Tout le monde pose déjà la question du prix que les Israéliens ont payé pour la libération de leur captif. Ainsi que celle, connexe, des centaines d’assassins potentiels qui se voient, de la sorte, élargis.
Le problème ne date pas d’aujourd’hui.
En 1982 déjà, Israël relâchait 4 700 combattants retenus dans le camp Ansar, en échange de 8 de ses soldats.
En 1985, il en remettait dans la nature 1 150 (dont le futur fondateur du Hamas, Ahmed Yassine) pour prix de 3 des siens.
Sans parler des corps, juste des corps, d’Eldad Regev et Ehoud Goldwasser, tués au début de la dernière guerre du Liban, qui furent troqués, en 2008, par un nombre considérable de prisonniers, dont certains très lourdement condamnés !
L’idée, la double idée, est simple – et elle fait honneur à Israël. Contre la cruauté, d’abord, des raisons d’Etat, contre la mécanique des monstres froids et leur terrible paresse, à l’opposé de ces intransigeances glacées dont l’écrivain italien Leonardo Sciascia ne craignit pas de dire, au lendemain de l’enlèvement d’Aldo Moro par les Brigades rouges, puis de son lâchage par ses « amis », qu’elles sont un autre visage du terrorisme, cet impératif catégorique, sans réplique : entre l’individu et l’Etat, toujours choisir l’individu ; entre la souffrance d’un seul et les émois du Grand Un, toujours laisser primer l’un seul ; un homme ne vaut peut-être rien, mais rien – et surtout pas l’orgueil matamore, bombeur de torse, du Collectif – ne vaut que l’on sacrifie un homme…
Et puis, contre un pseudo « sens du Tragique » qui sert d’alibi à tant de lâchetés, contre les dialecticiens de comptoir glosant à l’infini sur les possibles effets pervers que pourrait provoquer, dans un temps plus ou moins reculé, face à une situation dont nous ignorons tout, tel ou tel geste (le sauvetage, en la circonstance, d’un Daniel Pearl en puissance), ce principe d’incertitude qui est au cœur de la sagesse juive et que résume l’Ecclésiaste (III, 23) : ce qui va plus loin que tes œuvres, ne t’en mêle pas – dans l’ignorance où tu es du royaume des fins et de ses ruses, sauve déjà le soldat Shalit.
C’est fait. Enfin.
Bernard-Henri Levy
La Règle du jeu.org
Décidément, BHL n’en manque pas une…pour se faire valoir !
Mais rendons à César ce qui appartient à Cesar, c’est bien dit …