Roch Hachana (hébreu : ראש השנה לשנים לשמיטים וליובלות, ולנטיעה ולירקות, rosh hashana lashanim lashmittim velayovelot velanetiya oulayerakot, « commencement de l’année pour les années civiles, les années sabbatiques, les années jubilaires, la plantation et les légumes ») est une fête juive célébrant la nouvelle année civile tandis que l’humanité est jugée sur ses actes de l’année écoulée.

Fêtée les deux premiers jours du mois de tishrei, en terre d’Israël comme en diaspora, elle inaugure une période de dix jours de pénitence qui se conclut à Yom Kippour. Ces jours ont lieu, selon les années, en septembre ou en octobre dans le calendrier grégorien.

Le rite principal de cette fête solennelle est la sonnerie du chofar, corne de bélier dans laquelle on souffle sur différents rythmes pour inviter l’assemblée au repentir et à l’introspection. Une coutume plus tardive s’est développée dans de nombreuses communautés de consommer des mets symboliques dans un but propitiatoire.

Roch Hachana dans les sources juives

Dans la Bible hébraïque

La Bible fait commencer l’année au mois de l’aviv, c’est-à-dire en nissan (1). Roch Hachana n’est donc pas évoquée en tant que telle dans le Pentateuque et il n’est pas établi que la seule occurrence biblique de Roch Hachana, utilisée par Ézéchiel pour situer le moment de l’une de ses prophéties (2), fasse référence au 1er tishrei (3).

La date à laquelle a lieu Roch Hachana, le « premier jour du septième mois », apparaît cependant à plusieurs reprises dans le récit biblique et présente à chaque fois une importance particulière.

Lors de la traversée du désert, elle est donnée aux enfants d’Israël comme une convocation sainte, « jour de chômage en souvenir de la sonnerie » (shabbaton zikhron teroua), au cours de laquelle il est prescrit aux enfants d’Israël de s’abstenir de toute « œuvre servile » et de faire une offrande par le feu à Hachem (4). Ces prescriptions sont réitérées lors de l’ordonnancement des jours saints : au « jour de la sonnerie » (yom teroua), sont à offrir un holocauste avec ses oblations et un bouc en offrande expiatoire en sus des holocaustes de la néoménie et de l’offrande perpétuelle (5).


Selon la version grecque d’Ézéchiel 45:20, lorsque le Temple de Jérusalem sera reconstruit, le prêtre effectuera « au septième mois, au premier jour du mois, » (le texte massorétique porte à cet endroit « ainsi feras-tu le sept du premier »>Article original mois ») un sacrifice expiatoire « pour la maison » (6).


C’est aussi la date choisie par Ezra le scribe après le retour à Sion pour faire la lecture publique de la Loi. Les auditeurs pleurent en l’entendant mais Néhémie les rassure et les enjoint à manger des plats riches, boire des douceurs et envoyer des portions à ceux qui n’ont rien d’apprêté car « car ce jour est consacré à notre Seigneur » et que « la joie en Hachem est votre force » (7).

Aucun de ces passages ne comporte cependant l’idée d’un début de l’année.

Dans la littérature des Sages

L’essentiel de la fête de Roch Hachana est élaboré par les Sages de la Mishna et du Talmud, dont les enseignements ont été consignés dans le traité du même nom, huitième de l’ordre Moëd (lois relatives au chabbat et aux fêtes juives).

C’est dans la Mishna de ce traité, finalisée vers 200 EC, que le 1er tishrei est explicitement désigné, pour la première fois, comme Roch Hachana (« commencement de l’année ») des années-calendrier et que le 1er nissan n’indique plus que le début des années royales et ecclésiastiques (8). Par ailleurs, le 1er tishrei est dépeint comme un jour hautement solennel, au cours duquel Dieu est intronisé, et juge l’humanité (9) : en ce jour, les individus passent en troupeau devant Dieu qui établit l’inventaire de leurs actes au cours de l’année écoulée (10) ; devant lui, « trois livres sont ouverts … un pour les justes accomplis, un pour les méchants irrécupérables et un pour les moyens. Les justes sont aussitôt inscrits et consignés pour la vie, les méchants irrécupérables pour la mort et les moyens sont en suspens de Roch Hachana au Yom HaKippourim. S’ils ont mérité, ils sont inscrits et consignés pour la vie, s’ils n’ont pas mérité, ils sont inscrits et consignés pour la mort (11) ». De plus, les pertes et bénéfices ainsi que, selon certains, le climat, sont fixés en ce jour pour l’année à venir (12).

Au vu de cette solennité, la récitation du Hallel est interdite (13). Cependant, il est aussi enseigné qu’en ce jour, on doit se parer de blanc, s’envelopper de blanc, se raser la barbe et manger abondamment « car on sait que le Saint, béni soit-Il … fait des miracles (14) ».

Divers auteurs voient dans le caractère rabbinique de la fête une innovation de rabbins influencés par divers festivals babyloniens et, en particulier l’Akitou, nouvel an (15, 16, 17) et qu’elle serait contemporaine de la clôture de la Mishna. En effet, Flavius Josèphe, qui rédige ses œuvres environ 65 ans avant la clôture de la Mishna, écrit encore que « le mois de Xanthicos, qui s’appelle chez nous nissan … commence l’année (18) » et le Talmud rapporte la controverse opposant Rabbi Eliezer à Rabbi Yehoshoua sur la date à laquelle a été créé l’homme et donc le monde (19) ; ce n’est que dans les générations ultérieures que l’opinion de Rabbi Eliezer, qui situe ces faits en tishrei, s’est imposée et a acquis force de loi (20).

Cependant, l’analyse textuelle de la Bible, qui situe la « fête de la récolte » « au déclin de l’année » ou « au renouvellement de l’année » suggère que les rabbins se fondaient sur une tradition ancienne (21). D’autre part, la version de la Septante indique que nissan et tishrei se trouvaient déjà sur un même pied au second siècle avant l’ère commune (6) et Josèphe écrit que Moïse aurait désigné nissan comme premier mois pour le calendrier des fêtes tout en conservant l’ordre originel des mois pour les transactions et le commerce (22). Par ailleurs, les « mois de la récolte », équivalant vraisemblablement à tishrei et heshvan, sont les premiers du calendrier de Gezer, daté du xe siècle avant l’ère commune (23).

Là aussi, plusieurs auteurs soulignent que ces notions qui semblent nouvellement apparues sous la plume des rabbins se trouvent déjà en filigrane dans la Bible, notamment le Lévitique et les Psaumes (24). Des contre-pendants se rencontreraient aussi dans les populations contemporaines ou parmi les courants non-rabbiniques, avec l’intronisation du dieu babylonien Mardouk (24) ou la description par Philon d’Alexandrie du « jour de la sonnerie » comme un jour mémorial du don de la Loi et de la providence divine (25).

Innovations rabbiniques

Les deux mesures les plus importantes prises par les rabbins à l’époque de la Mishna sont l’institution d’un second jour de fête et la composition de la Teqiata.

La première ordonnance concerne, contrairement au second jour des exilés, tant les communautés en terre d’Israël qu’en diaspora. Ces deux jours sont considérés comme un seul long jour et ce qui est interdit le premier est interdit le second, à l’exception des besoins du mort auxquels les Juifs peuvent pourvoir le deuxième jour mais non le premier (26).

Le rituel de la teqiata est, quant à lui, institué afin de répondre à toutes les interprétations rabbiniques du commandement biblique de faire résonner le chofar. Intercalé à deux reprises entre les offices du matin et supplémentaire des deux jours, il comprend cent sonneries sur diverses combinaisons de trois rythmes différents, encadrées de trois séries de versets bibliques, les malkhouyot, zikhronot et chofrot, respectivement centrées sur la royauté divine, la remémoration de l’alliance et les sonneries du chofar de la Rédemption (27).

Ces trois thèmes, en particulier celui de la royauté, se retrouvent dans la prière des sept bénédictions et dans celle des neuf bénédictions, variantes de la ’amida propres à Roch Hachana. Celle-ci se fait plus suppliante qu’à l’ordinaire car les deux jours de Roch Hachana font partie des dix jours où Dieu se laisse plus facilement trouver (28).

À l’époque du Talmud, les Sages babyloniens développent un système de règles sur base de leurs observations astronomiques, prévoyant de repousser dans certains cas Roch Hachana au lendemain, afin d’éviter par exemple que chabbat et Yom Kippour n’aient lieu lors de jours consécutifs (29). Ils ajoutent aussi à la prescription de Néhémie (7) la coutume de consommer divers aliments symbolisant la fertilité (30). Cette coutume sera à l’origine de nombreux plats traditionnels de la fête.

Dans la littérature médiévale

Nombre de ces coutumes reçoivent leur forme définitive dans la période post-talmudique immédiate, à l’ère des gueonim (il semble que ce soit aussi à cette époque voire à celle des Tossafistes que Roch Hachana fut universellement célébrée pendant deux jours (31)). Natronaï Gaon indique par exemple dans l’un de ses responsa que « l’on a enseigné de manger des pommes et boire du miel, afin que l’année à venir sur nous soit douce ». C’est probablement de cette veine symbolique que proviennent la salutation traditionnelle de Roch Hachana, lèshana tova tikatevou (« soyez écrits dans le livre de vie »>Article original pour une bonne année ») et ses variantes. Diverses régulations s’ajouteront à celles-ci au cours du Moyen Âge.

À la même époque, les poètes composent activement diverses pièces liturgiques afin d’amplifier et prolonger l’expérience pénitentielle des fidèles. Les poèmes d’Eleazar Hakalir deviennent particulièrement populaires parmi les Juifs de France du Nord et d’Allemagne ainsi que l’Ounetanè Toqef d’Amnon de Mayence. Les auteurs séfarades composent d’autres poèmes, surtout au xiiie siècle, parmi lesquels Ahot ktana d’Abraham Hazzan Gerondi et ’Et sha’arei ratzon lehipatèa’h de Juda ben Samuel ibn Abbas.

Une coutume naît dans les pays rhénans, avant de se généraliser aux communautés séfarades par le biais d’Isaac Louria, de se rendre près d’un point d’eau le premier après-midi de Roch Hachana (le second si le premier jour est un chabbat) pour y « jeter » ses fautes lors de la cérémonie du tashlikh, sur base de Michée 7:18-20 (« Qui est comme toi, Dieu, qui pardonnes … les offenses commises par les débris de ton héritage ? … Tu enverras tous nos péchés dans les profondeurs de la mer, tu témoigneras … la fidélité … la bienveillance que tu as jurées à nos pères dès les premiers âges. »).

Parallèlement à ces coutumes d’origine obscure, un effort est entrepris par différents rabbins pour tenter de motiver les prescriptions données à Israël sans explication. On attribue à Saadia Gaon une explication en dix points de la pratique du chofar (32) et Moïse Maïmonide donnera aussi son opinion à ce propos (33). Moïse Nahmanide investigue quant à lui les aspects conceptuels et philosophiques du jugement à Roch Hachana dans son Torat Haadam sur les lois du deuil et en particulier dans son dernier chapitre, le Sha’ar haGuemoul (« chapitre sur la rétribution »).

C’est enfin au Moyen Âge que les différentes lois et coutumes de Roch Hachana, y compris les lois de décalage de Roch Hachana dans le calendrier, sont codifiées dans le Mishné Torah de Maïmonide puis dans l’Arbaa Tourim de Jacob ben Asher et le Choulhan Aroukh de Joseph Caro.

Observance de Roch Hachana dans le judaïsme rabbinique

Préparatifs à la fête

Roch Hachana est précédée par une période pénitentielle initiée dès le mois d’eloul. Les séfarades y lisent des selihot, poèmes implorant le pardon divin (les ashkénazes ne le font que la semaine précédant Roch Hachana) tandis que les ashkénazes sonnent du chofar après l’office du matin et commencent la lecture du psaume 27 (qu’ils lisent jusqu’à Hochana Rabba, le dernier jour de Souccot) (34).

Il est également de coutume de se rendre sur les sépultures des Justes et d’y prier Dieu de prendre en compte le mérite de ces morts lors du jugement des vivants (35).

Veille de la fête

La journée précédant Roch Hachana est tout entière consacrée à l’étude de la Torah et au repentir, en particulier pour les fautes commises envers autrui. La coutume est de jeûner tout ou partie de la journée (le Rem »a, décisionnaire ashkénaze, estime qu’il ne faut pas compléter le jeûne tandis que le Pri Hadash, commentateur séfarade, prescrit d’attendre jusqu’à la sortie des étoiles) (36). Il est également coutume de tenir une cérémonie de hatarat nedarim (37), les séfarades le font aussi la veille de Yom Kippour (38).

Rite et liturgie

Les deux jours de Roch Hachana sont considérés par la tradition rabbinique comme un long jour (judéo-araméen : yoma arikhta) (39). Les juifs orthodoxes et conservative observent deux jours (40). Les juifs réformés ou reconstructionnistes observent un jour ou deux selon le choix de chacun.

Le premier jour de Roch Hachana ne peut avoir lieu un dimanche, un mercredi ou un vendredi. Il tombe entre le 5 septembre (le 6 septembre après l’an 2089 du calendrier grégorien, du fait des différences entre celui-ci et le calendrier hébraïque) et le 5 octobre (41).

Roch Hachana comprend, comme tous les yamim tovim,

– une version particulière de la ’amida (la prière principale des offices du matin, de l’après-midi et du soir),

– une lecture de la Torah spéciale

– un office de prière supplémentaire (moussaf)

Elle est marquée par de nombreuses particularités liturgiques et modifie également les ordonnances liturgiques des psaumes lorsqu’elle a lieu à chabbat (diverses coutumes existent à ce sujet) (42). En outre, bien qu’elle célèbre une néoménie, on n’y lit pas le Hallel, eu égard à la solennité de la fête.

Les prières de Roch Hachana

Les ashkénazes ont pour habitude, afin d’exprimer au mieux de leurs moyens la majesté divine, de changer la phrase lèèla min kol birkhata … (« au-delà de toute bénédiction etc. ») en lèèla lèèla mikol birkhata … (« au-delà, au delà de toute bénédiction etc. ») dans l’ensemble des Kaddishim (43). En signe d’humilité, beaucoup récitent la ’amida courbés ou en pleurant, la voix éteinte (44). Cependant, on ne se bat pas la coulpe, comme c’est le cas les jours suivants et à Yom Kippour, même lors de l’Avinou Malkenou où l’on reconnaît ses péchés (45)

C’est également dans le but de mettre en exergue la majesté divine que divers passages de la ’amida sont remplacés de Roch Hachana à Yom Kippour.

Quiconque, y compris l’officiant, dirait, en concluant la troisième bénédiction, HaÈl hakadosh (« le Dieu saint ») au lieu de Hamelekh hakadosh (« le Roi saint ») doit reprendre la ’amida depuis le début (chez les séfarades, l’officiant ne reprend que la troisième bénédiction). La ’amida comprend par ailleurs de nombreux ajouts implorant Dieu de « nous inscrire dans le livre de vie » ; ces passages ne sont pas critiques et on ne se reprend pas en cas d’oubli ou d’erreur (46).

C’est enfin pour cette raison que l’assemblée se prosterne totalement, après avoir pris soin de recouvrir le sol d’un tapis, lors de la répétition du moussaf lorsqu’on lit « et nous ne nous inclinons et prosternons que devant Dieu » (47).

Lecture de la Torah

Il est d’usage, avant de sortir les rouleaux de Torah de l’arche, de lire les treize attributs de Dieu ou d’autres versets et prières (48).

On lit lors du premier jour de Roch Hachana Genèse 21 (la naissance miraculeuse d’Isaac, fils d’une femme infertile ; Hagar et Ishmaël sauvés par l’ange de Dieu) dans la Torah et I Samuel 1:1–2:10 (la naissance miraculeuse de Samuel, fils d’une femme infertile) comme haftara. Le maftir est lu dans Nombres 29:1-6 (ordonnance des offrandes particulières à Yom Teroua) lors des deux jours.

Les lectures du second jour sont Genèse 22 (Isaac sauvé par l’ange de Dieu) et Jérémie 31:2–20 (promesse divine de rédemption divine ; Rachel pleure ses enfants).

Sonnerie du chofar

Une autre particularité liturgique de Roch Hachana est l’intercalation de sonneries du chofar, après la lecture de la Torah et lors de l’office de moussaf. Ces sonneries sont encadrées par la teqiata, également insérée dans la ’amida de l’office du matin.

L’ordre des sonneries établi par les rabbins est teki’a shevarim-terou’a teki’a (3 fois) – teki’a shevarim teki’a (3 fois) – teki’a terou’a teki’a (3 fois) suivi par une teki’a gdola.
La teki’a (hébreu תקיעה, « sonnerie ») est une sonnerie longue et ininterrompue, les shevarim (hébreu שברים, « brisés ») sont une série de trois sons entrecoupés et la terou’a (hébreu תרועה, « clameur ») une série de neuf sonneries courtes et rapides. Le silence doit régner dès que le sonneur récite les bénédictions précédant les sonneries, lors des premières sonneries, jusqu’à la fin de l’office de moussaf. Guidé par un dicteur (dans les communautés ashkénazes), il ne peut reprendre son souffle entre les sonneries Lesquels ? »>Article original (49).

Tashlikh

Après l’office de l’après-midi, les Juifs se rendent lors du premier jour de Roch Hachana, sauf lorsque celui-ci à lieu à chabbat (les séfarades le font tout de même si le lieu est pourvu d’un erouv), vers un point d’eau idéalement hors de la ville et contenant des poissons. Ils y récitent divers versets, psaumes et prières avant de secouer les bords de leurs vêtements, préfigurant la remise en question de leurs actes qu’ils effectueront les jours suivants (50).

Les soirées de Roch Hachana

Il est de coutume, depuis le Moyen Âge, d’inclure dans sa correspondance les vœux que le destinataire soit « inscrit et scellé pour une bonne année ». Ces souhaits sont réitérés en sortant des synagogues lors des deux soirs de la fête (on ne le fait pas en journée car le jugement est en cours).

Les Juifs devant manifester leur confiance en la mansuétude divine par la joie, les repas de fêtes sont dignes de l’occasion. La table comporte des aliments symbolisant l’année que l’on espère heureuse et les aliments aigres ou âpres sont évités. Cette coutume, déjà mentionnée dans le Talmud, a connu diverses variantes et été fortement développée par les kabbalistes de Safed en un séder de Roch Hachana.

Cependant, afin de ne pas oublier la solennité de la fête, il est de coutume d’éviter les conversations frivoles lors de ces repas et de ne parler que de Torah ; certains étudient aussi les mishnayot du traité Roch Hachana. Les rapports conjugaux sont interdits (sauf si l’épouse revient du bain rituel). Certains ont également coutume de ne pas dormir ou au moins de se réveiller avant l’aube (51).

Observance de Roch Hachana dans les traditions non-rabbiniques

Dans le karaïsme

Pour les adeptes du karaïsme, un courant du judaïsme qui ne suit que la Bible hébraïque et en rejette l’interprétation rabbinique, la fête du premier jour du septième mois n’a d’autre nom que Yom Teroua, il n’est de nouvel an que le premier jour du mois de l’aviv et d’observance pour Yom Teroua que la teroua, interprétée non comme la sonnerie du chofar mais comme une clameur humaine.

Yom Teroua serait donc uniquement un jour de prière publique, où l’assemblée aurait clamé à l’unisson le nom de Dieu (16).

Par ailleurs, certains Karaïtes déterminant la lunaison par observation directe de la conjonction lunaire et non par calcul, ils célèbrent Yom Teroua à une autre date que Roch Hachana (52, 53).

Dans le samaritanisme

Les Samaritains, adeptes d’un mosaïsme non-juif qui ne reconnaît que les six premiers Livres de la Bible comme canoniques, partagent avec les Karaïtes le rejet des ordonnances rabbiniques mais leurs pratiques présentent certaines ressemblances avec le judaïsme traditionnel.

Le premier jour du septième mois est célébré par un jour de prières et de repas festifs. Bien que les versets commandent de faire sonner du chofar, les Samaritains ne peuvent réaliser cette prescription en l’absence de Tabernacle.

Ce jour n’est pas considéré comme le début de la nouvelle année mais il marque l’entrée des Israélites dans le pays de Canaan.

À l’instar des Juifs, les Samaritains considèrent ce jour, appelé sabbat assarat youmi asseliyyot (hébreu samaritain : « jour chômé des dix jours de pardon »), comme le premier de dix jours de prières et d’introspection avant Yom Kippour (54).

Dans la tradition des Beta Israël

Les Beta Israël d’Ethiopie sont les dépositaires d’un judaïsme pré-rabbinique principalement basé sur la Bible, en voie de disparition depuis leur émigration massive en Israël et leur adoption du judaïsme orthodoxe.

Le premier jour du septième mois était traditionnellement appelé berhan saraqa (ge’ez : « la lumière montante ») ou tazkara Abraham (« la commémoration d’Abraham »), puis, sous l’influence de Joseph Halévy et d’autres visiteurs juifs, re’essa awda amat (équivalent ge’ez de Roch Hachana). Leur liturgie du jour est chantée par des kessim qui se divisent en deux chœurs (55). Bien que leur tradition commande de sonner du chofar, les Beta Israël disent avoir oublié comment produire le son et fabriquer le chofar, de sorte que la coutume n’est pas observée (56).

Du kibboutz de Roch Hachana à Roch Hachana au kibboutz

Roch Hachana acquiert une importance supplémentaire dans le mouvement hassidique de Bratslav car Rabbi Nahman, son dirigeant spirituel, l’institue comme réunion pour l’ensemble du mouvement (57). Cette réunion (kibboutz) de Roch Hachana se transforme, après la mort du rebbe en véritable pèlerinage sur son lieu de sépulture à Ouman qui s’étend progressivement à d’autres publics et réunit de nos jours près de 20 000 pèlerins (58).

C’est à la même époque que la coutume déjà ancienne des bons vœux de Roch Hachana se développe sous l’impulsion de la carte postale, inventée à Vienne en 1869. Les cartes de vœux de Roch Hachana se développent sur tous les thèmes : certaines montrent des scènes de la vie traditionnelle juive, d’autres font l’apologie de l’Amérique, où la fête est l’occasion d’une forte période d’affluence dans les synagogues jusqu’à nos jours (59, 60) d’autres encore celle du kibboutz (61).

Dans ce dernier mouvement, idéologiquement orienté à gauche, le nouvel an juif est inclus sur le tard dans le calendrier des fêtes. Il est célébré sur le modèle de Pessa’h, avec un repas de fête collectif copieux, des chants, des textes etc. où seuls la pomme et le miel rappellent quelque peu la tradition ; l’aspect solennel de la fête est fortement atténué au profit de son côté joyeux (62).

Cet esprit caractérise les célébrations qui se tiennent jusqu’à ce jour en Israël aux côtés des cérémonies plus traditionnelles (63).

Quant aux cartes de vœux, elles ont connu un déclin prononcé avec le développement de l’informatique et des communications mais la tradition se perpétue avec les cartes virtuelles (64).

Échos de Roch Hachana dans le christianisme

Rien n’indique dans les Évangiles une quelconque observance de Roch Hachana par Jésus de Nazareth ou ses cercles proches bien que « la dernière trompette » évoquée par Paul dans 1 Corinthiens 15:52 puisse faire référence à l’ultime teroua du chofar. Se basant sur ces prémisses, ainsi que sur les sons de trompette qui annonceront selon Isaïe 27:13 et, selon 1 Thessaloniens 4:16, la Parousie, divers mouvements évangéliques judéo-chrétiens observent une fête des Trompettes modelée sur les textes bibliques (65, 66) depuis les années 1980 environ (67).

Échos de Roch Hachana dans l’islam

Le mois de Mouharram semble avoir été considéré par Mahomet comme l’équivalent de tishrei, l’Achoura imitant originellement Yom Kippour (68). Certains musulmans fêtent le premier jour de Mouharram à titre de Ras as-Sana, première jour de l’année islamique, bien que d’autres considèrent cela comme une bid`ah (69).

Notes

1. Exode 12:2.

2. Ézéchiel 40:1.

3. Voir cependant T.B. Arakhin 12a.

4. Lévitique 23:24-25.

5. Nombres 29:1-6.

6. Version grecque d’Ézéchiel 45 et sa traduction en anglais  archive »>Article original, cf. Jewish Encyclopedia 1906

7. Néhémie 8:1-10.

8. Mishna Roch Hachana 1:1

9. Mishna Roch Hachana 1:2 & T.B. Roch Hachana 16a ; voir aussi T.B. Berakhot 12b.

10. Roch Hachana 8a.

11. T.B. Roch Hachana 16a & b ; T.J. Roch Hachana 1:3 (7a) ; cf Daniel 7:9-22 & Psaumes 69:28

12. T.B. Baba Batra 10a, 147a & Beitza 16a.

T.B. Arakhin 10b

14. T.J. Roch Hachana 1:3 (7b)

15. Jewish Encyclopedia 1906

16. a et b N. Gordon, « Yom Teruah – How the Day of Shouting Became Rosh Hashanah  archive »>Article original » sur Karaite Korner. Consulté le 16/9/2010

17. U. Silber, « Finding the Scapegoat  archive »>Article original » sur Forward.com. Consulté le 6 septembre 2011

18. F. Josèphe, Antiquités judaïques, livre III, chap. 10, §5

19. T.B. Roch Hachana 10b-11a.

20. Lévitique Rabba 29:1 ; cf. T.B. Roch Hachana 8a & 27a.

21. Exode 23:16 & 34:22, cf. Weill 1948, CLXLVII:1-6

22. F. Josèphe, Antiquités judaïques, livre 1, chap. 3, § 3

23. Cf. Encyclopedia Judaica 2008

24. a et b cf. S. Mowinckel, The Psalms in Israel’s Worship, Wm. B. Eerdmans Publishing, 2004, pp. 106-192 ; L. Jacobs, Rosh Hashana in E.J.

25. Philon d’Alexandrie, De Septennario, § 22

26. T.B. Beitza 3b, 4b-5a & 6a.

27. Mishna Roch Hachana 4:5-9, Tossefta Roch Hachana 1:11 & T.B. Roch Hachana 33b.

28. T.B. Roch Hachana 18a

29. T.B. Roch Hachana 20b

30. T.B. Keritot 6a.

31. Rosh Hashana – aholiday in transition  archive »>Article original sur Ynet

32. Cf. Abudraham ha-Shalem, éd. S. Krauser (1959), pp. 269–70

33. Maïmonide, Mishné Torah, Hilkhot Teshouva 3:4

34. R’ Shlomo Ganzfried, Kitsour Choulhan Aroukh 128:1-10

35. ibid. 128:13

36. K.C.A. 128:14 & Yossef Daat ad loc.

37. Yalkout Yosef Moadim, Hilkhot erev rosh hashana 7, pages 22

38. ibid. 128:15 & Y.D. ad loc.

39. K.C.A. 99:2 & 129:23 ; voir aussi Zohar, Pin’has, p. 231a.

40. Choulhan Aroukh Orah Hayim 601:2

41. R’ Dr R. Apple, « An early Rosh HaShanah ? Ask the Rabbi  archive »>Article original ». Consulté le 4 octobre 2010

42. K.C.A. 129:7

43. K.C.A. 129:1

44. ibid. 129:2

45. ibid. 129:11

46. ibid. 129:3-6 & Yossef Da’at ad loc.

47. ibid. 129-16

48. K.C.A. 129:12

49. K.C.A. 129:13-19

50. K.C.A. 129:21

51. K.C.A. 129:8-10 & 20

idem, Holidays and New Moons  archive »>Article original, consulté le 18/10/2009

53. Moetzet Hakhamim Official Holidays Dates 2009-2010  archive »>Article original, consulté le 18/10/2009

54. Educational guide  archive »>Article original sur The-Samaritans.com

55. Kay Kaufman Shelemay, A Song of Longing  : an Ethiopian journey, University of Illinois Press, 1994, p. 38-39

56. M. Valdman et N. Halsted, The Jews of Ethiopia  : the Beta Israel community, Ami-Shav, Center for Aid to Ethiopian Immigrants, 1985, p. 38

57. A. Greenbaum, Tzadik, Breslov Reseach Institute, Jérusalem 1987, pp. 403-406

58. Zaka présente à Ouman  archive »>Article original sur Israel7.com, 31 août 2010

59. Sue Fishkoff, « Praying without Paying’ is becoming a more popular option among shuls  archive »>Article original » sur JTA, 20 août 2007

60. Gabrielle Dunn, « Jewish high holidays come at a high cost  archive »>Article original » sur The Boston Globe, 21 septembre 2008

61. Shalom Sabar in Encyclopedia Judaica, « New Year’s Cards  archive »>Article original » sur la Jewish Virtual Library

62. Fêtes au kibboutz, in Sylvie-Anne Goldberg (éd.), Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf/Robert Laffont, 1996, p. p. 370

63. Rosh Hashanah  archive »>Article original sur GoIsrael.com. Consulté le 13/10/2010

64. Cf. Rob Eshman, « Time to out Howard Stern  archive »>Article original » sur JewishJournal.com, 16 septembre 2010

65. Chuck Missler, « The Feast of Trumpets  archive »>Article original »

66. Trumpets  archive »>Article original sur Christ centered mall

67. Cf. Feast of Tabernacles 2010  archive »>Article original sur International Christian Embassy Jerusalem. Consulté le 3/10/2010

68. E. Segal, « The Islamic « Yom Kippur »  archive »>Article original ». Consulté le 20 octobre 2010

69. Religious innovation (bidah) and sin during the blessed month of Muharram  archive »>Article original, 2007

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