Dernière d’On n’est pas couché : de Zemmour à Caron, comment la formule s’est essoufflée.

Ce samedi, les téléspectateurs de France 2 ont retrouvé le dernier numéro de la saison d’On n’est pas couché qui sera aussi le dernier de Natacha Polony. A cette occasion, le romancier Christian Combaz retrace l’histoire d’une émission qui a évolué avec la société.

Christian Combaz est écrivain et essayiste. Son dernier livre, «Gens de Campagnol», est paru en 2012 chez Flammarion. Lire également ses chroniques sur son site .

De temps à autre, l’un des censeurs sous pseudonyme qui se déchaînent sur internet à propos de la prose d’autrui voudrait que les auteurs sérieux cessent de parler de la télévision comme si le sujet était impropre à susciter des réflexions utiles . Autant demander à un écrivain de cesser de parler de ce qu’il entend au café d’en bas. C’est ridicule, d’autant qu’une fois sur deux, on y parle, justement, de la télévision. Le sujet est donc légitime. En outre la télévision ne reflète plus seulement les préférences de nos contemporains, elle les modifie comme on le voit dans le théâtre moderne et les pièces dérivées de l’univers de Ionesco. La télévision s’est invitée au casting qu’on le veuille ou non. Elle est désormais un personnage comme les autres de la comédie sociale.

Chaque spectateur derrière son poste prend fait et cause pour le Gnafron de la semaine contre le Gendarme Caron sous l’oeil plissé d’un Ruquier-Guignol qui est à la fois acteur et producteur du spectacle.
Pendant les six derniers mois quel aura été l’un des thèmes de conversation les plus récurrents le lundi au bureau? «Cette émission tête-à-claques, vous savez, là, qui se mêle de tout ,comment s’appelle t-elle déjà?»

-On n’est pas couché.

– Ah oui.

A l’occasion de la dernière de la saison on s’avise qu’au fil des années l’expression «tête à claques» a donc cessé de s’appliquer aux invités qui y faisaient, au début, l’objet d’une espèce de tournante humoristique avec la complicité malsaine du public. On l’emploie désormais à propos des animateurs eux-mêmes. C’est une révolution et, comme toute révolution, elle comporte un message d’espoir.

Il y a dix ans les questions-réponses, les petites méchancetés, les faux-apartés, les devinettes et les puérilités diverses qui émaillent ce genre de soirées avaient pour objet d’ébranler le piédestal d’un invité prétentieux, hautain, homme politique, entrepreneur, écrivain que le succès venait de couronner et qui avait perdu tout contact avec la réalité. Au fil de la dernière saison, c’est l’émission elle-même qui est maintenant perçue comme prétentieuse, hautaine, hors des réalités. On voudrait la voir tomber de sa loge VIP . Cela prouve déjà que la chose ne va pas tarder et que, s’il y a une nouvelle saison, ce sera probablement la dernière. La morgue idéologique, la morale sourcilleuse, le puritanisme dans l’expression de l’indignation, le mépris de classe à l’égard de la piétaille réactionnaire qui pointe au bureau à huit heures, qui achète ses légumes et qui vote mal, sont désormais le fait de ceux qui posent les questions, et non de ceux qui sont assis dans le box. Chaque spectateur derrière son poste prend fait et cause pour le Gnafron de la semaine contre le Gendarme Caron sous l’oeil plissé d’un Ruquier-Guignol qui est à la fois acteur et producteur du spectacle.

L’évolution de l’émission est donc particulièrement représentative de celle de la société française en son entier, et c’est en quoi elle intéresse ceux qui font profession de réfléchir, de décider, de gouverner. Désormais, dans l’imaginaire populaire, les puissants, les arrogants, les inadmissibles ceux qu’on a envie de se payer, ne sont plus les Tapie, les Véronique Genest, les Frigide Barjot et les Depardieu, mais les roquets qui sont pendus à leurs basques et qui consultent leurs fiches entre deux questions.

FIGAROVOX/HUMEUR –

Par Christian Combaz Publié le 13/06/2014 à 20:04

lefigaro.fr Article original

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