Retour en 2004. Les officiers de la défense de Tel-Aviv reçoivent un mystérieux appel de leurs collègues du QG de l’OTAN, à Bruxelles. Jaap de Hook Scheffer, ancien ministre des Affaires étrangères hollandais, est alors secrétaire général de l’ONU depuis plusieurs mois.
Visiblement sous la pression des Palestiniens, Scheffer semble tâter le terrain sur l’idée d’un envoi de casques bleus en Judée-Samarie.

PHOTO: JPOST

Empêtré dans la seconde Intifada, Israël manifeste immédiatement son désaccord. Le pays ne veut pas renoncer à sa marge de manœuvre dans des endroits comme Naplouse et Djénine, bastions du terrorisme dans le nord de la Samarie. A l’OTAN, beaucoup se montrent également réticents. Jamais formalisé, un accord tacite entre les parties exigeait trois conditions pour que l’OTAN intervienne dans le conflit israélo-palestinien : que le conflit territorial soit résolu, que la demande d’un déploiement onusien provienne conjointement d’Israël et de l’Autorité palestinienne, et qu’elle soit en premier lieu approuvée par l’ONU.

Mais tout cela date d’il y a six ans. Aujourd’hui, il est plus que probable que l’OTAN s’engage pour favoriser le maintien d’un accord de paix. La rencontre entre le président Mahmoud Abbas et l’émissaire américain George Mitchell le mois dernier allait dans ce sens. Selon les officiers impliqués, le coup de fil de 2004 dévoilait la volonté de l’OTAN de trouver un nouvel objectif dans un monde postcommuniste.

Du Rideau de fer à l’Afghanistan…

Visant à soutenir le Traité de l’Atlantique Nord signé à Washington en 1949, l’OTAN a été créé pour contrer la menace que représentait l’Empire soviétique pour l’Europe occidentale. Mais sa légitimité s’écroule avec la chute du Rideau de fer en 1989.

Les attaques du 11 septembre entraînent une réorganisation interne de l’organisation. Elle commence à s’engager dans la lutte contre le terrorisme au Moyen-Orient. Et coordonne actuellement des opérations en Afghanistan. Cette nouvelle quête de sens a pris toute son ampleur fin mai, quand Madeleine Albright, l’ancienne secrétaire d’Etat américaine, a présenté un nouveau plan pour l’OTAN sur la prochaine décennie. Le panel, conduit par Albright, a bien évidemment préconisé un renforcement des liens avec la Russie, mais a surtout suggéré que l’organisation étende ses compétences au contreterrorisme et à la non-prolifération.

Egalement à l’ordre du jour : contenir les ambitions nucléaires de l’Iran. Ces recommandations doivent encore être ratifiées. Mais elles consacrent une rupture profonde dans les aspirations de l’OTAN. Israël a tout fait tout pour influencer le rapport d’Albright. Beaucoup d’officiels israéliens se sont entretenus avec l’ancienne secrétaire d’Etat.
Israël souhaite que l’OTAN concentre ses efforts sur la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire. Les nations européennes doivent également reconnaître qu’elles livrent toutes la même guerre antiterroriste, que ce soit en Afghanistan, en Irak ou à Gaza.

… En passant par la Méditerranée…

C’est en 1994 que les relations entre Israël et l’OTAN prennent la tournure qu’on leur connaît. Israël est sollicité avec le Maroc, l’Algérie, l’Egypte et la Jordanie pour devenir un membre du Dialogue méditerranéen. But de ce forum : favoriser la coopération politique entre les pays méditerranéens.

Les relations se renforcent en 2004 lors d’un sommet de l’OTAN à Istanbul. Une résolution prévoit même un renforcement des relations stratégiques. Désormais, la coopération concerne la lutte contre le terrorisme, les armes de destruction massive, la sécurisation des frontières et la participation aux manœuvres militaires de l’OTAN. En mars, le lieutenant général Gabi Ashkenazi, à la tête de l’état-major israélien, assiste à une conférence de l’OTAN en Turquie. Deux mois plus tard, il se rend à une rencontre de l’état-major de l’organisation à Bruxelles. En novembre, l’amiral Giampaolo Di Paola, à la tête de la Commission militaire de l’OTAN, arrive en Israël. La marine israélienne achève alors les préparations du lancement d’un navire antimissile dans le cadre de l’opération Active Endeavour. Sous l’égide de l’OTAN, cette opération vise à mettre en place une flotte de patrouille dans la Méditerranée afin de dissuader la contrebande d’armes et les activités terroristes.

Israël cherche aussi à obtenir un meilleur statut. La conclusion d’un rapport stratégique autorise les officiels israéliens à prendre part aux forums de l’OTAN sans faire partie de l’alliance. Israël adopte au mois de janvier le système OTAN de codification. L’équipement militaire israélien est désormais répertorié aux cotés de celui des Etats membres.

… jusqu’à la Judée-Samarie

L’idée de déployer des troupes de l’OTAN dans les territoires palestiniens n’est pas nouvelle. James Jones a été conseiller de la Maison Blanche et commandant des forces de l’OTAN. Il avait déjà soulevé cette possibilité sous l’administration Bush. Fin 2008, il évoque l’idée avec des alliés européens des Etats-Unis. Le plan prévoit un stationnement des troupes tierces en Judée-Samarie. Objectif : sécuriser la zone entre le retrait des troupes israéliennes et la reprise en main par l’Autorité palestinienne. Il s’agit également de rassurer Israël, qui craint qu’un retrait de la Judée-Samarie ne menace sa sécurité nationale.

Jones s’est toujours montré partisan de l’envoi de forces de l’OTAN pour résoudre les conflits. Son expérience et sa carrière lui permettent d’influencer le processus. En Israël, les opinions sont partagées. Beaucoup sont convaincus que l’OTAN a un rôle à jouer dans le maintien de la paix en tant que force efficace. Mais ce n’est pas le cas de la Finul (Forces intérimaires des Nations unies au Liban) qui, en plus de forces militaires d’Espagne, de France ou d’Italie, comprend des troupes du Ghana, du Népal ou de Tanzanie.

Les opposants affirment que la présence de l’OTAN gênerait toute réplique des Forces de défense israéliennes en cas d’agression palestinienne. « Que faisons-nous si nous sommes attaqués par l’Autorité palestinienne ? », a récemment demandé un officiel. « Peut-on riposter s’il y a des milliers de troupes de l’OTAN déployées sur le territoire ? » Cette question peut sembler prématurée. Mais elle se posera sûrement dans les prochains mois. Trente ans après la chute du mur, il est désormais certain que l’OTAN s’apprête à se reconvertir dans le conflit israélo-palestinien.

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