En recevant dimanche François Hollande dans son palais de Djeddah, le roi Abdallah d’Arabie saoudite constatera rapidement que le style du président de la République française a changé. Et ce ne sont pas les proches du monarque qui s’en plaindront. A un raïs hyperactif a succédé en effet un président un tantinet « rad soc » à la Jacques Chirac, que les Saoudiens adoraient.

Le « vieux sage » saoudien – il est âgé de 89 ans – avait eu quelques difficultés à saisir un vibrionnant Nicolas Sarkozy, qu’Abdallah qualifiait « de cheval fringant et fougueux qui, comme tous les purs sangs, devra accepter l’épreuve des rênes avant de trouver l’équilibre ». Même si l’activisme de Sarkozy l’ « intéressait », même si la France lui avait fourni en 2009 de très utiles images satellitaires du conflit, qui opposait alors son armée aux rebelles d’inspiration chiite du nord Yémen frontalier – aide refusée alors par l’allié américain – Sarko agaça rapidement ses hôtes saoudiens par quelques gestes maladroits (montrer ses semelles en audience, refuser de boire du café arabe, tradition d’hospitalité chez les bédouins….). Nul doute que François Hollande saura écouter ses conseillers. C’est important dans ces contrées marquées par la tradition, où le respect des codes permet de mieux aborder le fond des dossiers.

Avec François Hollande, la France « va faire un peu plus d’Arabie dans sa politique moyen-orientale, et sans doute un peu moins de Qatar ». Son passage par Djeddah – le premier dans le Golfe, même s’il n’y restera que quelques heures – témoigne de cette inflexion.

Après les années Sarkozy, marquées par un très net rapprochement entre la France et le Qatar, le pouvoir socialiste veut remettre Riyad au centre de sa politique dans la région. La « qatarisation » de la politique étrangère française au Moyen-Orient avait agacé l’Arabie saoudite, qui regarde toujours de haut l’agitation de son minuscule voisin qatarien. Sans parler du rapprochement franco-syrien de 2008 – effectué à l’insu de l’Arabie – qui jeta un froid sur les relations bilatérales -, même si Riyad en fit de même un an après.

Après l’élection de François Hollande, les princes saoudiens s’interrogèrent légitimement sur le nouveau pouvoir socialiste. Outre une visite à l’Elysée de Mithab, le fils du roi qui commande la garde nationale (photo ci-dessus), les messages reçus de Paris les rassurèrent. Sur l’Iran et la Syrie, les deux dossiers prioritaires pour la diplomatie saoudienne, l’heure est en effet à la continuité.

L’extrême fermeté française vis-à-vis des ambitions nucléaires de Téhéran ne peut que réjouir l’Arabie, inquiète par ailleurs de l’entrisme chiite chez elle et plus généralement dans les sociétés arabes. Paris et Riyad partagent, d’autre part, la même hantise qu’Américains et Iraniens s’entendent dans leur dos à propos du nucléaire. Sans le dire publiquement, les dirigeants saoudiens « rêvent » en fait que les Américains bombardent les sites iraniens. Mais ils ne veulent surtout pas qu’Israël s’acquitte, seul, de cette tâche, pour ne pas avoir à approuver des frappes par un Etat avec lequel la rue wahabbite a, elle, de très sérieuses préventions…

Sur la Syrie, Paris et Riyad militent ardemment pour bouter Bachar el-Assad hors du pouvoir. La seule différence concerne les moyens, l’Arabie privilégiant un armement massif des rebelles pour inverser le rapport de forces sur le terrain. Une initiative jugée dangereuse par la France, mais qui n’en fait pas un fromage…D’autant que François Hollande et ses conseillers n’ignorent pas que la reconstruction de la Syrie de l’après-Assad ne pourra se faire que grâce à l’argent du Golfe, c’est-à-dire essentiellement saoudien et qatarien.

Vis-à-vis de la France, les dirigeants saoudiens restent avant tout pragmatiques. S’ils n’appréciaient pas trop Nicolas Sarkozy, il convient de reconnaître que sur le plan économique, les échanges entre les deux pays se sont développés, ces dernières années (Airbus, avions ravitailleurs, Véolia…). Certes, il y eut le gros échec d’Alstom pour construire le TGV La Mecque-Médine, contrat remporté par des Espagnols plus habiles dans les manœuvres de lobbying. Mais d’ici la fin de l’année, d’autres contrats devraient être signés : Sawary 1 sur la modernisation de quatre frégates, puis au printemps prochain, Sawary 2 (1,3 milliard d’euros environ). Des pourparlers sur Sawary 3 sont également lancés. Dans ces longues et difficiles tractations, « le facteur politique » est toujours le bienvenu. De ce point de vue, le saut de puce de François Hollande à Djeddah est un signal clair. Comme s’il s’agissait de rappeler que le marché saoudien, c’est 25 millions de consommateurs…. Contre à peine deux millions au Qatar.

Par Georges Malbrunot – De Bagdad à Jérusalem Article original

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