LA DÉMISSION PERMANENTE

 

La gestion autant médiatique que politique de l’attentat de l’Isère est de très mauvais augure pour les Juifs français comme pour la société  civile en générale. L’attentat ponctue une évolution qui va dans le mauvais sens. Tout d’abord, il n’a suscité que de l’inertie horrifiée.  La victime – un « français moyen » comme le dit ingénument un journaliste – a montré, rétroactivement, que, sans Charlie Hebdo, l’Hypercacher aurait été passé en pertes et profits des « tensions inter-communautaires ». Valls a parfaitement exprimé celà en claironnant qu’il faudra s’habituer à vivre avec »le terrorisme ». La traduction pour les Juifs, plus précisément cibles de la guerre de religion qu’une partie de l’islam mondial leur livre tous azimuts, c’est qu’ils vivront dans une insécurité endémique et qu’ils doivent s’y habituer.

C’est là où le bât blesse car la réaction du gouvernement est singulièrement en dessous de ce qui devrait être requis d’un Etat qui se respecte. L’illustration la plus marquante fut celle du président Hollande qui, au lieu de nommer l’ennemi, soit l’islamisme, se contenta de fustiger « le terrorisme » comme s’il y avait là une fatalité neutre et impersonnelle, un danger comparable à celui des victimes de la route. Quant à « la guerre de civilisation »

de Valls, elle n’opposerait pas l’islam à l’Occident – soit le motif des djihadistes – mais ce dernier à « la barbarie ». Comment l’Europe pourrait-elle d’ailleurs comprendre quelque chose à ce qui lui arrive? En ayant renoncé à assumer son identité « judéo-chrétienne », elle est impotente à saisir ce qui la menace en tant qu’Europe, à savoir une guerre de religion… Que l’interprétation djihadiste de l’islam soit récusée par des musulmans modérés, c’est un fait, mais qui ne change rien à la situation. Plus qu’une guerre de religion, cependant, du point de vue de l’Etat, l’antisémitisme djihadiste est le symptôme objectif d’une guerre civile dont l’enjeu ne concerne pas uniquement la « sécurité » mais la nation et le pouvoir politique. Or, la gestion sécuritaire de la situation écarte toute possibilité d’y faire face. Elle maintient « à feu doux » l’incendie et voue les Juifs à une condition sacrificielle, à l’abnégation silencieuse du martyre. Leur « sacralisation » et leur célébration (« quand on touche à un Juif on touche à… ») n’est qu’un prix de consolation à ceux par qui le scandale pouvait arriver. Leur silence sur la réalité de la situation permet de maintenir le spectacle de la paix publique et de la pacification nationale. C’est ce qui explique pourquoi tout ce qui perturbe cette cérémonie est sèchement mis au ban du débat public. Dans le système idéologico-sécuritaire qui est mis en place, la « naturalisation » de l’antisémitisme, sa dépolitisation permettent d’accréditer la fable du gouvernement, la définition erronée de la situation, dont la finalité vise à le dispenser d’une décision politique (car l’enjeu de la normalisation de l’islam en France concerne l’Etat, son autorité) et nationale (car l’enjeu de l’intégration d’une population massive récente dans le paysage national concerne la nation, son identité, sa culture).

La récente réunion de « l’instance de dialogue avec l’islam » illustre cette démission. Bertrand Cazeneuve, au flegme pourtant utile, y a prononcé un discours de complaisance et de flatterie  qui a démontré que les discours fermes du premier ministre n’étaient, de facto, pas suivis d’effets politiques réels. Ce fut une occasion râtée, comme le fut la création du CFCM par Sarkozy, d’entamer le processus de réforme de l’islam préparant son intégration dans le consensus républicain. C’est la seule religion à ne pas s’être réformée pour se régler sur la souveraineté de l’Etat et s’adapter à l’identité nationale. Son retard est dû à l’histoire, certes, mais c’est un retard dont les musulmans eux-mêmes subissent les conséquences. C’est là où la politique du « dialogue », de la conciliation, des cérémonies de pacification est un leurre. C’est à l’Etat d’assumer l’obligation de sa souveraineté. Rappelons que la laïcité est un acte régalien de l’Etat qui se sépare des religions en leur imposant une ensemble de réformes pour que leurs fidèles se conforment au code civil. C’est la façon française de garantir la citoyenneté.

*Une chronique sur Actualité Juive du 2 juillet 2015.

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Shmuel Trigano

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yatin

La seule question qui se maintient et se répète à l’infini, bien qu’elle soit trop souvent dissimulée derrière le consensus permanent de la flatterie et de la peur, c’est celle-ci : est-ce qu’il est possible de réformer et d’intégrer à une démocratie véritable cette religion sans médiation aucune en ce qui concerne son origine? Il est à craindre que la réponse qui s’impose d’elle-même soit NON.