En me remémorant Shimon Peres

 

Mes souvenirs personnels, au sujet de Shimon Peres, sont constitués de quelques rencontres et d’un certain nombre de ses discours auxquels j’ai assisté. J’ai rencontré Shimon Peres pour la première fois en 1965. Il se trouvait alors à un des moments les plus bas de sa carrière. Peres était alors le Secrétaire-Général du Parti Rafi, créé par Ben Gourion qui venait de rompre juste avant les élections de cette année-là, avec le Parti Travailliste. Rafi avait été battu de manière retentissante au cours des élections et n’avait obtenu que dix sièges. Il était contraint de rester dans l’opposition.

Peres se rendait à une Conférence de l’Union Mondiale des Etudiants Juifs (UMEJ) pour y faire un discours, à Paris. J’étais le président de l’organisation, à cette époque. Après son discours, un certain nombre de dirigeants de l’Union se sont assis autour de lui pour une conversation fascinante. Nous réalisions alors qu’il était radicalement différent des autres dirigeants israéliens de sa génération : charismatique, intelligent et d’esprit très ouvert.

Pourtant, aujourd’hui, en repensant à Peres, je reste très ambivalent, quant à son attitude et à son comportement après les accords d’Oslo, dont il a été le principal architecte israélien. Est-ce que ces accords ont fait plus bien que de dégâts pour Israël? Cela demeure difficile à évaluer.

Etait-ce justifié d’attribuer le Prix Nobel de la Paix à Rabin et Peres, en même temps qu’à Yasser Arafat? Probablement non, mais il y a bien d’autres Prix Nobel de la Paix qui ont perdu toute justification. Cela comprend, évidemment, celui attribué à Obama. Nous savons maintenant qu’Arafat a signé des chèques à des terroristes recherchés qui ont tué des civils israéliens même bien après avoir reçu ce Prix. Est-ce que Peres a jamais tenté de révéler pleinement la criminalité d’Arafat? Je doute qu’il l’ait fait.

L’une des nombreuses remarques choquantes que Peres a faites après les Accords d’Oslo a enregistrée par l’ancien chef des renseignements militaires Uri Saguy, lors d’une interview avec le quotidien Ma’ariv. Il déclarait qu’alors en poste, il avait dit aussi bien  au Premier Ministre de l’époque, Itzhak Rabin qu’au Ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, qu’il existait des signes évidents de situation comparable à celle du Liban, se développant à Gaza. Voici alors la réponse de Peres : « Vous êtes en train de détruire ma paix! ». A cela, Saguy avait rétorqué : « Je vous transmets une mauvaise nouvelle, et vous tirez sur le messager. Ce n’est pas ma mission de bâtir ou de détruire la paix. Je dois juste dessiner un tableau réaliste de la situation ».

Peres est connu pour de grandes choses importantes et souvent positives. L’une d’entre elles est sa grande contribution à la sécurité d’Israël, dans les années précédant la création d’Israël et durant les nombreuses années qui ont suivi. Son rôle dans la fondation du réacteur atomique israélien de Dimona est une énorme contribution.

Peres était un homme de vision. Il a développé un concept appelé :  » Le Nouveau Moyen-Orient ». Il a publié un livre sous ce même titre en 1993, l’année des accords d’Oslo, qui a été tradu en de nombreuses langues étrangères. Cela s’avérerait être un roman fantastique s’i s’agissait d’une nouvelle utopique. Peres maintenait fréquemment que l’on devait penser à long terme. C’était un message contre-productif dans la réalité israélienne et moyen-orientale. Il n’a jamais pu prévoir ou s’est empêché de prévoir l’actuel chaos qui règne au Moyen-Orient.

Les fantasmes de Peres faisaient plaisir à la communauté mondiale. Un grand nombre de représentants étrangers importants se sont rendus à ses funérailles. Excepté Mahmoud Abbas, les délégations arabes n’étaient composées que de personnages de second rang. Les représentants du Parti Arabe Israélien se sont tenus à l’écart.

Les visions de Peres ont servi Israël dans une certaine mesure, parce qu’en tant que personnalité israélienne prédominante, il é toujours bien reçu dans le monde occidental. Cela a aussi rendu de bien mauvais services à Israël, parce que certaines choses qu’il disait étaient absurdes et encourageaient les dirigeants internationaux à attendre encore plus de concessions irréalistes de la part d’Israël.

Le Président Peres a répété plusieurs fois une boutade absurde. Il a déclaré au New York Times, en janvier 2013 : « Il y a deux choses qu’on ne peut pas faire sans fermer les yeux : faire l’amour et faire la paix ». Lorsque Peres s’est rendu en Norvège en 2014, il a fait l’éloge de ce pays et de sa bonté naturelle, en ignorant complètement les attitudes anti-israéliennes qui s’y propagent. Peres n’aurait jamais dû offrir de tels éloges à la Norvège. 38% Norvégiens pensent que ce qu’Israël fait aux Palestiniens est identique à ce que les Nazi

Peres a lancé la Conférence des Présidents. Elle rassemble des hommes d’Affaires, des hommes politiques, des penseurs et des scientifiques de tous les pays du globe. J’y ai assisté à un certain nombre de séances fascinantes, principalement sur l’avancée des sciences. Cette conférence était une initiative de haute voltige que son successeur n’a malheureusement pas poursuivie. De l’autre côté, le choix des orateurs juifs était souvent orienté. En tant que Président d’Israël, il aurait dû inviter un groupe d’orateurs plus équilibré, comprenant plus de personnalités religieuses et de droite. Peres aurait aussi dû s’abstenir d’introduire des Juifs mus par la haine d’eux-mêmes et autres producteurs d’injures antisémites.

Peu de dirigeants arabes seront présents à ses funérailles. C’est un indicateur de son manque à saisir les réalités du Moyen-Orient. Beaucoup pensent que les nécrologies doivent toujours être enrobées de sucre. Je n’appartiens pas à ce milieu. On ne peut encore prévoir ce qui subsistera de son héritage, pourtant si le caractère ambivalent de ses dernières décennies n’est pas préservé tel qu’il était, l’histoire ne dira pas la vérité.

 

 Par Manfred Gerstenfeld

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Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

 

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LANG-WILLAR Pascale

Je suis outrée par de tels propos : il vient à peine d’être enterré qu’on le dénigre déjà.
ET LE RESPECT DANS TOUT ÇA QU’EN FAÎTES-VOUS EN PUBLIANT UN TEL ARTICLE???? SHAME ON YOU