C’est parce qu’il est « ami » d’Israël qu’il pense tenir sa chance sur le processus de paix. Rien n’était possible sans cela. Nicolas Sarkozy en reste persuadé, au moment où il vient de lancer à l’ONU sa grande initiative sur la question israélo-palestinienne. A son arrivée à l’Elysée, il s’était fixé cet objectif : rééquilibrer la politique héritée de Jacques Chirac, l’homme de l’esclandre à Jérusalem-Est, en octobre 1996, quand il avait houspillé les agents de sécurité israéliens et menacé de retourner illico à son avion.

Pour remettre la France au cœur du jeu proche-oriental, expliquaient les conseillers de M. Sarkozy dès mai 2007, il fallait construire des ponts avec Israël. Gommer les aspérités d’une relation bilatérale tourmentée. Se rendre audible, en rompant avec l’image d’une France « pro-palestinienne », que charriaient quarante années de diplomatie « gaullienne ».

Il y a de cela chez Nicolas Sarkozy : l’obsession de faire mieux, ou autrement, que son prédécesseur. Il y a aussi quelque chose de profond, de sentimental, qui a fait de lui le président de la Ve République le plus populaire en Israël. Cette histoire est familiale. L’intéressé ne l’a que très rarement évoquée en public – une fois, notamment, lors d’une visite en Grèce.

C’est l’histoire d’un grand-père maternel, Benedict Aaron Mallah, juif de Salonique, fils de joaillier arrivé en France en 1904 à l’âge de 14 ans. Une anecdote racontée par des témoins israéliens veut que lors d’une visite de Yad Vashem, le mémorial de la Shoah, les responsables du musée ont proposé à Nicolas Sarkozy d’effectuer une recherche dans l’ordinateur, avec son nom de famille maternel. A l’écran, est apparue une liste d’une trentaine de personnes, disparues dans les camps nazis. Nicolas Sarkozy, d’après ce récit, a été saisi d’émotion.

« ISRAËL N’EST PAS SEUL »

Pour lancer sa diplomatie, il a soigné les symboles. Il y eut sa visite en Israël, en juin 2008, année du soixantième anniversaire de la création de l’Etat juif. Il prononce, devant la Knesset, un discours en forme d’ode à Israël, tout en appelant à faire la paix avec les Palestiniens. « Israël n’est pas seul ! », lance-t-il, assurant que la France sera « toujours » à ses côtés « quand son existence sera menacée ».

Chirac avait placé sa politique proche-orientale sous le sceau du discours du Caire de 1996, voulant relancer la « grande politique arabe de la France ». Sarkozy, lui, mise sur une allocution devant la Knesset pour provoquer un regain d’influence française. On sent dans ce discours une foi dans le destin d’une relation entre la France et Israël qui se place très haut.

Durant ce voyage, Nicolas Sarkozy ne se rend pas à Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne, ni à Jérusalem-Est, mais à Bethléem, où il rencontre Mahmoud Abbas. La presse arabe ne sera cependant pas critique, car la continuité du message français sur les paramètres de la paix est préservée. Nicolas Sarkozy imprime un tournant sans renoncer aux fondamentaux. Non sans rappeler le discours de François Mitterrand à la Knesset, en 1982. En 2008, la France explore même, très discrètement, des contacts avec le Hamas.

« DIALOGUE STRATÉGIQUE »

Deux hommes ont été au cœur de la politique « israélienne » de Nicolas Sarkozy – avec des significations et des retombées différentes. Shimon Pérès, le président israélien travailliste, premier dignitaire étranger à être reçu (en mars 2008) par Nicolas Sarkozy en visite d’Etat. Et Benyamin Nétanyahou, l’homme du Likoud, redevenu premier ministre en 2009.

Avec Pérès, c’est la plongée dans l’Histoire, la mémoire des liens uniques tissés entre Israël et la France pendant la IVe République de Mendès France, puis Guy Mollet. Au milieu des années 1950, le jeune Shimon Pérès multipliait les voyages à Paris pour négocier les approvisionnements d’Israël en armements français. C’est aussi l’époque où la France aide l’Etat juif à se doter de technologies nucléaires qui lui permettront d’accéder à l’arme suprême.

Ce passé-là n’a rien d’anodin pour Nicolas Sarkozy. Il se lancera, avec ses conseillers, dans une politique inédite de « dialogue stratégique » avec Israël, longtemps ignorée des médias mais révélée en 2010 par des télégrammes diplomatiques américains obtenus par WikiLeaks. La politique de l’Elysée, sans concession sur le dossier nucléaire iranien, participe de ce rapprochement.

Des intérêts sécuritaires communs sont mis en exergue (lutte contre la prolifération, antiterrorisme) avec, toujours en toile de fond, l’espoir que la France en retirera des dividendes diplomatiques. A l’approche des échéances à l’ONU sur le dossier palestinien, Nicolas Sarkozy fait une déclaration retentissante, le 31 août, devant les ambassadeurs français, en évoquant la possibilité d’une « attaque préventive contre les sites iraniens, qui provoquerait une crise majeure ». Il semble donner un gage à Nétanyahou.

UN « CLIENT » DIFFICILE

Avec cet autre interlocuteur-clé, la relation a été oscillante. Les deux hommes se connaissent de longue date et ont en commun un caractère tranché, un talent d’orateur, et le goût de bousculer les technocrates. Mais le dirigeant israélien n’en demeure pas moins un « client » difficile, pour Nicolas Sarkozy comme pour Barack Obama.

La proximité, un temps affichée, avec Benyamin Nétanyahou n’a abouti à aucune percée pour la France sur le dossier israélo-palestinien. Les nombreux efforts déployés par Paris, jusqu’à cet été, pour accueillir une conférence internationale restent sans résultat. Il faut dire que l’administration Obama n’y voit aucun intérêt.

Les grandes ouvertures françaises faites depuis 2008 à l’Etat juif (dialogue stratégique, lien rehaussé entre l’Union européenne et Israël, création de l’Union pour la Méditerranée) buttent sur l’intransigeance d’un gouvernement israélien qui n’entend rien céder. L’épisode de la guerre de Gaza, en décembre 2008-janvier 2009, avait déjà douché certains espoirs.

C’est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy laisse Alain Juppé, de retour au Quai d’Orsay, introduire un langage plus critique à l’égard d’Israël, qui est prié de bouger, car « tout bouge » dans le monde arabe. Le rapprochement Fatah-Hamas est salué. Le ministre français déclare, le 6 juin, à Washington : « Israël doit tendre la main ». Nicolas Sarkozy, lui, préfère égratigner la « méthode » de l’équipe Obama.

Début mai, dans un entretien à L’Express, il annonce que la France « prendra ses responsabilités » à l’ONU si les négociations de paix ne reprennent pas. Côté palestinien, ainsi qu’au sein du Quai d’Orsay, on croit à une politique de reconnaissance de l’Etat palestinien. La formule est cependant ambiguë. Et deux jours plus tard, quand il reçoit Nétanyahou à l’Elysée, le chef de l’Etat donne l’impression à son interlocuteur de faire marche arrière.

Nicolas Sarkozy veut aujourd’hui trouver cet équilibre : préserver le lien spécial avec Israël – dans un contexte électoral français où cela peut peser – sans entamer le crédit qu’il juge avoir gagné auprès des opinions arabes avec la guerre de Libye. Le « printemps » des peuples, il l’a dit à l’ONU, concerne aussi les Palestiniens.

Natalie Nougayrède

Le Monde.fr

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marseille13

comme l’a si bien signifie l’un de vos commentateurs,ne comptons que sur nous meme,et surtout pas sur sarkozy.

Armand Maruani

Ne comptons que sur nous mêmes . Ni Sarkozy , ni le Pape .

Gerco

Succès avec la Lybie ? Bourbier lybien. La France a fourni des armes dont les combattants ne savent se servir (tanks notammen)et qui sont envoyées au Hamas. Il est impossible que les services français l’ignorent.

Gerco

Il n’y apas eu un seul média qui ait souligné le fait que le Hamas était contre l’initiative de Abbas. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela puisque c’est toujours un seul son de cloche qui nous est asséné par des incompétents

Chesther

Je doute que les arabes de France votent pour la droite de SARKOZY, trop ancrés à gauche.
Je reproche à N. SARKOZY de se laisser emporter par son succès avec la LIBYE et de ne pas avoir un langage clair concernant le problème israelo-palestinien, qui nous laisse dans le doute.
Je reproche également aux médias de boycotter des personnes importantes comme Emmanuel NAVON, calé en matière d’histoire d’Israël pas assez connue par les français qui se laissent bernés par la désinformation ambiante.
J’ai écouté, en différé, l’émission Cdans l’Air de vendredi 23 septembre, était présent Raphaël DRAY, intransigeant sur la sémantique employée sciemment par ses interlocuteurs comme « colonisation » par exemple, pour culpabiliser Israël !
Nous demandons à SARKOZY de ne pas prendre exemple sur CHIRAC dont les penchants étaient plus à gauche, je crains qu’avec JUPE, il s’oriente de la même manière. A suivre !

DANY83270

On ne sait pas si Nicolas SARKOZY est vraiment un ami d’Israël parce que sa proposition devant l’ONU afin que les Arabes de Palestine obtiennent le statut de Membres observateur est contraire aux intérêts des Juifs; mais c’est peut-être tout simplement une maladresse de sa part car il est hyperactif et il a toujours quelquechose à dire pour se faire remarquer ou pour donner l’impression qu’il est un homme politique important; un peu comme un enfant turbulent qui cherche à attirer l’attention sur lui pour qu’on lui fasse des compliments; si je pense que sa proposition est néfaste , c’est parceque cette forme adhésion pourrait tout de même permettre aux Arabes Palestiniens de faire du loobing à longueur d’année à New-York et prendre des accords avec des pays qui les soutiennent, voire saisir la Cour pénale internationale contre les Dirigeants ou les militaires Israëliens, ce qui serait un comble pour des terroristes; de plus , je m’étonne que personne (Sarkozy encore moins que les autres) n’ait soulevé à la tribune de l’ONU la question de la légitimité d’ ABBAS qui vient présenter rien de moins qu’une demande officielle d’adhésion devant l’ONU, alors que celui-ci ne représente plus personne , étant donné que les élections n’ont pas eu lieu dans son pays et que le Hamas a déclaré ne pas soutenir son initiative; je note pour ma part que depuis que Alain JUPPE est devenu Ministre des Affaires Etrangères, c’est la politique Gaullienne de CHIRAC qui semble redevenir à la mode, c’est à dire une politique pro-Palestinienne, car il ne faut pas oublier que La France compte plus de 5 millions de musulmans qui sont des électeurs potentiels, contre 5 cents mille Juifs seulement.