Il avait rêvé d’imposer un califat islamique sur tous les pays musulmans du monde. Pour y parvenir, Oussama ben Laden voulait un jihad global, une guerre sainte totale. Et son instrument, c’était Al-Qaïda.
Ce label du terrorisme a fait parler de lui avec les attaques des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en août 1998, du destroyer américain « USS Cole » au Yémen en octobre 2000, et surtout des tours jumelles à New York en septembre 2001.

Ont suivi l’attentat de Bali en octobre 2002, les carnages de Madrid en mars 2004 et de Londres en juillet 2005. Mais le déclin était amorcé depuis le milieu des années 2000. Oussama ben Laden était déjà politiquement mort avant d’être tué dimanche par les services spéciaux américains.

Une organisation affaiblie

« C’est aujourd’hui une organisation affaiblie dont la mort symbolique a été scellée lors du discours du président Obama à l’université du Caire en juin 2009 où il réorientait la politique arabe des USA », explique Khadija Mohsen-Finan, politologue, professeur à l’Institut Maghreb-Europe. Dans cette allocution, le président Obama dissociait « l’islam et les musulmans de la lutte menée contre le terrorisme islamiste ». Une position qui a permis un « nouveau départ entre les Etats-Unis et le monde musulman ».

Une idéologie sans relais

Pour cette enseignante à l’université Paris-VIII, un signe ne trompe pas : « Les récentes révolutions dans le monde arabe se sont faites sans référence à Al-Qaïda. » « Cela prouve la marginalisation de ce mouvement et de son leader dans les sociétés arabes », poursuit-elle. Al-Qaïda « a été ignoré par la rue arabe » et ne peut donc plus faire campagne dans ces pays pour dénoncer « les régimes dictatoriaux corrompus » tombés les uns après les autres.

Un jihadisme en panne

Le recrutement et l’exportation de combattants musulmans vers les zones de conflits en Irak ou en Afghanistan s’est tari selon les spécialistes. « L’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) n’a jamais réussi à fédérer et à unir tous les mouvements islamistes de cette région du Maghreb. Aqmi n’est jamais parvenu à déstabiliser des pays comme le Mali, le Niger ou la Mauritanie et n’a pas réussi non plus à frapper en Europe. Le jihad global revendiqué au départ est redevenu un jihad local », constate Khadija Mohsen-Finan. Une guerre sainte faite aujourd’hui d’enlèvements et d’attentats dans des sites touristiques qui relèvent finalement plus des pratiques du banditisme que de la révolution islamiste.

Un héritage à reprendre

« Cette mort physique de Ben Laden ne signifie pas pour autant la fin d’Al-Qaïda », analyse Khadija Mohsen-Finan qui voit en Ayman al-Zawahiri, idéologue égyptien du mouvement et compagnon d’armes de Ben Laden, un héritier parfait. Même avis pour Marc Hecker, chercheur à l’Institut français des relations internationales, qui décrit ce médecin comme ayant « la légitimité politique mais aussi celle que lui a donnée le combat qui l’a marqué dans sa chair ».

La quête d’un renouveau

« Le mouvement jihadiste est en crise. Mais il n’est pas possible d’enterrer Al-Qaïda », assure Marc Hecker. La nébuleuse Al-Qaïda a essaimé partout dans le monde comme un label de marque. Plusieurs mouvements ont fait allégeance (voir ci-dessus).

Deux d’entre eux labellisés par Al-Qaïda ont encore le vent en poupe et « ont toujours la capacité de frapper de manière sporadique » selon ce chercheur : Al-Qaïda au Maghreb islamique et Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Cette dernière dispose d’un site Internet de propagande, en anglais, appelé Inspire, basé au Yémen, pour recruter des jihadistes qui ne comprennent pas l’arabe. C’est en lisant les prêches d’Anwar al-Awlaki sur ce site que le major médecin psychiatre de l’armée américaine d’origine palestinienne Nidal Malik Hasan est passé à l’acte en novembre 2009, tuant 13 soldats sur la base de Fort Hood (Texas).

Jean-Marc Ducos

Le Parisien.fr

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