. Alors que la guerre progresse, ces dynamiques vont inévitablement conduire à des divergences d’intérêts pales combattants locaux et le régime, ainsi qu’entre Damas et ses soutiens étrangers.

Le Regime acculé

Un incident qui s’est produit en février de cette année peut servir d’illustration de ce qui nous attend. Engagé dans de lourds combats contre les forces rebelles près de la ville d’ Harbinafsah, le chef de milice Ahmed Ismail a appelé son camarade seigneur de guerre de la ville d’à côté, à Baarin, pour qu’il lui envoie des renforts dont il avait un besoin désespéré. Fadi Qaribish,, chef des groupes armés de Baarin a brutalement rejeté la requête.  le lendemain, se sentant trahi et un cessez-le-feu local étant de  mise, Ismail a retourné ses armes contre Qaribish. Avant longtemps, il était rejoint par des détachements des Services de Renseignements de l’Armée de l’Air, cherchant à soutenir leur client préféré et à écraser le militant insubordonné. Mais Qaribish réussi à repousser favorablement l’attaque conjuguée et à établir ses propres checkpoints le long des routes de la zone, interrompant les lignes d’approvisionnement d’Ismail vers la poche rebelles. Le régime n’a, depuis, jamais osé déranger Baarin.

Apparemment trop faible pour réprimer les fautifs et trop brisé pour soudoyer sous son étendard, Assad a fait des efforts pour serrer de plus près ses subordonnés, plutôt par des moyens politiques. Ces « élections » parlementaires d’avril ont indiqué encore plus la transformation structurelle du régime, d’un Etat centralisé vers un salmigondis de seigneurs de guerre.

Un certain nombre de bureaucrates, qui servent depuis longtemps le parti Baathiste en l’approuvant sans discuter, de dignitaires locaux, de piliers du système traditionnel des rentiers du régime, ont perdu leurs sièges en faveur de contrebandiers parvenus, de chefs de milice et de caciques tribaux. La vieille garde en a pris note : à la suite de l’annonce des résultats, les agents supplantés du régime à Hama ont expédié en urgence une délégation vers la capitale pour mettre en garde le cercle rapproché autour d’Assad, du caractère et des dispositions des hommes qu’ils ont choisi de propulser au pouvoir. Mais, par manque d’alternative, Assad a besoin de garder ces hommes t près de lui.

Certains peuvent s’avérer  plus problématiques que d’autres. Les cousins maternels kleptocrates d’Assad, les frères Makhlouf, ont bâti un réseau de milices à leur botte grâce à leur Association Al-Bustan, une fondation privée, créée avant la guerre, et qui finance aussi bien des organismes d’aide humanitaire que des milices et autres groupes armés.

Cela couvre l’étendue et les grandes largeurs du territoire détenu par le régime et qui reste prudemment à l’écart du contrôle de l’Etat. Au même moment, le plus ancien modèle politique du parti Baath, le Parti Nationaliste Social Syrien (PNSS) a resurgi sur la scène et réalise d’énormes percées parmi les Chrétiens Orthodoxes du pays et des communautés Druzes, en recrutant pour sa propre branche armée grandissante.  Si on considère le rôle historique joué par la famille Makhlouf dans le PNSS, beaucoup à Damas ont des raisons de s’inquiéter des forces centrifuges qui déchirent de plus en plus le régime.

Les parrains étrangers d’Assad ne sont pas beaucoup plus aidés. L’Iran semble se contenter parfaite de cette situation embrouillée sur le terrain, ayant investi de vastes ressources pour développer  son propre réseau de clientèles à travers tout le pays. La Russie, pendant ce temps-là, le pays que l’on prétend être le plus préoccupé par la stabilité du régime, apparît totalement oublieuse de cette situation globale. Ses soldats et officiers se font régulièrement photographier en train de combattre et de fraterniser aux côtés d’une ve gamme de milices tribales et sectaires. Dans au moins un exemple, des photos ont fait surface montrant des soldats russes combattant aux côtés de membres du fameux bataillon des Montagnes, un petit groupe alaouite qui fait les grands titres, l’an dernier, quand il a annoncé les premiers escadrons de la mort loyalistes ayant jamais existé

Conclusions

Au cours des trois dernières années, malgré toute l’aide militaire étrangère , le régime sous la férule d’Assad a continué à s’atrophier à un rythme jamais atteint. Si ces tendances se poursuivent,le Président Assad se retrouvera bientôt plus insignifiant que le premier d’entre les pairs, un dénominateur commun symbolique autour duquel une coalition perdue de voleurs et de chefs de clans sont en mesure de se rassembler. Ainsi, avec la lente dégradation de cet Etat autrefois puissant, l’armée et l’appareil du parti, la personne de Bachar al Assad lui-même est de plus en plus, devenu l’incarnation du dernier pilier subsistant, pas tant d’un « Etat » que du « régime » et de sa guerre brutale contre ses propres citoyens.

La vaste majorité des forces en Syrie, actuellement, en particulier parmi les partisans du régime issus des minorités, mènent une guerre e plus en plus localisée pour la protection de leurs communautés particulières. Ce n’est qu’au travers de l’existence continue du régime -personnifié par Assad – que ces buts défensifs sont liés à une vision nationale agressive que nous savons être inacceptable pour la grande majorité des Syriens, désastreuse pour ses partisans et militairement irréaliste. Alors qu’éliminer le tyran pourrait déclencher une guerre intestine parmi les seigneurs de guerre survivants, cela ne signifierait probablement pas l’effondrement de leurs forces ni le massacre de leurs villages.

Latakia est protégé, non pas par le “4ème Corps”, largement imaginaire, de l’Armée syrienne d’Assad, mais par Mohammed Jaber et sa joyeuse bande dess Faucons du Désert. Si, effectivement, il n’y a plus de classe bureaucratique et militaire forte qui puisse ser et ranimer l’Etat et si les militants loyalistes ont développé un degré croissant d’autodétermination, alors la situation n’a rien à voir avec celle que supposent les décideurs politiques occidentaux. Le Président syrien est devenu, non seulement parfaitement consommable en tant que garant de l’Etat, mais il devrait être considéré comme le dernier obstacle restant vers un processus de paix fondé sur des cessez-le-feu locaux et le retour des personnes déplacées vers leurs communautés d’origine.

Cela fait sonner parfaitement creux tous ces appels entendus dans les capitales occidentales, aussi bien qu’à Moscou, disant que les institutions de l’Etat syrien doivent être préservées à tout prix. Toute cette souffrance, pour préserver quoi, exactement?

C’est la fiction d’un régime national soutenu à bout de bras par Assad qui débouche sur les pires abus de cette guerre, qui oblige les enfants alaouites des montagnes de la côte et des plaines d’Hama à aller se battre contre leurs propres concitoyens dans des coins distants d’un pays fracturé depuis longtemps en fiefs plus petits au-delà de tout accès de l’Etat.

Les Etats-Unis ne doivent pas se rendre complices de cette prétention. L’Etat Syrien a disparu pour de bon. A ce point, une décapitation rapide s’avérer préférable à une implosion de très longue haleine.

Quand les Syriens se sont d’abord soulevés, ils n’exigeaipas que la chute d’Assad, mais celle du « nizam ». – Traduit communément par « régime », cela veut idre plus précisément, « système ». La souffrance humanitaire, l’Etat failli et -oui – le terrorisme en Syrie ne sont pas des inquiétudes concurrentes qu’on doive équilibrer, mais les symptômes d’une maladie singulière : la mauvaise administration de Bachar al Assad et de ses clients, copains et des petits criminels qu’il a mis au pouvoir.

Tobias Schneider est un diplômé récent du SAIS Johns Hopkins SAIS et un analyste freelance de la Défense se focalisant sur les armées du Moyen-Orient. Il a passé des années , à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du Levant, suivant étroitement à la trace les dynamiques au sein des forces loyales au régime et de leurs alliés en Syrie.

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[…] publicar aqueix llarg article originalment en angles al digital  War on the rocks, i avui ha estat traduit al frances per JForum atesa la profunditat del seu contingut que demostra la descomposicio del regim d’Assad i el […]

Ratfucker

Une chakchouka rendue encore plus incompréhensible par une traduction confiée à un robot.