Chavouot (hébreu : שבועות, Shavouot « semaines » ; grec : πεντηκόστη Pentekoste « cinquantième jour ») est l’une des trois fêtes de pèlerinage du judaïsme, prescrites par la Bible, au cours de laquelle on célèbre le début de la saison de la moisson du blé et, dans la tradition rabbinique, le don de la Torah sur le mont Sinaï.
Elle a lieu au terme du décompte de l’omer, le 6e jour du mois juif de sivan (qui correspond, selon les années, aux mois de mai ou juin dans le calendrier grégorien). Elle dure deux jours en diaspora mais un seul en terre d’Israël (et dans le judaïsme réformé).

Chavouot dans les sources juives

Dans les livres de la période biblique

Chavouot est mentionnée pour la première fois comme la « fête de la moisson » faisant suite à la fête des azymes et précédant la fête de la récolte dans le cycle agricole annuel (1). Il est prescrit aux hommes de présenter en ce jour les prémices de la terre devant la maison de Dieu (2). Elle est, pour cette raison, également connue comme « jour des prémices (3).

De ces trois fêtes, la « fête des semaines (4) » est la seule à ne pas être définie par une date précise du calendrier (5) mais par sa relation à la fête des azymes : au « lendemain du chabbat », un omer doit être prélevé sur les prémices de la nouvelle récolte d’orge et être offerte au prêtre ; à dater du jour de cette offrande, sept semaines entières doivent être comptées, au terme desquelles une « oblation nouvelle », consistant en deux miches provenant de la nouvelle récolte de blé et cuites à pâte levée, est offerte sur l’autel pour y être balancée. Cette offrande nouvelle s’accompagne d’offrandes animales, oblations et libations supplémentaires, et le jour où elle est effectuée est saint ; les « œuvres serviles » y sont proscrites (6).

Le jour doit en outre donner lieu, après que les enfants d’Israël aient pris possession du pays, à une réjouissance collective, au cours de laquelle les « prémices de ton labeur que tu as cultivé dans ton champ » sont remis au prêtre. Cette offrande n’incombe pas à la communauté, c’est « un tribut d’une offrande de ta main en toute liberté » grâce à laquelle « tu te réjouiras devant H’ ton Dieu, toi, ton fils, ta fille, … le Lévite qui réside dans tes portes, l’étranger, l’orphelin et la veuve » (7).

La fête est assez peu évoquée dans la littérature prophétique (8). Le chroniqueur assure cependant que Salomon réalisait des offrandes « en se conformant au rite de chaque jour, il les offrait, selon les prescriptions de Moïse, les jours du chabbat et des néoménies et aux fêtes qui se suivent trois fois par an, à la fête des Azymes, à la fête des Semaines et à la fête des Tabernacles »(9).

Elle apparaît également dans la littérature deutérocanonique, comme un jour de joie devenu jour de peine pour Tobie(10) et les Maccabées interrompent provisoirement leur lutte pour l’observer (11).

Dans la littérature rabbinique

Le rituel de Chavouot à l’ère du second Temple

Bien que tombant pendant la saison de labour (et ne durant pour cette raison qu’un jour, contrairement à Pessa’h ou Souccot (12)), la célébration de Chavouot était fidèlement observée à l’époque du second Temple. Outre le pèlerinage, commun aux trois fêtes et décrit dans le traité Haguiga, elle donnait lieu à la cérémonie des bikkourim, dont les rites font l’objet du traité Bikkourim, onzième et dernier traité de l’ordre Zeraïm.

L’un des articles de ce traité rapporte le faste de cette cérémonie :
Le matin, le préposé disait (Jérémie 31:5) : « Allons, montons à Sion, vers H’ notre Dieu ! »
Les plus proches (de Jérusalem) apportaient des figues et des raisins, les plus éloignés des figues sèches et des raisins secs. Un bœuf marchait devant eux, les cornes plaquées d’or, couronné d’olivier ; le chant de la flûte les précédait jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus aux portes de Jérusalem. Ils envoyaient alors des messagers et embellissaient leurs prémices. Les petites gens, les délégués et les notables sortaient à leur rencontre, selon le rang des arrivants. Tous les artisans de Jérusalem arrivaient également à eux et leur souhaitaient la bienvenue.

Le chant de la flûte les précédait jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus au mont du Temple. Là, le roi Agrippa lui-même hissait son panier sur ses épaules et pénétrait jusqu’au parvis du Temple, cependant que les Lévites chantaient (Psaumes 30:2) : « Je t’exalterai, H’, car tu m’as relevé; tu n’as pas réjoui mes ennemis à mes dépens ».


Les pigeons s’envolaient de dessus les corbeilles (de fruits) et chacun remettait aux prêtres ce qu’il apportait de ses mains … Les riches apportaient leurs prémices dans des vases d’argent, les pauvres dans des paniers d’osier écorcé ; récipients et prémices étaient donnés aux prêtres (13).

Le jour suivant Chavouot, appelé yom tavoua’h (hébreu : יום טבוח « jour de l’abattage »), a également un caractère quelque peu festif au cours duquel le deuil est interdit car c’est en ce jour que les offrandes de pèlerinage sont réalisées lorsque la fête a lieu à chabbat (les offrandes collectives ont priorité sur le chabbat mais non les offrandes des particuliers) (14) ; par ailleurs, Chavouot ne durant qu’un jour, les pèlerins disposent d’un délai d’une semaine pour s’acquitter de ces offrandes (15).

La controverse des dates

Chavouot tombait, selon les Pharisiens, entre le 5 et le 7 sivan, en fonction de la conjonction lunaire des mois d’iyar et sivan. Cependant, si le judaïsme actuel (qui célèbre Chavouot le 6 sivan depuis la fixation du calendrier par Hillel II) se fonde sur cette tradition (16), elle était loin d’être universellement acceptée à l’ère du second Temple.

Le Livre des Jubilés prescrivait par exemple de l’observer le 15 sivan (17). Les Boethusiens arguaient quant à eux que Chavouot devait toujours avoir lieu un dimanche, cinquante jours après le premier chabbat qui suivait la Pâque car « Moïse, aimant les enfants d’Israël, a vait »>Article original voulu leur donner un jour saint étendu en annexant la fête de Chavouot (qui a lieu sept semaines après le jour de l’offrande) au chabbat » (18).

La Septante, Flavius Josèphe et Philon d’Alexandrie partageaient l’interprétation pharisienne.

Cependant, certains pensent que c’est en raison de cette controverse que la Mishna et les Talmuds ne se réfèrent à Chavouot que par le terme d’Atzeret (19) ou son équivalent araméen Atzarta (hébreu : עצרת « assemblée solennelle », « fête de clôture » ou « cessation ») (20), en précisant qu’il s’agit de l’Atzeret shel Pessa’h afin de la différencier de Chemini Atzeret et du septième jour de la fête azymes (atzeret shevi’i) (21).

Chavouot et le don de la Torah

Alors que Chavouot ne possède pas, contrairement à Pessa’h et Souccot, de dimension historique dans la Bible hébraïque, les rabbins assurent que c’est en ce jour qu’eut lieu le don de la Torah, cinquante jours après l’Exode hors d’Égypte (24).

Cette tradition apparaît déjà en filigrane dans le Livre des Jubilés (c’est en ce jour que l’alliance sur le sang aurait été contractée avec Noé, renouvelée avec Abraham et renouvelée derechef avec Moïse), bien qu’à une date différente25. Les rabbins pensent qu’elle a été donnée le 6 tandis que Rabbi Yosse penche pour le 7. La controverse a été décidée en sa faveur et la Torah aurait été donnée le 7 sivan de cette année. Toutefois, tous s’accordent sur le fait que la Torah a été donnée à Chavouot et comme la date de cette fête a été fixée dans le calendrier de Hillel II au 6 sivan, c’est en ce jour que le don de la Torah est commémoré24.

L’association de Chavouot à la théophanie du Sinaï prend toute son importance après la destruction du second Temple et continue à lui assurer un caractère distinctif, alors que les pèlerinages et la cérémonie des prémices ne peuvent plus avoir lieu (26).


Le Midrash enseigne qu’il ne faut pas lire Hag hashavouot (« la fête des semaines ») mais Hag hashevouot (« la fête des serments ») car en ce jour, Israël a fait le serment irrévocable d’être fidèle à Dieu et Dieu a fait le serment irrévocable d’être fidèle à Israël (27). En ce jour, la délivrance matérielle, célébrée à Pessa’h, s’est achevée sur le plan spirituel (16) (28). En ce jour, selon le Zohar (œuvre majeure de la Kabbale) la parade nuptiale du fiancé Israël envers sa fiancée la Torah a pris fin et « au mois des jumeaux (des Gémeaux), la Loi jumelle (écrite et orale) fut donnée aux enfants du jumeau Israël (Jacob qui était le jumeau d’Esaü) » ou, selon un autre enseignement, où « au troisième mois (sivan), la triple Loi (Torah, Neviim, Ketouvim) fut donné au troisième peuple » (29). Les sept semaines qui séparent Pessa’h de Chavouot auraient du être une période mi-fériée, à l’image de celle qui sépare le premier jour de Souccot de Chemini Atzeret (30), si des évènements tragiques ne les avaient pas ultérieurement assombries (31).

La prépondérance du don de la Torah s’est également marquée dans les coutumes de la fête : aux ablutions vespérales habituellement réalisées avant les fêtes, d’aucuns ajoutent une purification matinale, en souvenir de celle que les enfants d’Israël avaient réalisé lors des trois jours de restriction afin de recevoir la Torah en état de pureté (32). Sur la table de fête trônent des plats lactés (blintzes, kreplach fourrés au fromage pour les ashkénazes, sieta cielos, borekas, samosas pour les séfarades et orientaux (22)) pour diverses raisons également en rapport avec la Torah (23) (autrefois, on confectionnait aussi des pâtisseries au miel en forme de lettres pour les enfants débutant leur apprentissage de la Torah car, d’après l’exégèse rabbinique du Cantique des cantiques, la Torah a été comparée « au lait et au miel sous ta langue » (33) ). On fait également cuire des pains spéciaux, rappelant l’offrande des deux miches mais dont la forme évoque symboliquement la Torah (34) et certains, prenant les enseignements du Midrash et de la Kabbale à la lettre, mangent des pains azymes afin de souligner la continuité entre Pessa’h et Chavouot (35).


Beaucoup passent la nuit à étudier selon le rite du tikkoun leil Shavouot, institué par les kabbalistes de Safed et au cours de laquelle les textes fondamentaux du judaïsme rabbinique (Bible hébraïque, Mishna, Zohar etc.) sont lus dans une version condensée (36). Pendant la journée, la pièce liturgique intitulé Akdamout (« Préface ») a pour sujet la grandeur infinie de la Torah tandis que les azharot énumèrent poétiquement les 613 commandements et que la Ketouba d’Israël Najjara rappelle les termes du contrat nuptial entre Dieu et Israël (37).

Les bikkourim sont encore, mais à peine, évoqués, en décorant l’habitation et la synagogue avec des fleurs et des plantes odorantes (38) (le Gaon de Vilna s’est élevé contre cette pratique qui finissait par trop ressembler aux coutumes chrétiennes) (39). La lecture du Livre de Ruth y fait aussi vaguement allusion (40) mais selon la croyance populaire, elle évoque surtout le destin des Israélites, « convertis » en masse lors du don de la Torah sur le mont Sinaï (41) (une explication tardive veut que l’on rende hommage, par le biais de Ruth, à son descendant, le roi David, mort, selon la tradition rabbinique, à Chavouot (42)).

Observance de Chavouot dans le judaïsme rabbinique

La fête de Chavouot est célébrée le 6 sivan et n’a jamais lieu un mardi, un jeudi ou un samedi, en vertu de la conformation actuelle du calendrier. En diaspora, un second jour est célébré.

Elle ne se distingue, contrairement à Pessa’h et Souccot par aucun rite particulier en dehors de sa liturgie.

Comme ces deux fêtes, Chavouot était, à l’époque des premier et second Temples de Jérusalem, une fête de pèlerinage, au cours duquel les Juifs étaient tenus de se rendre à Jérusalem et d’y faire des offrandes à Dieu selon les ordonnances bibliques.

Bien que de nombreux Juifs se rendent de nos jours en pèlerinage au Mur occidental, en absence de Temple reconstruit, la liturgie se concentre principalement, comme à Pessa’h et Souccot, sur le souvenir des anciens rites et offrandes.

Le rituel liturgique de Chavouot partage avec ces deux festivals :

une prière en sept bénédictions, récitée lors des offices du matin, de l’après-midi et du soir, pendant deux jours en dehors de la terre d’Israël ; la fête de Chavouot y est appelée zman matan toratenou (« le temps du don de notre Torah »),

une bénédiction supplémentaire, yaalè veyavo, intercalée dans le birkat hamazon (action de grâces récitée après les repas),

la lecture complète du Hallel (du psaume 113 au psaume 118) après la ʿamida du matin,

une lecture de la Torah spéciale, et un office de prière supplémentaire (moussaf).

Il s’en démarque par son caractère de solennité (Chavouot est la seule fête au cours de laquelle il est interdit de réaliser un jeûne suite à un mauvais rêve (43), et d’autres particularités, dont certaines ont pu être conservées ou adaptées aux offices synagogaux.

Veille de la fête

Les femmes allument les bougies en l’honneur de yom tov (de préférence avant la tombée de la nuit ; si ce n’est pas le cas, elles peuvent cependant le faire après, contrairement au chabbat, à condition d’allumer la bougie à partir d’une flamme existante et non d’une flamme nouvellement allumée) et récitent la bénédiction appropriée. Elles peuvent réciter la bénédiction shehehiyanou à ce moment ou attendre que leur mari la fasse lors du kiddoush et répondre amen mais en tous les cas, elle ne peut le faire qu’une fois (44).

Il est de coutume de retarder le moment de la prière du soir après la sortie des étoiles, afin de se conformer à la prescription de compter sept semaines « pleines » (45). Certains disent qu’il en est de même pour le kiddoush mais ce n’est en rien obligatoire, surtout dans les pays d’Europe, où la nuit tombe tard à cette période de l’année. Il est toutefois préférable d’attendre au moins, sinon la sortie des étoiles, le coucher du soleil (46) (de 13 à 25 minutes avant la sortie des étoiles, selon les rites (47) ).

Les repas de fête doivent être pris sur du pain, en souvenir des deux miches, la table familiale occupant la fonction dans le foyer de l’autel dans le Temple (48). Le birkat hamazon doit ensuite être récité avec la bénédiction yaalè veyavo (49). Il est de coutume de prendre un repas lacté le soir et de reprendre, après s’être rincé la bouche, un repas carné (ou au moins à base de volaille et avec du vin car il n’y a pas de joie sans viande ni vin (50) ), avec une miche pour chaque repas (51). Il n’est toutefois pas obligatoire, bien que préférable, de prendre un repas lacté complet (une crème glacée suffit pour s’en acquitter) ni de le prendre le soir (52).

Nuit(s) de la fête

La première nuit est idéalement consacrée à l’étude, de préférence à partir du programme établi par Isaac Louria et la seconde devrait comporter l’étude de quelques versets et passages de la Torah et du Zohar (53).

La veillée d’étude a été conçue comme une réparation (tikkoun) pour l’attitude des Israélites que Dieu dut réveiller au jour du don de la Torah (54). Bien que fort louable et conférant une récompense à la mesure de l’effort, elle n’est donc destinée qu’à ceux qui se sentent assez sûrs de leur constitution pour passer une nuit blanche sans s’interrompre, surtout pour des conversations futiles, sachant qu’ils ne pourront pas somnoler le lendemain avant la fin de l’office supplémentaire (vers la mi-journée) (55).

Les rapports sexuels pendant la ou les nuits de Chavouot, bien que non formellement interdits, sont, pour cette raison, mal perçus par les kabbalistes (56).

Journée de la fête

Au matin, certains réalisent une seconde ablution, environ une heure avant le lever du soleil ; les séfarades prennent soin de ne pas se laver dans une eau à plus de 37°C, même si elle a été chauffée avant la fête, tandis que les ashkénazes se le permettent dans ce dernier cas (57). À la synagogue, ceux qui ont veillé se lavent les mains mais ne récitent pas la bénédiction ni certaines bénédictions du matin ; ceux qui ont dormi les en acquittent (58).

On sort le premier jour deux rouleaux de la Torah. Cinq hommes lisent dans le premier le passage Exode 19:1-20:22 (la révélation des dix commandements). Le rabbin ou un autre érudit (59) lit Nombres 28:26-31 (les offrandes supplémentaires du jour des prémices) en guise de maftir et la haftara dans Ézéchiel 1:1-28 et 3:12 (60) car les visions d’Ézéchiel s’apparentent à celles qu’expérimentèrent les Israélites en ce jour (61).

Le deuxième jour, s’il y a lieu, on lit la section kol bekhor (Deutéronome 15:19-16:17) ou esser ta’asser (Deutéronome 14:22-16:17) si le deuxième jour a lieu chabbat, suivis de Nombres 28:26-31 et Habacuc 2:20–3:19 (62).

Le yizkor (prière de commémoration des morts) est lu en diaspora après cette récitation car elle évoque les dons volontaires, considérés comme propices au repos des disparus (63) ; en terre d’Israël, il est lu après la lecture du premier jour, bien qu’elle ne comprenne pas le passage kol bekhor (64).

Observance de Chavouot dans les traditions non rabbiniques

Dans le karaïsme

Le karaïsme, un mouvement scripturaliste du judaïsme devenu significatif au ixe siècle, met un point d’honneur à décompter l’omer à partir du dimanche suivant Pessa’h et donc à célébrer Chavouot à un moment différent des Juifs rabbanites. Selon leur tradition, neuf arguments de lions auraient été avancés au temps d’Anan ben David, leur fondateur présumé, qui aurait « sacrifié sa vie » pour cela. Leur position a été débattue par Abraham ibn Ezra qui avance que puisque tous les autres jours saints ont lieu à date fixée dans le calendrier hébraïque, il serait déraisonnable de supposer à la fête de Chavouot une date fixée dans la semaine (65). Juda Halevi la conteste également, arguant qu’en admettant même l’exactitude de l’interprétation littéraliste des Karaïtes, il aurait été évident à l’assemblée des Sages d’Israël que le « lendemain du sabbath » n’est mentionné qu’afin d’enseigner que si l’offrande de l’omer avait été réalisée un dimanche, Chavouot devrait tomber un dimanche, que s’il avait lieu lundi, Chavouot devrait avoir lieu lundi etc (66).

La communauté karaïte cairote observait la fête par un pèlerinage à Jérusalem ; des offices spéciaux avaient lieu à la kenessa en ce jour, les gens mangeaient des produits de la nouvelle récolte ainsi que des plats à base de lait et de miel. Une coutume typique, d’origine inconnue, voulait que les maris offrent une oie à leurs épouses, afin d’éviter tout malentendu à l’avenir (67).

Dans le samaritanisme

Les Samaritains, adeptes d’un mosaïsme non-juif, célèbrent également Chavouot le dimanche et l’observent par le second de leurs trois pèlerinages sur le mont Garizim. Les festivités commencent à la sortie du chabbat, par une dégustation de plats froids à base de fromage et de salades. Le pèlerinage a lieu le lendemain vers quatre heures du matin et suit le même parcours que ceux de Massot et Souccot (68, 69, 70).

Selon la tradition samaritaine, le don de la Torah a lieu le quatrième jour (mercredi) de la sixième semaine de l’omer, trois jours avant Chavouot, et donne lieu à un long office de prière, depuis mardi minuit jusque mercredi vers six heures du soir, au cours duquel les Dix commandements sont solennellement lus (71).

Dans la tradition des Beta Israël

Les Beta Israël d’Ethiopie sont les dépositaires d’un judaïsme pré-rabbinique principalement basé sur la Bible, en voie de disparition depuis leur émigration massive en Israël et leur adoption du judaïsme orthodoxe.

Ils commençaient, probablement sous l’influence du Livre des Jubilés (72), le décompte de l’omer au septième jour de Pessa’h mais leur calendrier n’étant pas celui de Jubilés, ils célébraient la fête de la récolte (Ba’al Ma’rar), le 12 sivan (21). Les préparatifs commençaient trois jours auparavant par des ablutions dans le fleuve ; au jour de la fête, des prémices étaient apportées au masggid où elles étaient bénies par le prêtre. On s’invitait ensuite mutuellement à partager le repas de fête (73).

Une autre fête de la récolte, également appelée Ba’al Ma’rar ou Ba’al bikkourot, avait lieu cinquante jour après Souccot, du fait d’une saison des pluies typique des plateaux d’Éthiopie. Elle donnait lieu au même rite ; l’injera (une manière de grande crêpe) était typiquement consommée avec du lait et du beurre (74).

Chavouot en Israël

Comme Pessa’h et l’offrande de l’omer, Chavouot devient, dans le mouvement pionnier du kibboutz, un festival champêtre où sa dimension agricole donne lieu à la glorification du lien de l’homme avec la terre, bien plus qu’à celle de la providence divine (75).

Au milieu des années 1930, Zashka (Ceska) Rosenthal, émigrée polonaise et membre fondatrice du kibboutz Gan-Shmuel, institue la procession des bikkourim, après s’être fait expliquer le sens de cette fête qu’elle ignore. Comprenant qu’elle présente de nombreux points communs avec les réjouissances de la moisson en Pologne, elle conçoit un projet similaire. Un autre membre, Binyamin Bolek, lui confère une tonalité plus juive en s’inspirant du rite des bikkourim décrit dans la Mishna. Le destinataire des prémices n’est toutefois plus le prêtre de Dieu mais le représentant du Fonds national juif (76).

L’aspect graphique et esthétique de ces processions est particulièrement recherché. Elles inspirent de nouveaux chants comme Salenou al ktafenou (« Nos paniers à l’épaule ») de Levin Kipnis et Yedidia Admon ou Shibbolet bassadè (« L’épi dans le champ ») de Matityahou Shelem. Comme nombre de chants sionistes d’alors, ils citent parfois la Bible, avec Eretz zavat halav oudvash (« Terre qui ruisselle de lait et de miel » – Exode 3:8, mis en musique par Eliyahou Gamliel) ou Ve’hag Shavouot taasse lekha (« Et tu feras la fête de Chavouot » – Exode 34:22, mis en musique par Yedidia Admon) mais ils évoquent rarement Dieu (75).

Ces célébrations connaissent un déclin dans les générations suivantes, moins idéalistes et romantiques que leurs aînés (75). Elles n’ont cependant pas disparu (77) et ont contribué à une plus grande conscience de Chavouot parmi les Juifs laïcs d’Israël que parmi ceux de la diaspora (78).

Échos de Chavouot dans le christianisme

La Pentecôte chrétienne constitue une réinterprétation chrétienne de la perception pharisienne de Chavouot, l’Esprit saint descendant sur les apôtres comme Moïse descend du Sinaï avec les Tables de la Loi (21). Le thème principal de la Pentecôte est celui du « don des langues », des « langues de feu » qui descendent sur les apôtres. En d’autres termes, il s’agit de l’universalité du message évangélique, inspiré par le Paraclet.

Le délai de sept semaines est repris dans le christianisme, la Pentecôte étant célébrée cinquante jours après Pâques. Cette fête religieuse s’est constituée peu à peu, probablement entre le IIe et le IVe siècle (79).

Wikipédia.org

Notes et références

1. Exode 23:16-17

2. Exode 23:17 & 34:26

3. Nombres 28:26

4. Exode 34:22 ; Deutéronome 16:10

5. Gugenheim 1992, p. 165

Lévitique 23:9-22 ; Nombres 28:26-31

7. Deutéronome 16:1-12 ; cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Isaacs 1999

8. 2 Rois 4:42, Isaïe 9:2 & Jérémie 5:24 cf. Jewish Encyclopedia 1906

9. 2 Chroniques 8:12-13

10. Tobie 2:1-6, cf. Isaacs 1999

11. 2 Macchabées 12:29-32, cf. Isaacs 1999

12. cf. Sifrei Devarim, Rèè, piska 140, cité in Kitov 2008, p. 504

13. Mishna Bikkourim 3:2-5 & 8, d’après Gugenheim 1992, p. 165

14. T.B. Haguiga 18a ; voir aussi Michna Beroura 494:6

15. Cf. T.B. Haguiga 9a

16. a et b Gugenheim 1992, p. 164

17. Jubilés 16:1 & 46:4, cités in Jewish Encyclopedia 1906 mais selon Jubilés  archive »>Article original 1:1, Moïse est monté sur la montagne le 16

18. T.B. Menahot 65a-b

19. Cf. Mishna Shevi’it 1:1, Roch Hachana 1:2, T.B. Haguiga 9a, 18a etc. Cf. Encyclopedia Judaica, « Azeret  archive »>Article original » sur Jewish Virtual Library, 2008

20. T.B. Pessahim 42b & 68b ; voir aussi Flavius Josèphe, Antiquités judaïques vol. iii. chap. 10, § 6

21. a, b, c et d Jewish Encyclopedia 1906

22. a et b (en) Sybil Kaplan, « Shavuot foods span myriad cultures  archive »>Article original ». Consulté le 6 juin 2011

23 a et b Kitov 2008, p. 512, Hote 2010, 494:56 & (he) Shmouel Pinhas Gelbard, Otsar Taamei Haminhaggim, t. 2 (Vessama’hta be’hagei’ha), Mif’al Rachi lire en ligne  archive »>Article original« >Article original, p. 394

24. a et b T.B. Chabbat 86a-88a ; cf. T.B. Pessa’him 68b, Exode Rabba 31, Guide des Égarés III:41, Arbaa Tourim Orah Hayim 494, Choulhan Aroukh Orah Hayim 494:1, Maguen Avraham, introduction au siman 494 & Kitov 2008, p. 499

25. Jubilés 6:15-21 & 22:1, cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Isaacs 1999

26. Isaacs 1999 ; cf. Weill 1948, CLXXXI, §2

27. Tour Bareket, cité in Kitov 2008, p. 505 ; cf. I. Greenberg, « The Covenant & God – God, too, is bound by this divine agreement  archive »>Article original » sur My Jewish Learning. Consulté le 3 juin 2011

28. Weill 1948, CLXXXI, §1

29. Zohar, parashat Yitro, 78b, cité in Jewish Encyclopedia 1906

30. Rabbenou Behaye s.v. Lévitique 23:16

31. Aroukh Hashoulhan Orah Hayim 493:1 ; cf. Weill 1948, CLXXIX, §15

32. Kitov 2008, p. 505 & Hote 2010, 494:3

33. cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Kitov 2008, p. 513-514

34. Kol bo, chapitre 52 ; Hid »a, Lev David, chapitre 31

35. Cf. Eliezer Waldenberg, Tzitz Eliezer, tome 14, chapitre 64:5

36. cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Kitov 2008, p. 505

37. Kitov 2008, p. 506-509

38. Sefer Maharil, Hilkhot Shavouot, §2, cité in Maguen Avraham 494:5 mais voir Mishna Beroura 494:10 qui lie cette coutume au don de la Torah, cf. Hote 2010, 494:65

39. Cf. Mishna Beroura 494:10

40. cf. Jewish Encyclopedia 1906 & Kitov 2008, p. 530

41. Sefer Aboudraham, Tefillot Hapessa’h, cf. Kitov 2008, p. 530

42. Shaarei Teshouva sur Choulhan Aroukh Orah Hayim 494

43. Shayarei Knesset Hagdola sur Tour Orah Hayim 494, note 9:7

44. Hote 2010, 494:5-7

45. Tourei Zahav sur Choulhan Aroukh Orah Hayim 494 & Shnei Louhot Habrit 179b

46. Or Letzion, tome 3, chapitre 18, n°4 & Hazon Ovadia, yom tov, p.305, cités in Hote 2010, 494:9-10

47. Hote 2010, 494:11

48. Rem »a sur Choulhan Aroukh 494:3 ; voir Gugenheim 1992, p. 59

49. Hote 2010, 494:13-16

50. Mishné Torah, sefer zmanim, hilkhot yom tov 6:20 & Hazon Ovadia, yom tov, p. 319, cités in Hote 2010, 494:60

51. Rem »a sur Choulhan Aroukh 494:3

52. Darke teshouva 89:19 ; Hote 2010, 494:57-58

53. Hote 2010, 494:29 & 40

54. Maguen Avraham 494 ; voir Kitov 2008, p. 514 qui explique qu’ils ne dormirent pas par paresse mais par crainte de n’être pas assez dispos et que leur sommeil était surnaturel donc voulu par Dieu

55. Kitov 2008, p. 505 & 515, Hote 2010, 494:25-28

56. Hote 2010, 494:64

57. Hote 2010, 494:52-53

58. Kitov 2008, p. 505

59. Mishna Beroura 494:4, cf. Hote 2010, 494:19

60. Choulhan Aroukh Orah Hayim 494:1, cité in Hote 2010, 494:17

61. Kaf Hahayim 494:27, cité in Hote 2010, 494:18

62. Choulhan Aroukh Orah Hayim 494:2, cité in Hote 2010, 494:22

63. Levoush Orah Hayim 490:9, cité in Sperling 1956, simanim 588-589

64. Betzalel Stern, Betzel Ha’hokhma, tome 4, Jérusalem 1990, responsum n°120

65. Jewish Encyclopedia 1906 ; voir aussi (en) Shavuot (Feast of Weeks)  archive »>Article original sur Karaite Korner. Consulté le 5 juin 2011 & 9 Classical Karaite Proofs on the Morrow of the Sabbath  archive »>Article original sur Light of Israel. Consulté le 5 juin 2011

66. Kuzari, livre III, §41

67. (en) Mourad El-Kodsi, « Hag ha-Shabu’ot  archive »>Article original » sur Kararite (sic) Jews of America. Consulté le 5 juin 2011

68. (he) Hag hashavouot  archive »>Article original sur Hashomronim. Consulté le 5 juin 2011

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bouledogue818

Que chaque juif s’efforce de faire vivre nos belles fêtes en refusant l’assimilation. Etre juif et fier de l’être pour D.ieu d’abord, puis pour nous. Tout, absolument tout est écrit dans la Torah, Lumière du monde qui a inspiré toutes les religions.