Sohier Chaput coupable d’avoir fomenté la haine contre les Juifs.

Prôner le nazisme, c’est appeler à la persécution des Juifs, a statué lundi un juge de la Cour du Québec, en déclarant un Montréalais de 36 ans coupable d’avoir volontairement fomenté la haine contre les Juifs.

Gabriel Sohier Chaput avait sciemment l’intention de promouvoir la haine contre le peuple juif dans un article de 2017 rédigé pour le site Internet néonazi « Daily Stormer », a conclu le juge Manlio Del Negro.

Le juge soutient que Sohier a voulu « promouvoir activement la détestation de personnes de foi juive » dans ses écrits. « Non seulement il fomente de la haine, mais il incite et encourage les lecteurs à passer à l’action », a écrit le magistrat.

L’article incriminé, qui contenait une insulte ethnique contre le peuple chinois et faisait référence dans son titre à des néonazis « provoquant » des Juifs, était l’un des plus de 800 textes écrits par Sohier Chaput pour le site Web, faisant de lui l’un de ses plus prolifiques collaborateurs.

Sohier Chaput a admis avoir écrit une partie de l’article incriminant, y compris une section qui disait que 2017 serait « l’année de l’action » et qui appelait à « un nazisme continu partout, jusqu’à ce que les rues soient inondées des larmes de nos ennemis ».

Le juge Del Negro a rejeté la thèse de l’accusé selon laquelle certaines des insultes les plus incendiaires de l’article avaient été écrites par quelqu’un d’autre. Le juge a noté que jusqu’à son procès, Sohier Chaput, qui écrivait sous le nom de « Zeiger », n’avait jamais tenté de se distancier de l’article avant le procès.

Cela dit, même les parties de l’article que Sohier Chaput a admis avoir écrites, et le contexte dans lequel elles sont apparues, étaient suffisants pour le condamner, a déclaré le juge Del Negro.

« Le message véhiculé est la promotion du nazisme et de son idéologie, soit la persécution et l’extermination des Juifs.

II incite le lecteur à considérer les Juifs comme étant leurs ennemis et, en conséquence, de ne pas les aimer et à vouloir les détester. »

« Ironique » ?

Le site Web contenait une grande photo du dirigeant nazi Adolf Hitler et comportait des sections consacrées au « problème juif » et à la « guerre raciale », a noté le juge, ajoutant qu’il contenait également du contenu discriminatoire envers d’autres groupes, y compris les Noirs et les personnes des communautés LGBTQ.

Sohier Chaput avait soutenu que l’article se voulait « humoristique, satirique, ironique ». Le juge a conclu que ces allégations n’avaient aucune crédibilité.

« Le Tribunal estime que les explications fournies sont spécieuses, insincères, opportunistes, trompeuses, farfelues, invraisemblables, dissimulatrices de la vérité et bricolées pour dissimuler l’intention véritable de l’accusé », a déclaré le juge Del Negro, levant fréquemment les yeux de sa décision écrite pour fixer du regard Sohier Chaput.

« En terminant, qu’il (me) soit permis de faire l’observation suivante : les victimes — les Juifs et d’autres groupes — de l’Holocauste et aussi les victimes d’autres génocides perpétrés au cours de l’histoire, ainsi que leurs familles méritent d’être laissées en paix », conclut le juge.

« Les souffrances qu’elles ont subies sont inexprimables et défient le sens de l’humanité. Même 77 ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, qu’on persiste encore aujourd’hui à banaliser le rôle qu’a joué le nazisme envers les Juifs lors de l’Holocauste et de continuer à vouloir s’acharner sur eux est profondément choquant. »

La décision a suscité des applaudissements dans la salle d’audience.

Libéré avec réticence

Une fois la lecture de sa décision terminée, le juge a ordonné la détention immédiate de Sohier Chaput, le qualifiant de personne « extrêmement dangereuse » pour la société.

L’avocate de la défense, Hélène Poussard, a interrogé le juge sur cette détention immédiate, soulignant que les personnes reconnues coupables ne sont généralement pas détenues en attendant le prononcé de la peine, même dans les affaires les plus graves. Elle a rappelé au juge que Sohier Chaput avait respecté ses conditions depuis 2017.

Le juge Del Negro a toutefois expliqué que son crime était « contraire aux valeurs de notre société » et qu’il pourrait fuir, se cacher derrière un pseudonyme et continuer à répandre la haine.

Me Poussard a ensuite demandé si son client était détenu parce qu’elle avait déposé une plainte officielle concernant la conduite du juge. Le magistrat a laissé tomber qu’il ne répondrait pas à cette question. Sohier Chaput a ensuite été menotté et emmené dans le box des prisonniers.

Lors d’une audience en après-midi, après avoir entendu les arguments de Me Poussard et du procureur Patrick Lafrenière, qui n’avait aucune objection à la libération de Sohier Chaput, le juge Del Negro a convenu que l’inculpé pourrait rentrer chez lui une fois qu’un membre de la famille aurait signé un engagement.

Me Poussard a ensuite indiqué au tribunal qu’un autre avocat prendrait en charge la défense de Sohier Chaput avant son audience de détermination de la peine.

Un expert pour établir l’Holocauste ?

Les plaidoiries finales avaient commencé en juillet, mais le procès a été prolongé pour débattre du lien que le juge pouvait former entre l’idéologie nazie et la Shoah si aucun témoin expert n’était venu l’établir clairement au procès.

La poursuite a estimé que le lien entre le nazisme et l’Holocauste — et le fait que le régime nazi s’était engagé dans la persécution continue des Juifs, y compris le meurtre de millions de personnes — était un fait accepté et avéré, fournissant des citations dans des encyclopédies et des décisions judiciaires antérieures.

La défense, quant à elle, a fait valoir que bon nombre de ces faits devaient être démontrés en appelant à la barre un témoin expert.

Le juge Del Negro s’est rangé du côté de la Couronne : il a estimé que le lien entre l’idéologie nazie et le meurtre de millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale était si notoire et incontestable qu’il ne faisait pas « l’objet d’un débat entre des personnes raisonnables ».

Dans sa décision, il a déclaré que la défense n’avait fourni aucune preuve pour contrer les affirmations de la Couronne, se référant plutôt aux définitions du dictionnaire et remettant en question le nombre de Juifs morts dans l’Holocauste.

Eta Yudin, vice-présidente pour le Québec du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, a souligné que la décision était importante, ajoutant qu’elle était ravie que le juge ait confirmé les faits historiques de l’Holocauste.

« Le message est vraiment clair : vous ne pouvez pas expliquer la haine par de l’humour ou de l’aversion. Lorsque vous essayez d’inciter à la haine, cela sera traité et puni », a-t-elle affirmé en entrevue.

Source : ledevoir.com

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