Les attaques perpétrées vendredi 2 mars à Ougadoudgou sont-elles la conséquence du soutien français au G5 Sahel? 

Ces assauts -qui n’avaient toujours pas été revendiqués samedi après-midi- ont ciblé plusieurs institutions dont l’ambassade de France au Burkina Faso, mais aussi l’état-major général des armées, touché par l’explosion d’une voiture piégée qui visait « peut-être » une réunion du G5 Sahel, selon le ministre burkinabè de la Sécurité Clément Sawadogo.

« Le véhicule était bourrée d’explosifs, la charge était énorme » et a occasionné « d’énormes dégâts ». « Il y avait une réunion sur le G5 Sahel », « peut-être qu’elle était visée », a déclaré le ministre lors d’un point presse, qualifiant cette attaque de « kamikaze ». Cette réunion entre le chef d’état-major et des officiers a été changée de salle au dernier moment, évitant un carnage.

Selon un dernier bilan diffusé ce samedi 3 mars, les attaques ont fait 8 morts parmi les militaires burkinabés et une douzaine de blessés en état d’urgence absolue, selon les sources sécuritaires françaises. « Il s’agit d’une attaque terroriste, liée à un courant ou un autre (…) des mouvements terroristes dans le Sahel », « ou à d’autres acteurs qui sont pour une déstabilisation ou une situation de blocage de notre avancée démocratique », a déclaré ce samedi Remis Fulgance Dandjinou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement burkinabè.

Si le lien avec les mouvances terroristes du Sahel était bien confirmé, cet assaut, visant une représentation française à l’étranger, pourrait être interprété comme une réponse à la volonté d’Emmanuel Macron d’accélérer la mise en place du G5 Shael, coalition regroupant le Niger, le Tchad,le Mali, la Mauritanie et le Burkina Faso, et chargée lutter contre le terrorisme dans cette région où sévit notamment le groupe Etat islamique.

« Tout faire pour que le G5 Sahel ne s’installe pas »

Depuis 2015, le Burkina Faso est en effet la cible d’attaques jihadistes notamment dans le nord, frontalier du Mali, et d’attentats spectaculaires à Ouagadougou, le plus souvent contre des représentants de l’Etat. Un bilan officiel fait état de 133 morts en 80 attaques, dont certaines ont été revendiquées ou attribuées aux groupes jihadistes Ansarul Islam ou Aqmi.

C’est pour lutter contre ces attaques que le G5 Sahel a été créé au cours de l’année 2017 avec le soutien de la France. Une première opération « Hawbi » mobilisant quelques 700 hommes, appuyés par des soldats français, a ainsi été menée en novembre 2017 dans la zone frontalière du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Une seconde opération, dont les détails n’ont pas été communiqués, a suivi le 15 janvier.

Logiquement, cette montée en puissance du G5 Sahel inquiète les groupes terroristes. « Nous allons tout faire pour que le G5 Sahel ne s’installe pas » dans cette zone, a ainsi assuré le 15 janvier à l’AFP un porte-parole du groupe Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).

Hasard du calendrier, un rapport remis à l’ONU ce vendredi 2 mars est lui aussi venu souligner la recrudescence des actions terroristes au Mali, avec un risque de propagation dans les pays frontaliers. Selon ce rapport, la montée en puissance du G5 Sahel va de pair avec des « menaces terroristes croissantes de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (ISGS) et de Ansar al-Islam », notamment dans la région frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Mais à l’exception des deux opérations menées en novembre et en janvier, la coalition peine à se mettre en place, principalement par manque de financement selon les dirigeants africains. Le coût total du projet est en effet estimé à 480 millions d’euros, une somme que peine à réunir les pays directement concernés, qui comptent parmi les plus pauvres du monde.

Des promesses de dons en l’air?

Pour combler le budget, un appel à l’aide internationale a été lancé et il semble avoir trouvé de l’écho en France. Depuis son élection, Emmanuel Macron n’a en effet eu de cesse de réaffirmer l’engagement français sur ce sujet, engagement qu’il tente d’étendre à l’ensemble des pays de l’UE. En quelques mois, le chef d’état a multiplié les rencontres avec les dirigeants africains lors d’une visite à Bamako au mois de juillet, une réunion à Paris en décembre et enfin, fin février, une réunion à Bruxelles en présence d’Angela Merkel.

Mais ces réunions multiples portent-elles pour autant leurs fruits? Le 23 février dernier, l’Union européenne a annoncé qu’elle doublerait sa contribution financière à la force militaire, de 50 à 100 millions d’euros. L’Arabie saoudite, qui a promis une contribution de 100 millions d’euros, et les Etats-Unis (60 millions), font partie, avec l’UE des plus gros donateurs. Les cinq pays fondateurs doivent eux apporter 10 millions chacun et la France 8 millions, surtout en matériel.

« Au total, avec les contributions des autres donateurs, 414 millions d’euros ont été mobilisés vendredi. Cela va bien au delà des attentes », a annoncé la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, le 23 février. Le 1er mars, 4 millions d’euros promis par la Turquie après les attaques à Ouagadougou sont venus s’ajouter à la cagnotte, portant à 418 millions d’euros les promesses de dons.

Des « promesses » qui auraient malheureusement tendance à ne pas être suivies par des actes. Le 23 février, Federica Mogherini a ainsi regretté, tout comme les représentants des pays du Sahel, que les sommes soient débloquées tardivement, en dépit de la bonne volonté affichée. « A ce jour, seulement 50 millions d’euros, ceux engagés par l’UE en juillet, ont été débloqués », a-t-elle déploré. « Nous souhaitons que les ressources promises soient débloquées le plus rapidement possible », a renchéri le président du Niger.

A terme, la force du G5 doit compter 5000 soldats bien entraînés et équipés pour patrouiller les points chauds et rétablir l’autorité dans les zones de non-droit. Elle devrait opérer aux côtés des 4000 soldats de la force française Barkhane et des 12.000 hommes de l’opération Minusma de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Sur le papier, le G5 Sahel doit être opérationnel à partir de la mi-mai 2018. Mais rien, en l’état, ne permet d’assurer que cette échéance sera respectée.

Par Jade Toussay

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