Erdoğan paie le prix de sa politique [mais le fait porter à d’autres]

La réussite des efforts du Président turc pour islamiser son pays est seule responsable de l’augmentation du terrorisme, sa première conséquence évidente. Il ne doit en blâmer que lui-même. 

Jusqu’à la dernière décennie, la Turquie était le modèle même du pays laïc, en dépit de sa majorité absolue de citoyens musulmans.

Depuis la révolution de Mustafa Atatürk, le père de la Laïcité turque, il était interdit aux femmes de porter le foulard, au moins dans le cadre du service public. En 1997, cette loi a, en réalité, été élargie et une résolution avait été ajoutée, interdisant le voile à l’Université. La Haute Cour avait approuvé une décision administrative visant à empêcher la promotion d’une enseignante parce qu’elle insistait pour porter le voile.

Avant les élections de 2007, Recep Tayyip Erdoğan a promis de révoquer cette loi interdisant le hidjab. Les organisations des droits de l’homme à travers le monde, faisaient pression pour cet amendement depuis des années. Les Turcs laïcs répliquèrent par des manifestations de masse s’opposant à un tel changement. 

En 2008, le parlement a approuvé l’amendement par une vaste majorité, arguant que toute femme avait le droit fondamental de décider de sa manière de s’habiller. La Cour Constitutionnelle avait alors invalidé cette décision, en s’appuyant sur le fait qu’elle était en totale opposition avec les principes constitutionnels sur lesquels la Turquie moderne avait été établie.

 

 

Invalider cette loi n’a rien modifié de cette tendance. La Turquie, avec les encouragements d’Erdoğan et du Parti de la Justice et du Développement qu’il dirigeait est devenue de plus en plus musulmane. 

On relève une augmentation du soutien à l’instauration de la Chari’a, de plus en plus d'(hommes portent la barbe, de plus en plus cde femmes portent le foulard, et il n’y a aucune application de la loi, qui reste pourtant formellement effective.

Ce qui est intéressant est que, loin que cette radicalisation empêche le terrorisme sur le territoire turc, c’est tout le contraire qui se produit : la radicalisation n’a fait que renforcer la montée en puissance du terrorisme. Dans un sondage publié cette année, 21% des Turcs apportent leur soutien à la notion que Daesh représente le vrai visage de l’Islam dont il est le meilleur représentant. 20% des Turcs ont approuvé les attentats contre le journal français Charlie-Hebdo.

Ce courant islamiste conduit par le Président Erdoğan a réussi au-delà de toutes ses espérances. Et même un peu plus qu’il n’y paraît. Le régime turc a essayé de prétendre que la résistance kurde (le PKK) était dérrière les attentats. La vérité s’est révélée : il s’agit bien du djihad de Daesh. En fait, cela ne peut rien avoir de bien surprenant. 

Parce que les Etats qui tolèrent le plus le terrorisme sont ces mêmes Etats où l’on constate la plus forte concentration de partisans de l’Islam radical, Wahhabisme et Salafisme. C’est ce qui se produit au Pakistan, en Afghanistan, en Somalie, au Nigéria et en Libye. Le fait que les Etats Musulmans et les Musulmans soient, en principe, ses premières ou principales victimes ne dissuade en rien les partisans du terrorisme. Ils commettent leur suicide à l’intérieur des mosquées au Nigéria tout comme au Pakistan. Il n’y a pas seulement des Sunnites contre des Chiites, mais bien des Sunnites contre d’autres Sunnites.

On peut même argumenter que ces attentats terroristes sont le résultat de changements d’alliance, voire même que la Turquie aurait commencé à cesser de soutenir directement Daesh. Ce n’est pas exact. Parce que le terrorisme s’épanouit partout où la radicalisation progresse.

Samedi, le terrorisme a essayé de porter préjudice à la Turquie et aux Turcs [NDLR : en visant des Israéliens]. Certains prétendent que les Israéliens ont été les premiers touchés, mais que ce n’était pas « intentionnel ». Erdoğan dirige la Turquie vers toujours plus d’isalmaisation. La Turquie en paie le prix. Il n’y a là aucun paradoxe. Bien au contraire : c’en est la conséquence évidente. Erdoğan n’a qu’à s’en prendre qu’à lui-même. 

Ben Dror-Yemini

Publié le : 20.03.16, 23:03 / Israel Opinion

Adaptation : Marc Brzustowski

Commentaire : ce texte intéressant ne va pas assez loin en ne relevant pas que, parmi les 11 victimes de l’attentat près de la Basilique Ste Sophie, 10 étaient des touristes allemands. Et les 4 victimes de samedi 19 mars sont 3 Israéliens et 1 Iranien, quoiqu’il en soit, majoritairement -et à chaque fois- des étrangers. Et lorsque les premiers attentats de masse ont eu lieu, en 2015, c’était principalement contre des rassemblements pacifistes d’un parti pro-kurde. Ce sont donc toujours les autres qui paient les errements d’Erdoğan, à ceci près que cela renforce son pouvoir personnel aux yeux du peuple turc et que cela lui permet d’exiger des conditions toujours plus favorables à l’Europe, mais aussi à Israël en ce moment, dans l’espoir d’un « rapprochement » à son seul avantage. Quoi qu’il en soit, il faut briser cette dynamique rapidement si on ne veut pas participer à l’épanouissement de l’option terroriste qu’Erdoğan nous impose. Erdoğan est une sorte de Mahmoud Abbas qui aurait réussi dans la vie : toujours plus de chantage et toujours plus de résultats avantageux.