محمد الشاهد (اف ب)محمد الشاهد (اف ب)« François Hollande et le président Al-Sissi lors de l’inauguration du second canal de Suez »

A la tête d’une fastueuse parade navale et en présence de chefs d’Etat dont le français François Hollande, le président Abdel Fattah al-Sissi, qui dirige l’Egypte d’une main de fer, a inauguré jeudi l’élargissement du canal de Suez pour tenter de relancer une économie à genoux.

INAUGURATION DU "NOUVEAU" CANAL DE SUEZ

La cérémonie a cependant été ternie par la menace d’une nouvelle atrocité du groupe djihadiste Etat islamique (EI), dont la branche égyptienne menace d’exécuter un jeune otage Croate travaillant pour une compagnie française. Au moment même où M. Sissi, l’ex-chef de l’armée qui a destitué en 2013 l’islamiste Mohamed Morsi et réprime implacablement toute opposition, veut rassurer touristes et investisseurs étrangers en proclamant qu’il a restauré la sécurité.

Le canal de Suez

Le projet a entraîné le creusement d’un nouveau canal de 37 km ainsi que l’approfondissement et l’élargissement du canal existant sur 35 km.

Ouvert en 1869, le canal de Suez relie la mer Rouge et la mer Méditerranée. C’est l’une des routes essentielles du commerce mondial et une source précieuse de devises pour l’Egypte, qui cherche à relancer une économie en crise depuis la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir.

Défilé de Rafale et F16

JACK GUEZ (AFP/Archives)JACK GUEZ (AFP/Archives)« Vue aérienne en date du 31 décembre 2007 de l’entrée sud du canal de Suez « 

M. Sissi, dans son uniforme de maréchal à la retraite, a embarqué en début d’après-midi à Ismaïlia, dans le nord-est, pour conduire la parade à bord d’un élégant yacht qui avait transporté l’impératrice française Eugénie, l’épouse de Napoléon III, lors de l’inauguration du canal en 1869.

Il était suivi par la frégate multimissions FREMM achetée à la France, tandis que les trois premiers avions de combat français Rafale commandés à Paris et huit F16 récemment livrés par le grand allié américain ont participé à un défilé aérien.

« Invité d’honneur » de la cérémonie, M. Hollande s’est assis au côté de M. Sissi, qui avait revêtu un costume civil pour recevoir ses homologues étrangers.

« En un an, les Egyptiens ont produit un très grand effort pour offrir un cadeau au monde », s’est ému M. Sissi.

Le chef de l’Etat a été interrompu par les sirènes de deux gigantesques portes-conteneurs, premiers navires à emprunter la nouvelle voie du canal sous les applaudissements des invités.

L’émir du Koweït, le président Palestinien Mahmoud Abbas, le roi Abdallah II de Jordanie, les présidents yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi et soudanais Omar el-Béchir étaient notamment présent.

L’élargissement du canal représente l’un des travaux phares de M. Sissi qui avait lancé en grande pompe ce projet comprenant l’ouverture d’une nouvelle voie doublant, sur 35 km, le célèbre canal long de 193 km, et l’élargissement et l’approfondissement d’un tronçon sur 37 autres kilomètres.

Le président égyptien avait donné un an pour réaliser ce projet. Pari tenu, grâce à une souscription de quelque 9 milliards de dollars qui a attiré de nombreux Egyptiens.

Un Croate menacé d’exécution

La nouvelle voie doit permettre de doubler le trafic à l’horizon 2023, assure le Caire, promettant quelque 97 navires par jour sur le canal contre 49 actuellement. La nouvelle artère permettra la circulation dans les deux sens, réduisant de 18 à 11 heures l’attente des bateaux, et doit faire passer les revenus du canal de 5,3 milliards de dollars (environ 4,7 milliards d’euros) attendus en 2015 à 13,2 milliards de dollars (11,7 milliards d’euros) en 2023, selon les autorités.

Mais pour des experts du commerce international, il s’agit d’un très coûteux « vœu pieux », voire d’un gaspillage, au moment où la croissance du commerce mondial marque sensiblement le pas.

« La priorité pour les armateurs c’est de réduire les coûts du transport, pas d’accroître sa vitesse », commente Ralph Leszczynski, directeur des recherches de la compagnie de courtage maritime italienne Branchero Costa.

« La tendance récente est de réduire la vitesse des navires pour réduire la consommation de carburants », explique-t-il, concluant: « Au bout du compte, tout le monde est content de faire la queue » pour passer le canal deSuez, « pourvu que l’on paye moins cher ».

Pour M. Sissi, toujours avide d’une reconnaissance occidentale depuis qu’il a destitué M. Morsi, ce « nouveau canal » vise aussi à assoir sa légitimité sur la scène internationale.

Sa popularité est très grande au sein d’une population égyptienne lassée par quatre années de chaos. Mais les organisations internationales de défense des droits de l’Homme jugent son régime -qui réprime dans le sang l’opposition islamiste et muselle toute dissidence libérale et laïque-, plus répressif que celui de Moubarak.

En représailles, l’Egypte est le théâtre de nombreux attentats perpétrés par des groupes jihadistes, dont la branche locale de l’EI, « Province du Sinaï ».

Ces jihadistes ont menacé mercredi d’exécuter dans 48 heures un Croate de 30 ans, Tomislav Salopek, enlevé près du Caire en juillet, si le gouvernement ne libère pas « les femmes musulmanes » emprisonnées.

L’exécution de ce père de deux enfants travaillant pour la compagnie française d’exploration pétrolière CGG changerait la donne pour M. Sissi en effrayant les touristes, déjà moins nombreux, et les nombreuses entreprises étrangères présentes en Egypte.

(Avec AFP)

i24

 

 Additif : le départ d’Égypte. L’écrivain Victor Teboul revit un épisode triste de l’histoire des juifs en Égypte

Juifs egyptiensLa communauté juive possède 12 synagogues en Egypte (Photo : Bassam Al-Zoghby)

13 février 2011 11h14 |Victor Teboul – L’auteur est écrivain. Son nouveau roman, La Lente Découverte de l’étrangeté, paru aux Éditions Les Intouchables, a pour cadre l’expulsion des juifs d’Égypte à la suite de la guerre de Suez. Dans le texte qui suit, Victor Teboul explique les raisons qui l’ont motivé à évoquer cette page d’histoire des juifs d’Égypte.
Je ne sais pas ce qu’est l’exil, je n’ai aucune idée du déracinement. Malgré mon accent à la Youssef Chahine qui me trahit, je ne me suis jamais senti égyptien, ni au Québec ni en Égypte, où je suis pourtant né. Je n’ai vécu que les 11 premières années de ma vie à Alexandrie, et pourtant, pour quiconque me pose des questions sur mes origines, je suis et demeure Égyptien. C’est là sans doute le paradoxe de plusieurs d’entre nous qui avons quitté très jeunes notre pays natal.

Camp de transit (Israël, 1950).

Lorsque je me rappelle en plus que mon père et ma sœur furent emprisonnés par les autorités égyptiennes lors de la crise de Suez et que nous fûmes ensuite expulsés et « rapatriés » en France, je me dis que j’ai de bonnes raisons de ne pas me sentir Égyptien.

La synagogue d’Alexandrie en 1904. (Lebrecht/Leemage )
J’ai toujours le même souvenir qui me revient de notre départ. Je suis assis avec mes parents dans un taxi qui file à toute allure vers le port. Mon père et ma soeur (mon aînée de dix ans) viennent d’être libérés de prison, et un bateau déjà bondé nous attend au bout d’un quai. Je me souviens d’avoir hâte de retrouver mon journal. J’ai commencé sa rédaction au moment où la guerre a éclaté. Je tiens à raconter ce qui nous arrive. Cela me semble tellement singulier.Curieusement, malgré ce que nous avons vécu, je n’ai jamais cessé de porter en moi cette Égypte que j’ai si peu connue.Et puis, il y a Alexandrie, ma ville natale, que je n’ai revue qu’une seule fois après notre départ précipité de décembre 1956.C’est en 1988 que je saisirai l’occasion d’y retourner alors que je préparais une série d’émissions sur les 40 ans de l’État d’Israël pour la chaîne culturelle de Radio-Canada.

À mon arrivée à l’aéroport d’Alexandrie, je suis étonné qu’on m’adresse spontanément la parole en arabe, moi qui l’ai si peu appris. Et je me surprends à employer des mots que je pensais enfouis dans mon enfance pour répondre à mes interlocuteurs: agents de bord, chauffeurs de taxi, réceptionnistes. Il y a comme ça des paroles d’autres langues – j’allais dire d’outre-tombe – qu’on porte en soi et qu’on se surprend à prononcer à des moments inattendus.

À la synagogue Éliahou Hannabi, je pense à ces jours de fête où le « Temple », comme on l’appelait, était rempli de monde jusque dans ses jardins. Un soldat à l’uniforme trop grand est posté devant la porte d’entrée, il me semble tenir un vieux fusil datant de l’époque du roi Farouk. La synagogue est maintenant déserte mais bien conservée car, m’explique le président de la communauté, on attend le prochain car de touristes, qui arrivent de France…

Dans la rue, je cherche ces odeurs d’autrefois, comme celle du maïs grillé sur la corniche ou bien celle des grillades sur la place Saad-Zaghlul. Je m’attends à retrouver la musique de toutes ces langues qu’on entendait dans les pâtisseries, au marché. Mais cela a évidemment disparu.

Exception faite de cette ambiance cosmopolite inexistante, je ne décèle aucun changement réel en marchant dans les rues. Les façades des bâtiments, quoiqu’elles aient perdu de leur éclat, me paraissent intactes. Comme si on avait simplement vidé la ville d’une partie de sa population sans changer quoi que ce soit à sa physionomie.

Je reconnais les rues et je retrouve même notre appartement. Les nouveaux occupants, d’anciens voisins, me reconnaissent. Nous versons beaucoup de larmes. Je m’assieds, on va me préparer du thé et, tranquillement, pendant que nous nous remettons de nos émotions, je me rends compte que je suis assis dans le salon de mes parents, sur leur divan, en face de l’argenterie que ma mère aimait tant. Nos anciens voisins se sont installés chez nous et se servent de nos effets personnels! Ils ont tout simplement pris possession de ces lieux que nous avions quittés en toute hâte, avec 20 livres égyptiennes en poche et 100 kilos de vêtements dans nos valises.

Les occupants des lieux sont tout fiers de me montrer des photos de ma soeur et de moi-même en compagnie de nos parents. Je n’ose pas les leur réclamer. Ces images leur appartiennent: elles leur rappellent ces êtres d’une autre époque que nous fûmes et dont ils ont hérité des biens. Je suis figé sur mon siège, un goût amer dans la bouche. Je ne suis pas sûr de vouloir goûter au thé.

Je croyais que ce voyage en Égypte m’avait guéri du besoin de revivre cet épisode de mon histoire.

Et puis, soudain, le passé surgit, vous rattrape. Vous regardez une émission à la télévision sur les réfugiés palestiniens, et après avoir écouté la conversation qu’a eue l’animateur avec son invité, au moment où les auditeurs vont téléphoner pour discuter avec les participants, vous avez l’impression qu’on a sauté par-dessus une page importante de votre histoire. La crise de Suez, les expulsions, les réfugiés juifs d’Égypte. Sûrement qu’ils en ont entendu parler. Vous vous décidez à appeler. Savait-on que des milliers de juifs avaient été jetés en prison en Égypte en 1956 avant d’être brutalement expulsés, sans compter le sort des réfugiés juifs des autres pays de la région? Vous sentez l’effet de surprise.

N’est-il pas étrange aussi de découvrir, dans tous ces livres qui s’écrivent sur cette période cosmopolite de l’histoire égyptienne, comment on s’attarde si peu sur cet épisode dramatique qui marquera la fin de la communauté juive d’Égypte?

Je comprends qu’on veuille oublier ces moments douloureux.

Quant à moi, j’éprouve une certaine ambivalence lorsque je pense aux juifs d’Égypte: je suis tiraillé entre l’admiration et la colère.

Comment, en effet, ne pas les admirer alors que l’Égypte a pu bénéficier de toutes ces industries développées grâce à eux – celle du coton, du papier, du sucre – ou de ces réseaux d’affaires internationaux qu’ils ont mis en place pour les classes nanties égyptiennes?

Quant à la colère, elle est provoquée par leur silence. J’ai l’impression que les juifs d’Égypte sont demeurés plutôt discrets à propos de ce qu’ils ont subi.

Ils étaient 80 000 en 1948, 50 000 en 1952, 7000 en 1967.

Que s’est-il passé entre ces trois dates? Ils se sont identifiés à l’Europe et aux colonisateurs, s’entend-on dire.

Remontons à 1945, si vous le voulez bien, et écoutons le regretté Jacques Hassoun: « […] l’Égypte, écrit-il, fut le seul pays arabe qui refusa à partir de 1945 à ses juifs les plus autochtones, dont l’implantation remontait à plusieurs siècles, sinon à plus d’un millénaire, la nationalité égyptienne. Ainsi, les juifs d’Égypte s’entendirent-ils dire qu’ils étaient des « étrangers ». Comment ne pouvaient-ils pas à la longue s’identifier à ce rêve européen? »

Quant à l’accusation portée contre eux selon laquelle ils étaient sionistes, ici aussi, il est intéressant d’écouter Hassoun. Il évoque l’existence à Alexandrie, entre 1946 et 1948, d’une Ligue juive antisioniste (c’est moi qui souligne) dont les membres furent internés au camp d’Aboukir en mai 1948 pour être par la suite expulsés d’Égypte!

En 1956, à la suite de la crise de Suez, 30 000 juifs ont vu leurs biens confisqués par les autorités égyptiennes et ont été forcés de quitter le pays. Un tiers d’entre eux se sont installés en Israël. Les biens laissés en Égypte par ces derniers sont aujourd’hui évalués à plus de deux milliards et demi $US. Or on sait que les accords de Camp David n’ont pas prévu de dédommagements.

Les deux autres tiers de la communauté, également dépossédés, partiront pour la France, l’Angleterre, l’Amérique latine et même pour le Canada. Titulaires de passeports étrangers, la citoyenneté égyptienne, comme on l’a vu, leur ayant été refusée, ils subiront humiliations et internements.

Certains d’entre eux, ceux qui avaient malgré tout réussi à obtenir la naturalisation égyptienne, virent leurs passeports confisqués et durent trouver un pays qui accepterait de les recevoir… en tant qu’apatrides.

Tandis que tant de groupes à travers le monde – et jusqu’au Canada – exigent dédommagements, excuses officielles et solennelles pour des injustices commises à leur endroit ou à celui de leurs ancêtres, les juifs d’Égypte et leurs descendants demeurent bien silencieux quand il s’agit de rappeler à la mémoire du monde ce qu’ils ont vécu.

J’ai le vague soupçon, pour l’avoir vécu dans ma famille, que les juifs d’Égypte, malgré les torts subis, ont continué d’aimer ce pays.

Je suis toujours fasciné par l’affection qu’ils éprouvent pour les coutumes et la culture égyptiennes, comme si celles-ci étaient partie intégrante de leur identité juive. Cet attachement n’a pas été diminué par leur appartenance à l’Occident, bien au contraire.

Lorsque je fouille dans cette page de mon histoire, je suis surpris de découvrir, ayant surtout connu le triste épisode des expulsions, ce rapport symbiotique qui a existé entre la communauté juive et le monde égyptien. Et je me rends compte que ce sont les écoles juives d’Égypte qui ont réussi à cultiver auprès de leurs élèves ces sentiments de profonde affection pour le pays.

Les « juifs d’Égypte n’ont fabriqué aucune judéo-langue, contrairement aux Maghrébins, aux Est-Européens ou aux Hispano-Balkaniques, note encore Jacques Hassoun. Ils ont parlé en arabe, et c’est en arabe que le Séder El-Tawhid ou la [Q]esset Hanna sont lus. Exemple unique dans le monde islamique, c’est en graphie arabe que la traduction de leurs livres de prières est retranscrite, et ce, jusque dans les dernières éditions [1947] du Siddour Farhi ou des Hagadoth ».

Imaginez ce que vous pouvez ressentir lorsque vous découvrez qu’il existait, jusqu’à la fin des années 30, des juifs tout à la fois nationalistes égyptiens et militants sionistes, et que cela constituait, pour eux, deux composantes tout à fait naturelles et complémentaires de leurs allégeances politiques.

C’était le cas de Léon Castro, qui dirigeait en même temps le journal nationaliste de langue française Liberté et… l’Organisation sioniste du Caire, comme aussi celui de Félix Benzakein, député du parti Wafd et président de l’Organisation sioniste d’Alexandrie. On croit rêver.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires