De nombreux habitants ont été surpris dans leur sommeil par la catastrophe. (Pascal PAVANI / AFP)

Trois mois de pluie tombés en quelques heures sur la région et un bilan très lourd : au moins 11 personnes ont été tuées dans la nuit de dimanche à lundi à la suite de violents orages ayant provoqué de graves inondations dans l’Aude.

Il s’agit d’intempéries parmi les plus meurtrières depuis une dizaine d’années.

Les inondations ont coupé du monde plusieurs communes du département, rendant impraticables routes et réseau ferré et donnant à voir des spectacles de désolation ce matin.

La catastrophe a surpris beaucoup d’habitants pendant leur sommeil, la région n’étant placée la veille qu’en vigilance « orange », le stade « rouge » ayant été déclenché à 6 heures du matin par Météo France. Alors, y a-t-il eu des manquements ?

C’est clair qu’il y a une fragilité », a reconnu le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Frédéric de Lanouvelle lundi après-midi sur LCI. « Il y a une fragilité au niveau de la vigilance orange – on l’a vu avec la neige qui est tombée sur l’Île-de-France il y a quelques mois – qui est très souvent utilisée et quand il y a un vrai problème, les gens n’en tiennent plus compte ».

« Et puis il y a le problème de cette vigilance rouge, je ne connais pas par cœur le processus de déclenchement de cette vigilance, mais en l’occurrence cette nuit, au vu du témoignage de certains habitants, elle a été déclenchée trop tard », a-t-il ajouté.

« Je ne pense pas que ce soit lié à l’incompétence de Météo France mais à une difficulté d’évaluer cela. Et puis c’est un phénomène très puissant. Il est clair que les secours se sont déployés dès que possible mais que leurs conditions étaient très compliquées », a-t-il toutefois reconnu.

Interpellé par des sinistrés sur le manque d’information, Edouard Philippe, qui s’est rendu sur les lieux ce lundi, a lui défendu l’action de l’Etat sur place, annonçant le déclenchement d’une « procédure de catastrophe naturelle accélérée.

Le Premier ministre a souligné la violence « imprévisible » du phénomène et assuré que « les secours ont été pré-positionnés pour certains dès avant hier, dans la nuit. »

Vigilance rouge et vigilance orange, c’est quoi la différence ?

La Vigilance météorologique a été mise en place en 2001, après les tempêtes de 1999, qui ont mis en évidence qu’une meilleure information de la population aurait pu limiter les conséquences dramatiques de ces événements.

« Elle est conçue pour informer la population et les pouvoirs publics en cas de phénomènes météorologiques dangereux en métropole », explique Météo France. « Elle vise à attirer l’attention de tous sur les dangers potentiels d’une situation météorologique et à faire connaître les précautions pour se protéger. »

La carte de vigilance est publiée au moins deux fois par jour, à 6 heures et 16 heures. Elle signale si un danger menace un ou plusieurs départements dans les prochaines 24 heures. Elle comprend une échelle de quatre couleurs correspondant à des niveaux de risque (vert, jaune, orange, rouge).

« En cas de phénomène dangereux de forte intensité, la zone concernée apparaît en orange. En cas de phénomène très dangereux d’intensité exceptionnelle, la zone concernée apparaît cette fois en rouge. »

En cas de vigilance orange ou rouge, la carte de vigilance de Météo France s’accompagne des conséquences possibles et de conseils de comportement définis par les pouvoirs publics.

Entre octobre 2001 et mars 2018, seuls 28 épisodes de vigilance rouge ont été recensés, dont 13 cas pour pluie-inondation.

Qui déclenche l’alerte ?

 

Météo France décide du déclenchement de la vigilance, notamment en collaboration avec la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (ministère de l’Intérieur), la Direction générale de la prévention des risques (ministère de l’Environnement), ou encore La Vigilance pluie-inondation et inondation est élaborée avec le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (Schapi) et les Services de prévision des crues (SPC) du ministère de l’Environnement.

La vigilance météorologique n’est cependant que le premier maillon de la chaîne.

« Dans de très rares cas, elle peut conduite à l’activation d’une procédure d’alerte des populations accompagnée de consignes comme l’ordre d’évacuation ou de mise à l’abri. Cette dernière est du ressort des autorités en charge de la sécurité des populations (préfecturesmaires…) », prévient Météo France. Une circulaire de 2011 adressée aux préfets stipule que « Dès réception d’une carte classant votre département en situation rouge, vous procéderez à l’alerte systématique des maires et des services opérationnels ».

Que s’est-il passé cette nuit ?

« Les modèles météorologiques ont commencé à montrer des signaux d’alerte vers 3 heures du matin », explique l’hydrologue Emma Haziza, présidente du Centre de recherche Mayane sur la gestion des risques inondations, interrogée par Europe 1.

« Les gens dormaient, ils se sont retrouvés face à des vagues de submersion qui ont traversé tous les territoires, croisées à une activité électrique extrêmement forte… On était vraiment dans une situation majeure. »

Alors « face à un risque d’épisode méditerranéen qui est extrêmement connu », selon la spécialiste, faut-il revoir notre système de vigilance ?

 « On est un modèle au niveau international », fait valoir l’hydrologue : en 2001, la Vigilance météorologique était le premier dispositif d’information de ce type hors zones cycloniques.

Depuis, de nombreux pays ont adopté des systèmes plus ou moins similaires. Le système de vigilance météorologique français a par ailleurs été retenu par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) comme bonne pratique dans le cadre du programme de réduction des Risques de catastrophes (Disaster Risk Reduction).

Cependant, ajoute Emma Haziza, « à l’heure du 2.0, il va peut-être falloir commencer à se poser des questions ». Car la vigilance rouge n’a été activée que 3 heures plus tard, et sous forme de carte à la diffusion assez limitée, surtout quand l’électricité est coupée.

« Il s’agissait de pluies très intenses, sur une zone géographique très limitée, d’un ordre de grandeur de 20 à 30 km, et la prévisibilité de ce genre de stationnarité est très limitée », justifie, toujours auprès de nos confrères d’Europe 1, Etienne Kapikian, prévisionniste à Météo France.

« Pour entrer en vigilance rouge, il faut être sûrs et bien mesurer l’ampleur du phénomène. Car il y a aussi le risque de la surestimation. »

« Les secours étaient au courant qu’il se passait quelque chose. Mais la population, c’est autre chose. » D’autant que la vigilance orange s’est banalisée…

Alors, faut-il imaginer un système d’alerte sur les téléphones portables ? Les vigilances orange et rouge sont-elles toujours adaptées ? A l’image des tempêtes de 1999, cet épisode d’inondations historique pourrait de nouveau questionner nos pratiques.

L.T.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires