Quand vous étiez enfant, vous aviez l’impression que les personnes majeures de votre entourage maîtrisaient pleinement leur existence, comme si elles avaient lu tout le mode d’emploi. Mais vous voilà officiellement adulte, et malgré les années d’expérience, vous avez toujours l’impression d’être un ou une ado en totale roue libre, tentant de cacher à chaque instant votre manque de contrôle et votre sentiment d’imposture.

Pas de panique, ce sentiment est universel. Dans New Scientist, l’autrice et psychothérapeute Moya Sarner, la trentaine bien avancée, dresse le même constat, avant de se poser la question: à quel âge devient-on adulte, en fait? Une vaste interrogation à laquelle elle a consacré tout un livre, When I Grow Up [que l’on pourrait traduire par «Quand je grandis»].

D’abord, quelques constatations. Au Royaume-Uni, en soixante ans, l’âge de la première accession à la propriété a augmenté de sept années. Dans le même temps, aux États-Unis, l’âge moyen du premier mariage a grimpé de huit années. Et du côté de l’Australie, le pourcentage de femmes ayant leur premier enfant après 30 ans a fait plus que doubler entre 1991 et 2019.

C’est comme si, pour des raisons d’évolution des mœurs, de bouleversements sociétaux et de soubresauts économiques, nous accédions de manière plus tardive à ce qui semble constituer la panoplie de l’adulte lambda: une baraque, des mouflets et la bague au doigt. De ce point de vue, nous devenons adultes bien plus tardivement; mais cela ne résulterait-il pas également de notre envie de prolonger les années d’insouciance ou d’adolescence (ces deux mots n’étant pas toujours synonymes)?

Officiellement, dans une majorité de pays, est considérée comme adulte toute personne âgée de plus de 18 ans. Mais les spécialistes remettent cet âge en question, comme l’experte en neurosciences Sarah-Jayne Blakemore, de l’Université de Cambridge. Études à l’appui, celle-ci affirme que «l’idée selon laquelle le cerveau est arrivé à maturation [à 18 ans] n’est pas vraie. […] Le cerveau n’est pas un morceau de tissu uniforme: il est constitué de différentes régions, chacune se développant à une vitesse différente. […] Les cerveaux de personnes différentes mûrissent à des âges différents.»

Fixer l’âge adulte de façon péremptoire semble donc impossible et inefficace: chez beaucoup d’entre nous, le cortex préfrontal, relié à nos prises de décisions, à notre compréhension des autres et à notre rapport aux risques, continue de se développer au cours de la vingtaine. Notre architecture neuronale, elle, peut se déployer jusqu’au début de la trentaine, et est donc loin d’atteindre son niveau optimal à 18 ans.

Vers la fin de la vingtaine

De son côté, le psychologue et comportementaliste Jeffrey Arnett, basé dans le Massachusetts, mène depuis trois décennies de vastes études en interrogeant de nombreuses personnes représentatives de la population américaine sur leur façon de concevoir et de ressentir l’âge adulte. Ses conclusions sont les suivantes: la plupart des individus majeurs commencent à se sentir adultes entre 18 et 29 ans, la balance penchant fortement vers la fin de cette période.

Un travail similaire mené en Chine avec sa collègue Juan Zhong, et portant uniquement sur des travailleuses chinoises âgées de moins de 30 ans, a permis à Jeffrey Arnett d’établir que si la définition de ce qu’est l’âge adulte n’est pas la même partout, c’est bien vers la fin de la vingtaine (et certainement pas avant) que les populations étudiées commencent à se sentir réellement adultes.

Aux États-Unis, les personnes interrogées estiment que l’âge adulte est représenté par ces trois caractéristiques: l’aptitude à s’occuper de soi, la capacité à prendre ses propres décisions, et l’indépendance financière. Du côté de la Chine, les trois piliers sont le fait de savoir prendre soin de ses parents, être en mesure de pouvoir mener une carrière professionnelle à long terme, et s’occuper convenablement de ses enfants. Ces différences culturelles confirment que l’âge adulte n’est vraiment pas définissable à l’aide d’un simple nombre.

On peut aussi voir le verre à moitié vide et considérer que l’âge adulte est atteint lorsque notre cerveau commence à décliner. Cela survient avant l’âge de 40 ans, si l’on en croit Jon Simons, spécialiste des neurosciences à l’Université de Cambridge. De ce point de vue aussi, nous deviendrions de véritables adultes autour de la trentaine, et certainement pas à 18 ans. Et si nos parents semblaient gérer aussi bien lorsqu’ils avaient 25 ou 30 ans, c’est sans doute parce qu’ils faisaient très bien semblant –ou que notre regard d’enfant n’était pas assez affûté pour les démasquer.

Source : slate-fr.cdn.ampproject.org

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CeQueJePense

On commence à être adulte lorsqu’on commence à distinguer le bien du mal et c’est là qu’on devient responsable de ses actes

Jean-Jacques Amerein

Pas évident ! Car selon notre éducation civique ou religieuse on sera susceptible de faire la distinction entre le « bien » et le « mal », pour les uns, à partir de sept à huit ans et pour d’autres à partir de 12 ou 15 ans ; et, à ce que je sache, ces âges n’ont jamais été considéré comme l’âge adulte.
Compliqué d’avoir un avis universel sur cette question !
Je pencherai plutôt pour l’âge où l’individu peut s’assumer en toute autonomie, soit, actuellement, au-delà de 24 ans.
Et je demeure interrogatif sur l’avenir, sans certitude.