Israël assouplit sa réglementation sur les exportations de produits de défense
Les données montrent une forte augmentation des exportations suite à l’invasion de l’Ukraine ; les informations concernant les destinataires restent largement confidentielles.
2022 s’annonce comme une année record en matière d’exportations de produits de défense israéliens. Il n’existe pourtant aucune information publique sur quels pays achètent des produits israéliens, ni ce qu’ils achètent exactement.
Dans une annonce récente concernant le départ à la retraite du chef du département des exportations d’armes au sein du ministère de la Défense – la SIBAT, l’administration de coopération internationale de la Défense – il a été noté que le général de brigade Yair Kulas était « l’un des responsables de la forte augmentation des exportations de produits de défense », qui ont atteint un niveau record en 2021, soit 11,3 milliards de dollars (environ 8 % des exportations totales d’Israël, biens et services compris).
Il y a quelques mois, le ministre de la Défense Benny Gantz a déclaré au site jumeau du Times of Israel, Zman Israel, que la valeur des exportations de défense en 2022 dépassera de loin celles de 2021. Dès juin 2022, les données du ministère de la Défense ont montré un bond des exportations suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce qui a entraîné une augmentation des achats effectués par les pays occidentaux.
Cependant, le ministère de la Défense a refusé de fournir une liste des pays qui achètent des armes et des produits de défense israéliens, et des nations qui sont responsables de la croissance de l’industrie de la défense.
Récemment, le ministère de la Défense a publié de nouvelles réglementations qui, lorsqu’elles entreront en vigueur, seront censées réduire les restrictions imposées aux exportateurs de produits de défense. Cependant, le public n’est pas en mesure de porter un jugement ou de faire des commentaires sur ces réglementations, car la plupart de leur contenu reste confidentiel.
Les réglementations sont censées modifier la politique d’exportation de produits de défense de deux manières – tout d’abord en élargissant de 50 % la liste des produits non classifiés qui pourront être commercialisés sans avoir besoin d’obtenir une licence. Cependant, le ministère de la Défense a refusé de fournir la liste de ces produits, affirmant qu’elle était secrète.
Illustration : Des soldats israéliens lançant un missile guidé anti-char Spike lors d’un exercice d’entraînement. (Crédit : Rafael Advanced Defense Systems)
Deuxièmement, le ministère de la Défense élargira la liste des pays vers lesquels il sera autorisé d’exporter des produits non classifiés sans avoir besoin d’une licence. Lorsqu’on lui a demandé la liste des pays autorisés, le ministère a de nouveau refusé de répondre.
Si 2022 bat le record de l’année dernière en matière d’exportations de produits de défense, il est probable que 2023 batte à nouveau le record au vu de l’assouplissement de la réglementation.
Cependant, alors que la branche exportatrice de l’industrie de la défense est en pleine croissance, l’État maintient confidentiels les noms des produits, des catégories et des pays de destination vers lesquels les exportations pourront avoir lieu relativement facilement.
Ce niveau de confidentialité peut représenter un danger pour l’État d’Israël ; plus les informations sont cachées, plus la crainte de corruption, de pots-de-vin et de médiation douteuse est grande. Israël aurait tout intérêt à encourager la transparence dans ses transactions d’exportation.
Cependant, une façon de localiser l’information est de consulter les budgets de la défense des pays étrangers auxquels les produits israéliens sont vendus. Contrairement au budget de la défense israélien – qui n’est pas segmenté ni communiqué – certains budgets de pays étrangers contiennent des données sur les achats en matière de défense.
Bien que toutes les informations ne soient pas visibles, il est possible de trouver certaines des transactions de marchés publics de défense qui ont eu lieu ou ont été conclues au cours des deux dernières années.
Certaines transactions récentes incluent l’achat de véhicules blindés téléopérés par l’Indonésie (un pays sans liens formels avec Israël) .
L’Indonésie a été l’un des nombreux pays, tels que les Philippines, à acheter des systèmes développés par Cellebrite, société quine fait pas l’unanimité et qui fabrique des logiciels de piratage.
L’Azerbaïdjan a acheté des drones armés israéliens, qui auraient été utilisés en 2020 pour attaquer des cibles arméniennes dans la région du Nagorno-Karabakh. L’Azerbaïdjan a, par ailleurs, transféré ces drones à la dictature de la Guinée équatoriale.
Le Turkménistan a acheté des véhicules tout-terrain ainsi que des drones armés, tandis que la République tchèque a acheté des radars et des systèmes de missiles à divers fabricants israéliens.
L’Inde est l’un des plus gros clients de l’industrie israélienne de la défense, avec notamment le système de défense antimissile Barak-8 commun à Israël et à l’Inde.
Les Philippines ont acheté des patrouilleurs, ainsi que des systèmes d’artillerie et 32 chars légers Sabrah. La Côte d’Ivoire a également acheté des patrouilleurs israéliens.
Itay Mack, un avocat israélien spécialisé dans les droits de l’homme et très critique à l’égard des exportations d’armes israéliennes, a récemment contacté le ministère de la Défense pour lui communiquer des informations publiées par les autorités philippines concernant des dizaines de milliers de fusils, de pistolets et de mitrailleuses qu’Israël a vendus à la police philippine. Cette dernière a été accusée d’exécuter sommairement des centaines, voire des milliers, de criminels présumés, en les abattant souvent à bout portant.
Le Brésil a acheté des drones, des radars et des missiles. L’Allemagne a également acheté des missiles et des drones israéliens et devrait également acquérir le système Arrow-3 d’Israël, considéré comme l’un des systèmes de défense aérienne les plus avancés de l’arsenal du pays.
La Pologne a acheté pour 152 millions de dollars de missiles guidés antichars Spike-MR/LR d’Israël, qui seront en partie produits en Pologne. La Slovaquie a acheté un système radar israélien dont la livraison est prévue pour 2025.
Les États-Unis ont acheté la tourelle téléopérée Samson RCWS-30 de Rafael, qui est contrôlée à distance, évitant ainsi l’exposition des soldats au feu ennemi. Les Américains ont également acheté des missiles Spike à longue portée et deux batteries Dôme de fer dans le cadre d’un contrat s’élevant à 400 millions de dollars.
Singapour a également acheté la tourelle téléopérée RCWS-30 de Rafael, tandis que la Roumanie a décidé d’acheter un certain nombre de tourelles téléopérées IFV d’Elbit.
L’Italie a acheté des missiles Spike, ainsi que des lanceurs de missiles de fabrication israélienne. La Grande-Bretagne a acheté cinq systèmes de navigation avancés pour avions de combat, qui devraient être installés sur les avions Eurofighter Typhoon.
Israël considère que les exportations de défense sont essentielles pour renforcer les liens avec les pays du monde entier, mais il fait l’objet d’un examen minutieux en raison de la vente d’armes, de drones et de technologies de cyber-espionnage à des régimes accusés d’avoir des antécédents plus que douteux en matière de droits de l’homme.
Les exportations de matériel de défense du pays sont réglementées par une loi de 2007 qui oblige les entreprises de défense à examiner comment et où les armes israéliennes seront utilisées. Cette loi vise à empêcher les entreprises de vendre sciemment des armes à des pays qui ont l’intention de les utiliser pour commettre des atrocités.
Bien que les entreprises soient légalement tenues de prendre en considération les éventuelles violations des droits de l’homme, cette obligation peut être écartée pour des raisons diplomatiques ou de sécurité.
Selon un groupe de réflexion indépendant sur la sécurité mondiale, Israël s’est classé au 10e rang des exportateurs internationaux d’armes au cours des cinq dernières années.
Source : fr.timesofisrael.com
![]() |
![]() |