La cuisine israélienne a le vent en poupe et s’exporte enfin hors de ses frontières. Un brin déjantée et résolument délurée: découverte d’une attitude culinaire sans code, ni barrière. 

Il est minuit, au cœur du Ier arrondissement de Paris, au 9, rue d’Alger, à deux pas de la place Vendôme, la brigade de cuisine d’un restaurant sort en salle, au son de cuillères tapées sur des poêles en cuivre et d’une musique festive poussée à son volume maximum.

 Alors que des clients dansent sur les banquettes, le personnel leur dresse un dessert improvisé en chantant à tue-tête la joyeuse mélodie de Peer Tasi Derech Hashalom.

Puis sur des papiers sulfurisés sont dispersés des noix et des amandes, des fraises, des framboises, des glaces et du chocolat fondu. Vous êtes au restaurant Balagan (littéralement «bazar, désordre, chaos» en yiddish), temple enjoué de la cuisine israélienne qui fait tourner la tête du Tout-Paris.

La tendance de cette nouvelle cuisine commence en 2013 avec le restaurant Miznon («buffet» en hébreux). L’établissement, dont le concept vient tout droit de Tel-Aviv, est situé dans le quartier du Marais, rue des Rosiers, et reste précurseur en la matière.

Le critique culinaire Gilles Pudlowski caractérise l’endroit comme une «cantine charmante et bouillonnante d’idées. La clientèle internationale est multigénérationnelle. Si vous aimez la cuisine méditerranéenne, généreuse, marinée, mijotée, transpirante de saveurs d’herbes, savoureuse, alors Miznon va devenir votre nouveau quartier général.»

Les restaurants Yafo, Tavline ou encore Ima suivront rapidement pour surfer sur la tendance.

Arrivage de chefs talentueux

Olivier Bon, l’un des trois fondateurs de l’Experimental Group et patron du fameux Balagan, résume cet engouement gourmand par une certaine forme d’accessibilité et d’ouverture.

De Tel-Aviv ou de Jérusalem débarquent des cuisiniers de tous bords avec une approche et un style encore inconnus des Occidentaux. L’un de leurs meneurs est l’incontournable Yotam Ottolenghi, chef multipropriétaire et auteur de livres culinaires vendus à des millions d’exemplaires.

Ou le sulfureux Assaf Granit, cuisinier insoumis et actuel instigateur de la cuisine du Balagan, patron du désormais incontournable Machneyuda à Jerusalem et des ultra-prisés Barbary et Palomar à Londres.

Melting-pot de saveurs

La cuisine israélienne a forgé sa réputation à travers son histoire. Après la Seconde Guerre mondiale, des juifs du monde entier se retrouvent dans un territoire neuf.

Même si les habitants de ce nouvel Etat sont de même confession religieuse, ils apprennent tant bien que mal, malgré la diversité de leurs origines, à vivre ensemble. «Ils se sont retrouvés à devoir cuisiner avec des fruits, des légumes, des épices et un savoir-faire qu’ils ne connaissaient pas auparavant», précise Olivier Bon.

Avec le temps, la nouvelle génération s’est approprié les saveurs et influences irakiennes, françaises, polonaises, italiennes, marocaines ou encore yéménites, donnant naissance à une cuisine de marché, incisive, décomplexée et spontanée. Le big bang multiculturel de saveurs opère !

Une cuisine décomplexée

La cuisine en elle-même est brute de décoffrage et assortit les saveurs avec insolence et impunité. Une rébellion culinaire qui fait un pied de nez à l’ambiance bistrot remaniée à toutes les sauces et au classicisme enlisé du restaurant gastronomique.

Les premiers légumes brûlés sortent tout droit des fourneaux israéliens et sont souvent associés à des viandes crues tranchées au couteau… le tout souvent sous forme de mezzé (tapas version orientale) qui se partage au milieu de la table.

Signe d’une certaine forme de résistance au communautarisme, ils s’affranchissent des codes alimentaires prescrits par la Torah en mélangeant sans complexe les viandes et les laitages.

Reflet d’une approche «street-food» version élégante et tendance, le Balagan s’amuse avec un plat classique de la cuisine levantine en déstructurant le kébab.

Découverte de cette folie savoureuse qui mélange du bœuf et de l’agneau en cuisson lente, mariés à une ribambelle de composants normalement très différents mais pouvant s’avérer complémentaires ensemble: yaourt, pesto, tapenade et harissa; une pâte de citron confit escorte des tomates cerises, le tout enveloppé dans un pain brioché.

Ne ratez sous aucun prétexte le ris de veau «à la doudou», d’une finesse et d’une tendreté sans rivales.

Et pourquoi ne pas se laisser tenter par Paul le poulpe accompagné d’une crème de coriandre, fèves, petits-pois, yaourt et brousse de brebis corse?

Délocalisation

Alors que Jérusalem conserve une place importante sur l’échiquier politique malgré les désaccords entre ses propres murs, la scène culinaire locale reste le plus souvent muselée au moment du sabbat, transformant la capitale israélienne en désert du vendredi soir au samedi. La solution? Exporter et créer le reste de la semaine !

Les départs à l’étranger de ces cuisiniers à la popularité croissante, avides de liberté, d’aventures et de renouvellement constant, sont incontournables.

Une délocalisation soudaine qui permet l’internationalisation de cette cuisine ensoleillée qui correspond en tout point à la culture juive: celle «de toujours profiter de l’instant plutôt que de garder l’énergie pour d’éventuels jours meilleurs».

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