Dans un monde naturellement zappeur, la passion que continue de susciter l’affaire DSK des deux côtés de l’Atlantique peut surprendre. La chute d’un puissant ne suffit pas à l’expliquer.

C’est qu’au-delà de la tragédie d’un homme et d’une famille, et des souffrances (présumées) d’une femme, l’affaire constitue comme un miroir grossissant des interrogations d’une société sur elle-même. N’est-elle pas en effet, un triple révélateur des relations entre hommes et femmes, entre la France et ses élites, et, enfin, entre la France et les Etats-Unis ?

« Mais enfin il n’y a pas mort d’homme. » La formule malheureuse de Jacques Lang illustre de manière caricaturale le clivage qui peut exister entre hommes et femmes dans le traitement de l’affaire DSK.

Les hommes ont tendance à s’identifier à l’ex-directeur du Fonds monétaire international, les femmes à son accusatrice. La compréhension excessive des uns rencontre l’indignation légitime des autres. En France, les langues se délient, les humiliations remontent à la surface.

N’y a-t-il pas deux poids, deux mesures, la « promotion canapé » n’était-elle pas, n’est-elle pas toujours une réalité insupportable de la vie politique et professionnelle ? Les frontières floues entre le flirt, le harcèlement et la simple et pure violence ne doivent-elles pas être repensées radicalement dans un monde où l’égalité entre hommes et femmes est un des signes et une des clefs de la modernité, et une des conditions du progrès de la société ? Toute forme de droit de cuissage moderne, toute acceptation cynique et résignée des dérives « inévitables » d’un homme qui, face aux tensions extrêmes liées à l’exercice du pouvoir, aurait droit de se « soulager » sont tout simplement inacceptables.

Au-delà de l’équilibre entre hommes et femmes, l’affaire DSK pose le problème des relations entre la France et ses élites.

A l’heure de la révolution de l’information et de WikiLeaks, est-il possible de maintenir des cloisons étanches entre ce que les élites peuvent savoir et ce que le peuple doit ignorer, entre les rumeurs de Versailles et de la cour dans ses versions modernes, et le silence de la rue et des campagnes ?

Une telle dichotomie entraîne des comportements laxistes sinon des réactions choquantes. Entre les deux guerres, Julien Benda dénonçait dans un essai qui fit date « La Trahison des clercs ». N’y a-t-il pas aujourd’hui encore au-delà des querelles bassement politiques et des interprétations opportunistes comme une « trahison des clercs » dans le comportement d’élites qui semblent dans leur défense de l’un des leurs perdre toute décence et tout bon sens ? Une leçon devrait s’imposer à l’issue de cette histoire fondamentalement triste de l’autodestruction d’un homme. Il ne saurait exister un décalage trop grand entre les qualités publiques d’un homme et ses vices privés. Sans verser dans le puritanisme et la pudibonderie, il convient de mettre l’accent dans le choix de l’homme ou de la femme qui doit exercer les fonctions suprêmes, sur la notion ancienne de « vertu ».

Comment réconcilier les citoyens avec la politique, comment défendre la démocratie face à la montée des populismes si des considérations d’éthique ne sont pas présentes dans l’esprit des élites ? Ne sont-elles pas censées élever les débats publics ?

Enfin, l’affaire DSK traduit également la fragilité de la relation transatlantique.

Depuis une semaine, la résurgence d’un antiaméricanisme virulent en France et de réactions antifrançaises aux Etats-Unis ne peuvent que frapper l’observateur. L’élection de Barack Obama, l’engagement des troupes françaises en Afghanistan, le retour de la France dans l’organisation militaire intégrée de l’Alliance n’ont pas suffi à refermer des cicatrices qui se rouvrent à la première occasion sérieuse et qui vont ramener à l’interprétation de l’essence de l’autre. L’Amérique est-elle un pays vraiment civilisé compte tenu de la brutalité de sa justice et de sa police ? La France est-elle un pays vraiment démocratique compte tenu de l’autocensure de sa presse à l’égard du comportement de ses grands et du laxisme incestueux de ses élites ?

Il reste désormais à souhaiter que la justice s’exerce sans passion. Peut-on rêver d’un monde où il y aurait plus d’humanité dans le traitement des accusés en Amérique et plus de considération pour les « présumées » victimes en France ?

Dominique MoÏsi

Les Echos.fr

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Eric1234

Bonjour,

Ce qui est arrivé a DSK comme on l’appelle n’a rien de surprenant.
Premierement la justice americaine est tres ouverte et c’esttresbien. Sans doute trop du point de vue de la France. Néammoins le benefice de cette ouverture est le fait que l’on peut au moins en tant que peuple etre raisonnablement informé de ce qui sy passe. La television dans les cours de justice en direct en est un exemple, il est tres difficile d’y tricher.
Pour ce qui est de la personne elle meme et de ce dont on l’accuse, il est évident que la preuve reste à faire, néammoins elle semble tres forte:

il a ete arrette tout de suite,
la présumée victime a dénoncé L’assault à la premiere occasion,

Ses avocats auraient pu etre moins volubiles , la premiere chose que l’on ait su , vraie ou non, c’est un alibi (il aurait été avec sa fille, la deuxieme était qu’il y aurait eu consentement. versions impossibles à reconcilier et

De plus sa réputation,que l’,on ne connaissait pas publiquement a été révélée au grand public, ajoutez à cela la dimension politique du personnage et la raisonnance du genre d’infraction dont il est accusée et tout devient explicable.

Il était et est toujours évident qu’il s’agit d’un risque de fuite (Flight risk) et qui pourrait le blamer ?

Il est évident que la justice a eu raison de le retenir en échangeant d’une residence surveillée qu’est la prison, pour une autre résidence surveillée, tres surveillée….mais il n’y avait pas d’autres moyens.

Tous les jours, toute la journée , les cours américaines liberent sur parole ou contre caution des personnes accusées, mais retiennent celles ou il y flight risk, il n’y a pas eu de traitement spécial pour lui.
Imaginez que cela soit arrivé à un haut placé Américain ou d’autres pays , et vous avez la réponse.

L’impression que tout le monde a est légitime, la divergeance entre les reactions des femmes et celles des hommes et aussi comprehensible.

La plupart des femmes , je me doute s’identifient à la présumée victime, surtout qu’il s’agit d’une accusation d’assault et non de propositions seulement…Je ne suis pas une femme , mais je peux facilement comprendre cela.

Il est vrai qu’il n’y a pas eu mort d’homme et que la sentence pour ce genre d’infraction au canada, de part notre systeme d’administration de la pêine et des précédents serait moins pénible à vivre, sans parler de la qualité de nos services pénitentiers…, mais qui lui a dit si c’est vrai, d’assaillir cette personne là aux usa ?

Sans doute, la culture traditionnelle en France est plus tolérente qu’en Amerique du Nord, pour lui oum et pour ce genre d’infractions, mais c’est en Amérique du Nord qu’il est accusé.

Le fait d’invoquer que cela affecterait les relations France usa est une autre évidence pourquoi la justice amrericaine est acceptable. Parceque invoquer que la France défend ses politiciens réels ou en devenir, au dela de l’immunité parlementaire qu’il n’invoque pas n’y ayant pas droit , est une autre preuve de l’accepation de l’establshment Francais de sa vision d’etre au déla des lois, et d’acceptation que certaines personnes peuvent assaillir d’autres et que de part leur statut imaginaire socialement supérieure, la supposée victime ne pourrait meme pas se plaindre.

Beaucoup de politiciens americaisn ont perdu leur position pour beaucoup moins que cela.

Et si vraiment il a fait ce dont il est accusé et bien tant pis pour lui, .
Il est vrai que la peine pourrait etre tres sévere, mais de part les traités avec les etats unis il pourrait la passer en tout ou partie en france.La justice americaine est tres dure , parfois et meme souvent bete, imaginez quand les juges n’ont pas le choix avec des peines minimums comme apres trois condamanations prsison à vie minimum, meme pour vol d’un morceau de pizza, sans beaucoup de violence, pas de bléssé, comme c’était le cas il y a quelques années.

La situation des prisons aux usa est déplorable.

Une triste histoire, pauvre DSK il a raison de ne pas aimer l’environnement ou il est.

Moralité s’il n’a pas le choix qu’il fasse un deal (un accord) il plaiderait coupable et aurait peine raisonnable, qu’il pourrait servir en tout ou partie en France. L’alternative serait sa ruine financiere morale et psychologique et bien sur politique, meme s’il était acquitté apres plusieurs années de procédures…

Deuxieme moralité, messieurs ne vous trouvez pas seul avec une femme qui n’est pas la votre et si c’est la votre assurez vous d’avoir son consentement.

A bon entendeur , salut.

Eric