Un an après l’arrivée au pouvoir du roi Salmane, les deux hommes forts du régime, Mohammad ben Nayef et Mohammad ben Salmane, cherchent tous deux à renforcer leurs positions respectives au sein du royaume pour assurer leur avenir. Le premier, neveu du roi, prince héritier et ministre de l’Intérieur, est le monsieur sécurité du royaume. Il est en charge de la lutte contre le terrorisme et peut se targuer d’être l’interlocuteur privilégié des Américains. Le second, fils du roi, vice-prince héritier et ministre de la Défense, s’est fait connaître au moment du lancement de l’intervention au Yémen, en mars 2015. Il est depuis en charge des opérations dans ce dossier, qui apparaît comme la priorité des Saoudiens.

Mohammad ben Salmane a réussi à s’accaparer, en à peine un an, un pouvoir conséquent au sein du royaume, mais force est de constater que son avenir est loin d’être assuré. Si son père, âgé de 80 ans, venait à mourir, c’est son cousin, âgé de 54 ans, qui serait amené à monter sur le trône. Le jeune prince, à l’ambition assumée, risquerait alors de rester sur la touche pendant une très longue période. Il n’aurait, par ailleurs, aucune garantie de devenir le prince héritier. Le 29 avril dernier, le roi Salmane avait écarté le prince héritier Moqren et propulsé son fils au deuxième rang dans l’ordre de succession. Il avait, de la sorte, créé un précédent qui pourrait se retourner un jour contre son fils.

Il n’en fallait pas plus pour que les rumeurs d’une abdication de Salmane en faveur de son fils commencent à se propager. C’est le Sunday Times qui rapportait, il y a quelques jours, ces informations, citant des sources diplomatiques américaines. « Les choses sont tendues et il y a quelque chose qui se prépare », aurait confié au média britannique un diplomate américain, ajoutant qu’on leur avait dit de « s’attendre à des changements durant l’été ».

L’éloge de Poutine
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un diplomate arabe de haut rang qui a préféré garder l’anonymat estime que « tout est désormais possible ». « Le jeu de pouvoir au sein de la famille royale saoudienne n’obéit à aucune loi, même si Abdallah avait établi des règles. Et ce n’est un secret pour personne que Salmane est malade et que ses capacités mentales sont diminuées. Cette situation donne à son fils un accès privilégié au pouvoir, il est en mesure de lui faire signer tout ce qu’il veut. Le fils a un pouvoir démesuré, surtout qu’il est vice-prince héritier. Un pouvoir plus important que celui de ben Nayef », confie le diplomate.

Traditionnellement prudente en matière de politique étrangère, l’Arabie saoudite est passée à l’offensive depuis l’accession au pouvoir du roi Salmane. La guerre au Yémen, la lutte contre les jihadistes sunnites, la montée des tensions avec Téhéran et la chute des prix du pétrole sont autant de dossiers chauds qui ont bouleversé la relative tranquillité du royaume.

Le successeur de Salmane, qui que ce soit, devra probablement gérer ces dossiers complexes qui mettent en péril à la fois l’équilibre interne et la position régionale du royaume wahhabite. Dans un tel contexte, une arrivée au pouvoir de Mohammad ben Salmane, âgé de 30 ans et ne pouvant se prévaloir que d’une très maigre expérience, aurait de quoi inquiéter nombre de pays alliés de l’Arabie saoudite, au premier rang desquels figurent les États-Unis.

« Ben Salmane manque d’expérience, il est imprévisible, impulsif. Il n’a pas les qualités d’un homme d’État et n’a rien prouvé jusqu’alors. Il a d’ailleurs fait devant certains journalistes l’éloge de Poutine à un moment où les Russes et les Saoudiens s’affrontent ouvertement en Syrie. Ben Nayef est plus responsable, plus posé, il a de meilleures relations avec les Américains. Il est devenu le spécialiste du contre-terrorisme. On dit même qu’il est réduit à cette fonction », observe le diplomate.

Selon ce dernier, Mohammad ben Nayef est plus en conformité avec la tradition du royaume, mais une abdication de Salmane « changerait les règles du jeu ». Il juge toutefois cette abdication peu vraisemblable, compte tenu des circonstances. « Des gens à l’intérieur et à l’extérieur du royaume essayeront de raisonner le roi. Aucun roi d’Arabie saoudite n’a abdiqué depuis Abdel Aziz. Le roi Fahd était malade pendant de longues années et il est resté. Une abdication affaiblirait la famille royale et celle-ci n’aime pas montrer des signes de faiblesse. Ils veulent montrer qu’ils sont forts et soudés », juge le diplomate. Le risque principal étant que la rivalité entre les « Mohammadeine » (les deux Mohammad), comme les surnomment les Saoudiens, fragilise véritablement le pouvoir de la famille royale.
Anthony SAMRANI

Orient le jour

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