Le thème concerne le 3ème Bayit : le 3ème temple et la période qui l’entoure.

Je ne vous cache pas que bien que n’étant pas complétement étranger à cette maison c’est quand même pour ce soir avec quelques émotions que je vais prendre la parole sur le sujet qui a été choisi, d’une part parce qu’il s’agit d’une de nos premières manifestation au centre Rashi, en ce qui concerne le 40ème anniversaire de l’état d’Israël, et 40 ans c’est long. Ceux d’entre nous qui étions déjà conscients de l’importance de cet événement considérable dont je vais essayer de parler ce soir à cette époque, ne peuvent pas ne pas avoir en tête les souvenirs de ce temps-là lorsque nous avons appris que plus de 2000 ans après la grande dispersion du peuple juif, la nation d’Israël se restaurait, dans les difficultés que vous savez, extérieures et intérieures, auxquelles il faudra faire allusion immédiatement et tout à l’heure ; et je crois que la massivité de l’événement que nous commémorons, bien que les contemporains n’aient pas toujours le recul suffisant ou nécessaire pour apprécier le privilège de vivre l’époque qu’ils vivent, ne peut que déclencher et produire l’émotion dont je vous parle.

Et à titre personnel, cela se colore du fait que cette soirée se passe à Rashi bien entendu. Et du fait que j’ai ce privilège d’être à la fois membre de la communauté où nous nous trouvons en France et citoyen israélien. 

Comme vous le savez on ne peut pas parler de tout à la fois, mais on ne peut pas éviter le fait que les sujets que nous allons traiter, ou en tout cas les remarques ou analyses que je voudrais vous proposer,  impliquent des passions.

 
Lorsque nous vivons un événement de changement d’identité, ce que j’ai l’habitude d’appeler de mutation d’identité, bien que logiquement ces deux termes sont en collision de concept, il y a inévitablement un monde de passions tel que chacun les vit à sa manière ; et puisque notre vie s’insère  dans la durée cela change parois le long de la durée, cela se nuance le long du temps de chacun, mais je vais essayer de me tenir au niveau le plus abstrait possible dans le sens étymologique, c’est-à-dire un peu en recul des passions de l’immédiateté que nous avons en mémoire et à l’esprit de telle sorte de pouvoir me relier aux enseignements de la tradition qui est très longue et  ancienne concernant ce moment que nous vivons d’avoir le privilège de vivre un 40ème anniversaire de l’apparition de la société israélienne comme nation hébraïque après 2000 ans et plus de temps juif.  

Je voudrais consacrer une partie des premières analyses à la confrontation si j’ose dire de ces trois termes qui vont revenir dans nos propos ce soir : hébreu, juif, israélien. Nous avons tous conscience qu’il y a premièrement synonymie à beaucoup de niveaux, qu’il s’agit de la même identité, mais que, cependant, à travers l’histoire et à travers les grands événements de passage d’époque à époque de notre histoire si longue, il s’agit quand même de trois indices d’identité différents de la même identité.

Les choses ne sont pas simples, mais rien de ce qui concerne Israël et les Juifs n’est simple comme vous le savez. Il faut nous relier à la réalité comme nous la connaissons, comme nous la vivons, comme l’histoire nous la propose ou nous l’impose même parfois. C’est à ce niveau que j’essaierais d’une part de m’en tenir aux contenus de messages, d’informations, de connaissances que certains textes auxquels je vais me référer nous transmettent au sujet de l’événement dont nous parlons, le début de la troisième maison d’Israël – et je préciserais très rapidement dans quel sens j’ai pris ce terme – et d’autre part, de ne jamais oublier que pour nous Juifs, il ne peut s’agir que d’idées seulement, d’idée abstraites seulement. Nous sommes insérés dans une question qui par rapport à notre longue histoire est une question d’existence. Je ne tomberais pas dans le pathos de dire « question de vie ou de mort » parce que la vie d’un peuple qui a une dimension d’éternité ne se définit pas à ce niveau-là, mais en tout cas d’existence et de conditions d’existence.

Et j’y ferais allusion que cela sera nécessaire que nous avons à rencontrer des problèmes graves et qui parfois déclenchent des options passionelles qu’on ne peut nier, mais que nous essaierons de laisser en marge de l’analyse de connaissances proprement dite de l’analyse de ce sujet.

Première remarque sur le sens de l’expression « la troisième maison d’Israël ».

Evidemment, il y a une ambiguïté. S’agit-il du Beit Hamiqdash ? 

Le temple qui se dit dans l’hébreu traditionnel « la maison de la sainteté ».

Il y a eu le Bayit Rishone le premier temple, la première maison.

Il y a eu le Bayit Shéni le deuxième temple, la deuxième maison.

Y-a-t’il déjà les signes plus qu’annonciateurs puisqu’il s’agit de l’existence d’un rassemblement qui ne s’était pas fait depuis 2000 ans, un Bayit Shlishi, une troisième maison ?

 
Ce n’est pas d’abord dans ce premier sens du temple – Beit Hamiqdash – que j’ai pris ce terme, puisque je parle de la réalité. La réalité de l’expression de « maison d’Israël » c’est « Beit Israël ». C’est le fait que après un long temps d’exil, l’identité Israël se reconstitue, se restaure. Et de même qu’il y a Beit Israël la première fois au temps du premier temple, Beit Israël la deuxième fois au temps du deuxième temple et du royaume de Juda, il y a déjà Beit Israël, la maison d’Israël, avant même que l’on ne parle de la question du temple à proprement parler.

Parmi toutes les sources très nombreuses qui parlent du 3ème retour et de la 3ème construction de la maison d’Israël qui implique à un certain niveau du programme messianique le Beit Hamiqdash  le temple à proprement parler, et dès que quoique ce soit de ce programme a commencé, c’est que tout a commencé, en particulier l’événement massif que pendant 2000 ans le rassemblement des exilés ne pouvait se faire et qu’il s’est fait : c’est l’événement qui est son propre signe à ce niveau. Et pour une tradition qui commence par affirmer que l’histoire qu’elle vit est sous le regard du Créateur et de la Providence, de la Shékhinah la Présence de cette Providence, même si elle est cachée – et c’est le postulat premier et profond de toutes traditions juives de quelques nuances qu’elles soient – et bien des événements d’une telle massivité ne peuvent pas ne pas avoir leur sens traditionnel.

Les modernes ont certaines réticences vis-à-vis des événements et de leur « historiosophie » selon le terme de Jacob Gourdin za’l. Réticences parce qu’on leur a proposé tellement de modèles d’explication de l’histoire qui ont abouti à des catastrophes, des systèmes idéologiques qui ont basculé dans des positions politiques qui évacuaient la morale de l’histoire. Et nous devons prendre acte que c’est avec beaucoup  de précautions, de méfiance et de prudence, que nous devons manier cette catégorie de l’historiosophie – la signification au niveau de l’histoire de la destinée des événements que nous vivons.

Mais il faut savoir que la conscience du Talmid ‘Hakham dans l’atmosphère de son étude baigne dans cette évidence du lien profond entre la vérité et la réalité.

Nous sommes des monothéistes. Il n’y a pas de dychotomie entre la réalité et la vérité. Et lorsque la vérité parle de la réalité, c’est de la réalité vécue qu’elle parle. Je sais encore une fois que pour le moderne une telle catégorie ou postulat d’évidence est non pas seulement étrangère mais également suspecte. En atmosphère de culture occidental, cela peut paraître « mythique » à force d’être « mystique ».

Je vous propose une définition de la mystique: on dit de queulqu’un qu’il est mystique lorsque tout simplement il croit vraiment à ce en quoi il croit. Or, je parle de la tradition juive et de ce qu’elle dit et croit d’elle-même.

Or, précisément, parmi toutes les références des sources très nombreuses qui parlent de l’éventualité du retour du troisième exil, du commencement de la 3ème maison d’Israël, c’est toujours dans ce sens de Beit Israël – maison d’Israël – que l’expression est prise, mais toujours dans la référence au Beit HaMiqdash.

J’ai choisi une de ces références dans un des grands commentateurs des textes de la révélation qui est Rabbénou Be’hayé qui parle de ce problème à propos de la vision de Jacob. Je vous citerais immédiatement cette référence, avec comme principe de ce que je voudrais essayer de vous transmettre sour forme de 2 remarques :

Sur ce premier point qui parle donc de cette 3ème maison d’Israël, nous avons le privilège de connaitre et d’être contemporains, témoins, participants et acteurs de ce qui se passe dans cette mutation énorme de l’identité d’Israël : hébreu-juif-israélien.  Il en parle comme d’un événement irréversible et définitif. La 3ème maison d’Israël, avec toutes les connotations que cette expression exprime, est toujours citée dans nos textes comme un événement ultime, définitif, irréversible. C’est la 1ère remarque.

La 2ème remarque : je me référerais à un exemple dans la discussion talmudique à propos apparemment d’une question de rite éloignée de notre sujet mais qui est en plein dans notre sujet. Dans de telles questions, il faut savoir que ni l’érudition (la référence à la lecture des textes de la révélation hébraïque, ou au commentaire du verset) ni l’idéologie (terme moderne pour parler de la capacité de raisonnement de l’analyse d’une réalité), ni l’érudition (le recours au verset ou au commentaire du verset, et quelque soit l’honnêteté de l’érudition) ni la clarté du raisonnement exposé (une prise de position à ce sujet) ne peuvent trancher. C’est un enseignement du Talmud :

Ee Ba’it Eima Kera, Ee Ba’it Eima Sevara.

Lorsque 2 sages sont en controverse, alors tout de suite la dialectique propose une discussion au niveau du verset ou une discussion au niveau de la raison. Et nous voyons que ni l’érudition, ni le raisonnement ne peuvent trancher parce qu’il y a une option de foi… C’est la 2ème remarque. C’est donc aussi à ce niveau et ces catégories que j’en parlerais.

 
Il faut savoir que dans la tradition juive authentique, lucide, attentive, adulte, toutes les opinions ont place, mais cela ne signifie pas que toutes ont force de loi.

Il est bien évident, en me référant à cette exemple de dialectique évoquée dans la première remarque, que ces deux positions nous pouvons les rajeunir dans l’événement que nous vivons et que nous commémorons ce soir.

Devons nous considérer  les événements qui font que du sein du peuple juif la nation hébraïque s’est restauré 2000 ans après dans les commencements d’une histoire difficile, parce que c’est selon l’expression même des prophètes un véritable engendrement dans le sens d’un accouchement dans les douleurs des problèmes intérieurs et extérieurs, doit-on considérer le troisième état juif qui s’appelle Israël comme la 3ème maison d’Israël ou pas ?

Alors il est évident que les passions auxquelles je me référerais tout à l’heure sont inévitables. Les uns diront oui, les autres diront non.

Et quelque soit le nombre de nuances d’opinions qu’il peut y avoir entre ce non et ce oui, en réalité, il n’y a que deux opinions : ceux qui disent oui et ceux qui disent non. Il faut le savoir clairement. Et avec référence, soit à l’érudition, soit au raisonnement.

C’est pourquoi j’ai tenu dès le début à indiquer qu’en saine dialectique talmudique cela ne suffit pas. Ni par l’érudition, ni par le raisonnement on ne pourra trancher.

J’ai évacué peut-être un point énorme de ce problème : Pourquoi tant de consciences juives nobles ne se réfèrent-elles pas du tout à l’événement que je désigne comme à un événement réel que nous sommes au commencement de la 3ème maison d’Israël. Et je vous rappelle que d’après nos textes s’il en est ainsi c’est irréversible, définitif et ultime.

Voilà à quel niveau de gravité nous devons nous approcher de ce problème.

Je disais donc qu’il y a aura l’opinion oui et l’opinion non mais il y a toujours la règle de la Halakha, c’est-à-dire la tradition qui tranche d’une certaine manière.

On dit souvent que la tradition hébraïque est une tradition à multiples facettes, parce que la vie est à multiples facettes. On cite « elou v’eilou divrei Elohim ‘hayim –  ceux qui disent cela et ceux qui disent celà sont paroles du Dieu vivant… ». Mais il faut comprendre ce qui est écrit : ce sont les  paroles vivantes du Dieu vivant. Cela ne veut pas dire n’importe quoi à propos de n’importe quoi.

 On ne peut pas dire n’importe quoi de n’importe quoi. Il y a, de façon légitime, telle facette ou telle facette, l’une et l’autre qui pourrait être la vérité dans telle ou telle condition et pas plus. Et ce sont les paroles du Dieu vivant qui sont les paroles du Dieu vivant ! Ce ne sont pas n’importe quelle parole juive qui sont paroles du Dieu vivant.

Dans l’exemple de dialectique que je signalais ndlr. Berakhot 4b »>Article original, Rabbi Yéhoshua Ben Lévi dit « non », lorsque nous sommes seulement au soir, bien sûr le jour nouveau a commencé puisque pour nous le jour commence au soir. Une fois arrivé au Erev, le crépuscule du soir, c’est déjà la délivrance du lendemain matin, mais il faut passer à travers la nuit. L’un dira « oui » cela a commencé, et l’autre dira « non » il faut attendre le lendemain matin lorsque le soleil se dévoilera pour savoir si le soir était vraiment le soir. Ce sont ces 2 opinions-là.

Cela a commencé… Qu’est-ce qui a commencé ? L’un dira : la nuit ! L’autre dira : le jour qui se lève commence cette nuit-là.

Il n’y a pas que la nuit, le soir en Israël, il y a aussi le clair de lune…, mais cette discussion que je vous cite :  Rabi Yo’hanane dit : Qui aura part au monde à venir ? C’est celui qui considère que la délivrance du soir c’est déjà la délivrance, bien qu’il faille attendre le lendemain matin seulement lorsque la lumière se dévoile totale.

Rabbi Yéhoshua ben Lévi pense: Non, puisque la délivrance du soir n’est pas sûre car elle n’est que le commencement d’elle-même, il faudra attendre le dévoilement du soleil pour savoir si le soir était vraiment le soir…

Deux opinions nous sont données en parallèle : ni la référence au verset – ils citent le même verset –  ni le raisonnement qu’ils proposent ne permettent de trancher.

Simplement, Rabi Yo’hanane dira : bien que la délivrance du soir n’est que la délivrance du soir et qu’elle ne sera excellente que le matin, c’est déjà la délivrance. 

Rabbi Yéhshua ben Lévi dit : puisque la délivrance ne sera excellente que le matin, celle du soir n’est pas délivrance ! 

Ces deux opinions qui sont paroles du Elohim vivant, sont présentes dans le Talmud l’une et l’autre.

Mais on oublie que la Halakhah a tranché pour Rabbi Yo’hanane.Deux opinions parrallèles se référant au même verset, donc ni la référence, ni le raisonnement, ne permettent de trancher. Mais la Halakha a tranché pour Rabbi Yohanan.

 
En effet, la discussion était de savoir si le soir on doit d’abord lire le Qriat Shémâ et ensuite la Téfilah ? Ou bien si on devait dire d’abord la Téfilah et ensuite le Qriat Shémâ ?

Cela s’appelle dans les catégories talmudiques, joindre la Guéoula, la référence à la notion de délivrance, à la Tfilah à la prière (ndlr. Semikhat Geoula Lit’filah). Pour le matin, il n’y a pas de problème : on est sorti de la nuit. On se sait délivré de la nuit, c’est dans la symbolique du rite. L’étude est beaucoup plus ponctuelle et profonde. Et donc le matin c’est clair : je sais que je suis sorti du monde de la nuit, et je peux me référer à cette délivrance que j’ai eu. Il y a providence, je suis sorti de la nuit. Je peux donc prier, c’est-à-dire demander…

Mais le soir ? Je ne sais pas si je sortirais de la nuit puisque j’entre dans la nuit ! Est-ce que j’ai le droit de me référer à la délivrance du matin alors que je suis à l’entrée du soir ? à l’entrée de la nuit ?  Rabbi Yéhoshua Ben Lévi dit donc: on fait la prière d’abord et l’invocation de l’unité de Dieu ensuite.(Les choses sont beaucoup plus amples que cela mais je schématise). C’est l’exemple que je voulais citer. Et la tradition dira « elou v’eilou divrei Elohim ‘hayim ».  Mais la Halakha a tranché : on fait comme Rabi Yo’hanane dans le rite.

Il y a une comparaison historiosophique que je voudrais vous proposer à partir de cette remarque.Il y a la position de ceux qui disent : la délivrance du soir n’est pas une vraie délivrance, on attendra les événements de dévoilement. Ce sera évident pour tous.En termes un peu « Talmoud Torah » : « quand le messie viendra ! »Cela se rattache à l’opinion de Rabbi Yoshua Ben Lévi.

Pour Rabi Yo’hanane, ce qui a commencé c’est cela qui a commencé.  Qui aura part au monde à venir ? Celui qui le soir fait référence à l’expérience de la délivrance de l’exil d’Egypte, la Guéoula – Gaal Israël – et immédiatement après prie le soir aussi et non pas seulement le matin.

J’ai bien conscience qu’il faudrait des heures pour expliquer ces 4 lignes de Talmud. Mais j’espère que vous avez retenu l’atmosphère générale de cette dialectique.

Nous verrons tout à l’heure qu’un des grands problème de cette 3ème maison d’Israël c’est les problèmes multiples de clivages, de ruptures et de fractures, de cet ensemble qui se rassemble.Et nous en connaissons au moins trois qui sont graves :

1-
La tensions entre les Juifs venus du monde occidental et les Juifs revenus du monde oriental.On les appelle par des termes trops schématiques Ashkénazim d’un côté et Séfardim de l’autre. Grâce à Dieu il y a déjà des mariage mixtes et les enfants vont bien !C’est un problème grave, mais il n’est que grave, si j’ose dire.

2-
Il y a aussi le problème diaspora-Israël.  Ceux des Juifs qui, quelque soit les raisons, sont en dehors d’Israël. Et ceux des Juifs ici qui quelque soit les raisons aussi sont en Israël. Israël-diaspora, c’est un problème grave.  On en parlera, mais il n’est que grave.

Je me souviens, enfant au Talmud Torah, le rabbin nous avait fait étudier un verset des Prophètes :

לא ידח ממנו נידח

Lo Yida’h Miménou Nida’h

Il m’est arrivé de citer cela qui est significatif.

Aucun ne sera repoussé au temps du retour.

Un enfant du Talmud Torah – avait demandé : est-il possible qu’ils reviennent jusqu’au dernier ?Nous savons maintenant que c’est invraisemblable !Et le Rav avait répondu : « ils reviendrons jusqu’au dernier qui reviendra ! » Et cela veut dire tous, puisque tous sont dans le cas. C’est pourquoi je vouis dis que c’est un problème grave. Mais il n’est que grave et pas plus. 

Nous verrons que peut-être dans la société israélienne le problème est moins grave malgré les apparences parce qu’il y a un avenir possible, et qu’il est peut-être plus grave en diaspora mais quoiqu’il en soit, le grave problème intérieur de cette 3ème maison d’Israël c’est cette cassure entre deux partie du même peuple, l’une qui se définit comme disciple de Moïse, la Torah, et l’autre qui se définit comme descendant des patriarches, le peuple, et pas plus.

A l’échelle individuelle cela ne serait pas très grave puisque c’est notre identité cette tension d’ambivalence dans l’identité elle-même : nous sommes à la fois des descendants des patriarches, et à la fois des disciples de Moïse.  A l’échelle individuelle, il est normal que cette tension dans la même identité soit vécue par chacun dans l’indice qu’il vit. Mais à l’échelle collective, cela fait problème. Je m’y référerais tout à l’heure.

Voilà pourquoi il faut dire que c’est sur cet écran de gravité que les autres problèmes prennent leur signification immédiate.

Ashkénaze – Séfarades, et cela veut dire 120 tribus différentes, ce n’est pas si simple que cela. Ce n’est pas grave.

Diaspora-Israël. En fin de compte, ce n’est pas grave. Car même si nous ne sommes pas unis le monde entier se charge dans les occasion qu’il choisit de nous unir…

Mais là où cela est vraiment grave c’est que nous risquons de faire éclater ce que la révélation nous a révélé d’unir: les descendants des patriarches et les disciples de Moïse.

Peut-être que si de notre temps ce problème se dévoile de façon aussi grave, c’est aussi paradoxalement un signe positif que nous nous trouvons vraiment dans un temps où l’identité hébraïque émerge de nouveau puisque ce sont ces problèmes qui émergent de façon si intense.

Or, on ne peut nier que 40 ans après – l’enseignement du désert entre l’enseignement de l’Egypte et le nouveau monde d’Israël – nous nous trouvons dans une situation qui devient aigüe. Les positions se radicalisent des deux côtés. Il y a un risque de « culture-camp », pour employer ce mot à la mode il y a quarante ans, qui affleure au niveau des municipalités.

Voici donc cette 1ère référence avant les deux schémas expliquant cette mutation d’identité dont je vous parle : hébreu, juif, israélien. Et avant la citation des deux problèmes principaux qui sont ceux de la 3ème maison d’Israël, les frontières. En termes géopolitiques c’est l’hostilité de l’environnemnt extérieure et d’autre part à l’intérieur cette cassure de notre identité profonde, qu’elle soit hébraïque, juive ou israélienne. Le problème Datim – ‘Hilonim. Voilà un peu le programme sur lequel nous allons réfléchir rapidement.

 
La 1ère citation à propos de la notion de l’idée de la 3ème maison d’Israël se trouve chez Rabénou Bé’hayeh à propos du chapitre 17 verset 28, dont je vous dirais quelques mots très rapidement : Lorsque Yaakov est parti pour son exil, il a eu une vision à Beit El, le fameux rêve de l’échelle. Et lorsqu’il s’est réveillé, il a pris acte, alors qu’il ne le savait pas, qu’il se trouvait dans un endroit où la révélation était réelle bien que cachée. Il a eu une révélation du sens de la destinée de sa descendance. C’est lui Jacob qui va fonder le peuple d’Israël après la sélection d’identité qui commence à Avraham, ensuite Isaac, et c’est Jacob qui devient Israël. Cette révélation bien que cachée lui est communiquée dans un rêve dit apparemment le texte. 

28:17 :

וַיִּירָא, וַיֹּאמַר, מַה-נּוֹרָא, הַמָּקוֹם הַזֶּה: אֵין זֶה, כִּי אִם-בֵּית אֱלֹהִים, וְזֶה, שַׁעַר הַשָּׁמָיִם

« il se réveille et il eu crainte et il dit : combien est redoutable cet endroit, cela ne peut être que la maison de Dieu, et cela est la porte du ciel… »

Petite paranthèse que je voulais vous citer : Le texte dit qu’il a eu un rêve.

C’est le verset 12 du chapitre 28.

28:12:

וַיַּחֲלֹם, וְהִנֵּה סֻלָּם מֻצָּב אַרְצָה, וְרֹאשׁוֹ, מַגִּיעַ הַשָּׁמָיְמָה; וְהִנֵּה מַלְאֲכֵי אֱלֹהִים, עֹלִים וְיֹרְדִים בּוֹ

Il rêva et voici qu’il y avait une échelle plantée dans le sol et vers le ciel…

On explique habituellement que dans son rêve se trouve une échelle plantée en terre et la tête dirigée vers le iel : la communication entre le ciel et la terre.

Mais ce n’est pas écrit ainsi. Il n’y a pas écrit « Vaya’halom il rêva, ouba’halomo et dans son rêve il y avait une échelle… ». Il est dit tout simplement: il rêva, ALORS il y a eu une échelle entre le ciel et la terre. C’est dire que c’est la capacité du rêve qui crée l’échelle, la communication entre la terre et le ciel et le ciel et la terre.

Et tous les Midrashim qui en rendent compte vont dans ce sens.

Quelle est cette échelle ? Un Midrash dira : c’est la prophétie. Un autre Midrash dira : c’est la prière. Un autre Midrash dira : c’est fumée du sacrifice ou de l’encens qui s’élève et monte depuis la terre vers le ciel… etc.

Il est bien évident qu’il s’agit de la communication entre le ciel et la terre c’est-à-dire entre la vérité et la réalité.

Dans sa vision, il a vu, dit le Midrash, le sens de la destinée de sa descendance. Les exils et le retour, jusqu’au dernier.

Rabénou Bé’hayé reprenant ce verset 28:17

28:17 :

וַיִּירָא, וַיֹּאמַר, מַה-נּוֹרָא, הַמָּקוֹם הַזֶּה: אֵין זֶה, כִּי אִם-בֵּית אֱלֹהִים, וְזֶה, שַׁעַר הַשָּׁמָיִם

Vayira Vayomar
Mah Nora HaMaqom Ha-Zeh
Eïn Zeh Ki Im Beit Elohim
Vé-Zeh Shâar HaShamayim

« il eut crainte et il dit : combien est redoutable cet endroit,
cela ne peut être que la maison de Dieu,
et cela est la porte du ciel ! »

nous dit qu’il y a 3 fois le terme de Zeh dans ce même passage qui font alllusion aux 3 maisons d’Israël.

La 1ère qui est le temps du 1er temple :

Mah Nora HaMaqom Ha-Zeh – combien est redoutable cet endroit

La 2ème qui est le temps du 2ème temple :

Eïn Zeh Ki Im Beit Elohim – cela ne peut être que la maison de Dieu,

Et la 3ème c’est pour le 3ème temple :

Vé-Zeh Shâar HaShamayim – et cela est la porte du ciel ! 

Et pour la troisième maison d’Israël, il ajoute : «  qui ne sera plus jamais détruite… ».

Si nous avions le temps, je vous lirais ce texte à la loupe. Je vous en donne la référence : le Rav Rabénou Bé’hayé sur le chapitre 28 de la Parasha de Vayetsé.

***

Voici pour la 1ère remarque. J’aborde maintenant un premier schéma de ces parallèles qui nous sont donnés par toutes les sources auxquelles je fais allusion, entre le fait qu’Israël a été fondé par 3 patriarches, les 3 pères engendreurs de son identité et le parallèle de ce qui se passera dans l’histoire du peuple d’Israël à travers les 3 grands exils et les trois grands empires (il y a toujours une dialectique de 3 qui sont 4 mais je simplifie) qui ont été en fait les grandes civilisations des grandes époques que nous avons traversés dans notre histoire, et les 3 patriarches.

C’est un peu une indication d’« historiosophie » dont je parlais tout à l’heure et à laquelle nous sommes habitués et familiers profondément dans nos études et dans l’atmosphère de l’étude traditionnelle. Cela demande beaucoup de temps pour rendre compte des analogies et des parrallèles de détails, mais je me bornerais aux grandes catégories.

D’abord, première remarque sur ce sujet, ce n’est pas habituel qu’une tradition soit fondée par 3 fondateurs. Toutes les autres traditions nous les connaissons à partir d’un fondateur. Qu’il soit le père engendreur ou le maître enseignant. Et voilà que dans le cas d’Israël, il y a trois pères-fondateurs: Abraham, Isaac, Jacob.

Ce n’est que au temps de Jacob lorsque l’épurement de la sélection d’identité des Banim, les fils des pères, est achevée que Jacob le 3ème des patriarches reçoit le nom d’Israël et fonde le peuple d’Israël. Peu de siècles après Moïse le maître et non plus l’engendreur, donne la Torah à cette nation d’Israël. Remarquez que cette nation d’Israël fondée par 3 fondateurs existe comme nation avant même que Moïse ne lui transmette la Torah.

Deux modèles :

D’une part, Avraham comme figure du père engendreur fondateur du peuple comme peuple, et d’autre part Moïse comme maître, enseignant et révélateur de la Torah.

Cela ne signifie pas qu’Avraham n’ait pas une capacité de prophète, c’est le premier homme dans la Torah a être nommé prophète. Cela ne signifie pas que Moïse n’aurait pas capacité à être fondateur de peuple, Dieu le lui propose. Mais le peuple est déjà irréversiblement celui des descendants des patriarches.

Mais ce sont deux fonctions différentes.

Et j’espère montrer assez rapidement que ces tensions d’identité de cette troisième maison d’Israël dévoilent, au niveau le plus fort, notre carte d’identité d’hébreu en tant que fils des patriarches et disciples de Moise. entre ces deux fonctions.

Essayer de raccorder et de mettre ensemble, d’une part, les problèmes décrits par les journaux qui ont une apparence de faits sociaux et politiques sans signification spirituelle sinon politique et sociologique, et d’autre part, les grands enseignements de l’esprit que la Torah nous donne concernant notre identité. Ce que j’ai appelé en citant  notre maître Jacob Gordin une  historiosophie. C’est-à-dire un effort de réflexion pour trouver le lien entre l’enseignement de la Torah comme Torah – ce que Dieu dit de l’histoire d’Israël dans la Torah – et d’autre part, les faits de la réalité que nous vivons, en tout cas dans les moments privilégiés. Il ne peut pas ne pas y avoir de moment aussi privilégié que le passage de l’identité juive à l’identité hébraïque de nos jours qui s’appelle Israël.

Effectivement, nous avons d’abord été des Hébreux. Ce n’est que tardivement que nous avons été les Juifs. Quelle différence entre ces deux termes au niveau de l’identité profonde ?

Et bien, le peuple hébreu se connait comme un peuple, comme une nation. Alors que le peuple juif, ce sont les rescapés des Hébreux comme peuple dispersé, greffé sur des identités de cités étrangères. Un hébreu du temps des Hébreux n’a jamais été qu’un hébreu, un point. Mëme lorsqu’un hébreu voyageait, il se connaissait et il était connu comme un hébreu en voyage, même si le voyage durait longtemps. Même si un hébreu parlait une langue étrangère, c’était un hébreu qui parlait une langue étrangère, enrichi par elle.  Et vous connaissez l’enseignement du Midrach sur Joseph et le « don des langues » que la traditon chrétienne a repris dans un tout autre sens. Le don des 70 langues.

Effectivement, l’hébreu était capable de parler toutes les langues de la terre. Mais lorsque c’était un hébreu qui parlait toute les  langues de la terre, il communiquait dans la langue en question – quoique ce soit la vérité unique pour ce peuple. Mais lorsque c’est l’inverse: quand c’est l’homme du peuple étranger qui parle de ce que la Bible des Hébreux a à dire, il projette son propre paganisme sur la révélation monothéiste de la Torah. C’est aussi un des problèmes actuels que nous vivons.

Pour dire que l’hébreu est capable des langues, mais comme hébreu. Et il sait que les langues dont il est capable sont des langues étrangères.

Imaginez le malentendu très fin qu’il y a entre nous ce soir: Je vous parle en français, essayez de faire l’effort d’imagination d’un hébreu parlant une langue étrangère. Cela vous parait invraisemblable. Surtout que je vous dirais que si je parle le français, ce n’est pas parce que né en France, mais c’est parce qu’il y a eu un incident dans l’histoire de Fance – la colonisation de l’Algérie – alors je parle français. Mais en réalité, ma langue, c’est l’hébreu, mais cela ne s’entend pas ! Vous avez remarqué ? En tout cas pas tellement ! C’est invraisemblable mais c’est comme ça…

Un hébreu en voyage c’était un hébreu en voyage.

Au temps des Juifs, après la destruction du 1er royaume de Judah et puis surtout du deuxième royaume de Juda, les Juifs étaient originairement des Judéens, les derniers des hébreux. Juif cela veut dire « judéen ». Et les Juifs sont les Hébreux de l’exil, tout simplement. Et la grande différence c’est que l’hébreu est hébreu, un point. Alors que ke juif a toujours été une identité mixte.

L’identité juive c’est les Hébreux en exil : Le juif c’est l’hébreu de l’exil. L’identité juive est toujours mixte : nous avons toujours été judéo-quelqu’un d’autre. Et comme le voyage a duré si longtemps les tensions d’identité dans cette identité de trait d’union – judéo-quelqu’un d’autre – avait tendance à s’inverser le plus souvent.

Or, voici qu’il y a 2000 ans l’hébreu est devenu juif, et de notre temps le juif redevient hébreu et c’est cela la troisième maison d’Israël.

Bien entendu, il redevient hébreu, mais il a une origine juive.
Les Juifs avait oublié qu’ils étaient d’origine hébraïque.

Et alors les Hébreux d’aujourd’hui, les Israéliens ont comme problème de ne pas oublier qu’ils sont d’origine juive !

Il s’agit pour nous de redevenir hébreux compte tenu du temps de mémoire de l’histoire juive, mais qui est si j’ose dire d’une certaine manière la préhistoire de cette 3ème maison d’Israël.

Et la 3ème maison d’Israël d’une certaine manière est contemporaine de sa propre préhistoire, puisque l’histoire du peuple juif continue, autour de la 3ème maison d’Israël. Et tout cela est un monde de problèmes que nous connaissons mais qu’il s’agissait d’identifier.

Il y a 2000 ans les Hébreux sont devenus les Juifs, et de notre temps 2000 ans après les Juifs redeviennent les Hébreux. Or, cela déclenche problèmes identitaires que nous vivons en tant que société de la société d’Israël actuelle. D’un côté vis-à-vis de l’extérieur, de l’autre côté à l’intérieur.

Je prends quelques exemples très rapides.

Il n’est pas étonnant que retrouvant l’identité hébraïque, le monde entier la redécouvre avec nous et que se retrouve toutes les difficultés dont la Bible avait parlé au temps des Hébreux.

Notre maître (Jacob Gordin ndlr.) nous disait souvent que la Bible c’est notre carte d’identité.

Nous sommes arrivés à un temps où nous pouvons lire notre carte d’identité.

S’est passé au moment de l’émergence de l’identité hébraïque dans l’universel humain, toute une série de réalités, de tensions, de conflits, d’oppositions, contre l’identité hébraïque d’Israël, que nous redécouvrons de notre temps. A l’intérieur et à l’extérieur.

Avant d’y arriver, je voudrais justifier cela, parce que les Juifs se sont habitués à projeter à postériori, de façon anachronique, le thème d’identité juive sur les Hébreux. On parle du judaïsme de Moïse, du judaïsme d’Avraham, parler des Juifs en Egypte…etc. Tout cela est un anachronisme énorme. C’étaient des Hébreux !

Mais il faut entendre que les Juifs sont d’origine hébraïque, ce sont les Hébreux de l’exil et non l’inverse.

Et la Bible elle-même nous l’indique : On nous parle d’Avraham l’hébreu.

Chapitre 14 de la Génèse :

Rachi avec humour : parce qu’il parlait la langue d’Ever, l’ancêtre des Hébreux.

Ever descendant de Shem et ancêtre d’Avraham a donné son nom aux Hébreux.

Que faisait un homme de la civilisation chaldéenne à Our Chasdim ? Il parlait la langue de Ever…

Il était hébreu en exil. Un peu comme de notre temps es Juifs qui parlent hébreu en Scandinavie !

Que fait un scandinave à parler hébreu ? C’est un juif !

Il y a là une analogie très frappante entre ces deux noms d’Abraham. Abram est son premier nom. La Guémara dit : son identité était araméenne – Av Mé-Aram – et qui parle l’hébreu…

… et puis cet effort de faire émerger en lui cette identité hébraïque qui était récessive qui était enfouie par son exil à Our-Kasdim, et lorsqu’il y arrive il se nomme Avraham. Et d’autre part, ce parallèle, quelqu’en soit le caractère aigü, entre les Juifs et les Israéliens: tout se passe comme si les Juifs étaient à l’indice Avram, et que les Israéliens tentent de trouver, ou retrouver, l’indice Avraham, passer d’araméen à hébreu. Au fond c’est ce qui nous arrive. Et c’est plein de problèmes !

Premier problème, que je signale, de la 3ème maison d’Israël : nous revenons d’exil avec une identité « Aram ». Elle s’appelle « juive » de notre temps. Et nous avons à retrouver notre identité hébraïque. Celle qui s’appelle Avraham.

Ce n’est pas par hasard, je, pense que ce qui a émergé avec l’émergence du sionisme israélien, c’est l’hébreu comme 1ère restauration d’identité, la langue hébraïque comme restitution de l’identité hébreux. Vous êtes de votre temps, dans votre génération, familiers avec cette présence de l’hébreu. Nous étions, nous, dans notre génération d’un temps de mise en clandestination totale de l’hébreu dans la culture universelle. Chez les Juifs y compris qui ne parlaient pas hébreu. Ils avaient des langues juives, « l’araméen », mais ils ne parlaient pas hébreu.

Et puis le monde de la culture universelle avait évacué l’hébreu et toute référence à l’hébreu de la culture contemporaine.

Voilà ce qui se passe dans la 3ème maison d’Israël. C’est Avram qui redevient Avraham. Et ce n’est que lorsqu’il redevient Avraham qu’il arrive à entendre les promesses que Dieu faisaient à Avraham alors qu’il n’était qu’Avram.

Deuxième référence :

Lorsque Joseph a été jeté dans la fosse-prison en Egypte et qu’on l’y découvre comme capable  d’interprêter les rêves, on lui demande qui il est – je ne fais aucune allusion à Freud mais enfin vous voyez qu’il y a un problème d’identité malgré tout – alors il répond :

Gn. 40:15:

כִּי-גֻנֹּב גֻּנַּבְתִּי, מֵאֶרֶץ הָעִבְרִים

« car volé j’ai été volé du pays des Hébreux ».

Or, combien d’hébreux y avait-il au pays de Canaan ? La famille de Jacob et de ses enfants ! Mais on connait cette terre comme la terre des Hébreux.

Effectivement, le Sar Hamashkim, le ministre de Pharaon à qui Joseph parle, comprend de quoi il s’agit ! On ne l’appelle pas encore « la terre d’Israël », ni « la terre des Juifs », on l’appelle « la terre des Hébreux ». C’est dire qu’elle est originellement la terre d’une nation, la nation des Hébreux, lesquels étaient en exil. Abraham est revenu de cet exil et a refondé et restauré ce qui sera la première maison d’Israël.

Autre référence comme exemple :

Lorsque Moïse est chargé d’avertir Pharaon que la fin de l’exil est arrivée, Dieu lui dit de dire :
Ex. 3:18 :

אֵלָיו יְהוָה אֱלֹהֵי הָעִבְרִיִּים נִקְרָה עָלֵינוּ

« Elohei Adonai Elohei Ha-ivrim Niqerah Alénou
L’Éternel, le Dieu des Hébreux, s’est manifesté à nous ».

Rashi :

נִקְרָה עָלֵינוּ

לָשׁוֹן מִקְרֶה וְכֵן וַיִּקֶר אֱלֹהִים. וְאָנֹכִי אִקָּרֶה כֹה. אֱהֵא נִקְרָה מֵאִתּוֹ הַלּוֹם  :

S’est révélé-manifesté (niqra) à nous : Lashon miqra : Par une rencontre fortuite soudaine et non par une présence permanente »>Article original, comme dans : « Hachem rencontra (wayiqar) Bil’am » (Bamidbar 23, 4) ; « et moi, j’y serai rencontré (iqarè) par Lui là-bas » (Bamidbar 23, 15).

Eloqei Ha-Ivrim –  le Dieu des Hébreux s’est révélé à nous ». Et le terme pour dire « révélé » dans ce verset, Rashi le souligne, signifie : « a fait iruption sur nous ».

Un peu comme cela est arrivé de notre temps : subitement, Dieu se jette sur nous comme Dieu des Hébreux. Et il est appelé ainsi. On pourrait multiplier les références sur ce point. Mais je crois que cela suffit pour restaurer restaurer l’identité hébraïque originelle.

Dans la dernière partie de cet exposé, je voudrais dire très rapidement que tous les problèmes extérieurs de la société d’ISraël sont les problèmes extérieurs de la famille des patriarches, quand l’identité hébraïque apparait elle les déclenche.

Vous remarquez que dans les récits bibliques, chacun des patriarches est accompagné par au minimum 2 personnages. L’un qui est l’antagonsiste absolu qui veut détruire ce qui est en germe.

Au temps d’Abraham : l’antagoniste c’est Nimrod – le tyran des empires. Et l’autre qui est une espèce d’approximation d’identité qui s’installe en rivalité. Au temps d’Abraham c’est Loth. De Loth procède deux peuples de prétention messianiques – Moav et Amon  – qui se séparent d’Israël. A la fin des temps, il y a l’espérance  que ce qu’il y avait de sainteté dans cette approximation d’identité  revienne, mais l’adresse c’est Israël et plus Loth, Amon et Moav.

Pour les érudits de la Bible vous voyez comment cela traverse les récits de la Bible toute entière.

Nimrod veut détruire complétement Avraham qui émerge comme hébreu.

Lot veut le remplacer.
 
A la 2ème génération c’est Isaac.

Nous avons un certain Avimelekh roi de Phillistée. On appelle cela aujourd’hui la Palestine. C’est le même mot. Il dispute à Isaac sa terre. C’est l’antagoniste d’Isaac.

L’approximation d’identité qui veut le remplacer c’est Ishmaël.  

3ème génération :

Yaakov avec son antagoniste Lavan et son rival-approximation Esaü. Lavan un étranger qui ressemble comme un frère mais là un frère qui ressemble comme un étranger, c’est Esaü.

Toutes ces rivalités, toutes ces prétentions d’annulation, nous les avons autour de nous : chacun d’entre nous peut faire le diagnostic à sa manière : où est Nimrod ? où est Loth ? où est Abimelek ? où est Lavan ? et où est Esaü ?  C’est clair ! 

Lorsque nous sommes plongés dans ces textes c’est clair ! C’est de l’hébreu pour les autres…

Et un 7ème personnage apparait à des moments caractéristique de notre histoire.

Les exils qui correspondent aux trois patriarches. L’exil d’Egypte correspond à l’histoire d’Avraham dit le Midrash, la vertu qu’Avraham a réussi à faire émerger à l’échelle individuelle son peuple sa descendance à l’échelle collective devra en faire la preuve dans cette expérience de l’exil d’Egypte. Et il en sort avec la vertu d’Avraham. L’exil de Babel, c’est Isaac. Et l’exil de Rome dont nous sortons c’est Jacob maintenant. C’est quand il sort de l’exil de chez Esaü qu’il reçoit le nom d’Israël. Ce que nous vivons. Tout cela est très amples, avec de multiples implications, mais je vous le dis très rapidement. Or, à chaque fin d’exil apparait un 7ème personnage à ces moments caractéristiques de notre histoire, qui récapitule et synthétise à chaque fin d’exil ces deux prétentions des ennemis-antagonistes d’Israël: Celles de Nimrod Abimelkh et Lavan qui est d’annuler au niveau de la terre du peuple et de l’âme. Et celle de Loth-Ishmaël-Essav qui est de remplacer. C’est Amalekh qui veut à la fois annuler et remplacer. Il est inutile de diagnostiquer c’est clair.

Effectivement, on s’aperçoit qu’Amalek apparait à chaque fin d’exil et chaque fois que l’exil prend fin et qu’Israël se restaure comme maison, apparait Amalek qui récapitule en lui les dossiers des antagonistes et des rivaux. Six plus un, et le septième qui les récapitule.

A la fin de la sortie d’Egypte, on nous parle la 1ère fois de l’irruption d’Amalekh sur les faiblards, les trainards de la sortie d’Egypte.

A la fin du 2ème exil, c’est toute l’histoire d’Amalek qui est reprise dans l’histoire d’Esther. Il ne s’agit que de cela… Dès qu’Israël se prépare à rentrer chez lui, Amalek se dévoile.

Et de notre temps, à la fin du 3ème exil, lisez les journaux…

Les problèmes intérieurs

Problème grave : c’est cette séparation entre les Juifs qui se définissent par le peuple et que ça, et les Juifs  qui se définissent par la Torah et que ça. C’est le problème grave de notre temps. Je crois que la Torah nous l’a déjà raconté dans la figure de Moïse.

Nous apprenons les problèmes extérieurs d’Avraham et de la famille des patriarches. Tous les problème intérieurs nous les apprenons de Moïse. Il faut savoir que le peuple d’Israël a connu Moïse sous un double visage. Et les références que nous avons à ce sujet sont très amples. D’abord le visage d’un chef politique à l’unique programme que nous appelons aujourd’hui « sionisme » : c’est-à-dire mettre fin à l’exil et rentrer au pays des ancêtres pour construire la maison d’Israël. Effectivement, en Egypte, quand Moïse apparait pour la 1ère fois il n’y a aucune allusion à aucune Torah encore, mais Moïse leur apparait comme un chef politique qui appelle à la révolte contre l’aliénation de l’exil : mettre fin á l’exil et se constituer en nation hébraïque.

Ex. 3 :18 :

אֱלֹהֵי הָעִבְרִיִּים נִקְרָה עָלֵינוּ

Le Dieu des Hébreux a fait irruption sur nous.

Au Sinaï, après la sortie d’Egypte avec ce que Moïse avait réussi à faire sortir d’Egypte – 1/5ème du peuple dit le Midrash – Moïse se dévoile dans un tout autre visage, le prophète révélant la Torah.

 
Il y a une tension d’identité dans cette perception du même peuple de son chef à deux visages. Cela n’a rien à voir avec ce que dit Freud dans son livre au sujet des deux Moïse. Ce sont des fantasmes.

Mais il y a quand même deux Moïse : le chef politique et son programme : pour lui la foi d’Israël c’est le sionisme il n’y en a pas d’autre. La promesse qui été faite que l’exil tant anormal prendrait fin et qu’on rentrerait construire la maison d’Israël en tant qu’Hébreux va s’accomplir. C’est cela le sionisme.

Et le deuxième visage de Moïse avec une Torah à la clef si j’ose dire.

Imaginez ce peuple en tension absolue entre deux manière de se définir. C’est ce que nous vivons, d’une certaine manière, dans la société israélienne. Cette éclatement en 4 parties que je vais essayer de vous décrire, dans une schématisation inévitable :

1- Ceux qui reconnaissent le Moïse chef politique et non le Moïse prophète. Ce sont les Juifs militants rejetant la religion juive. 

2- Ceux qui  reconnaissent le Moïse de la Torah du Sinaï et pas le Moïse de la sortie d’Egypte. Ce sont ceux qu’on appelle aujourd’hui les Juifs religieux anti-sionistes.

3- Ceux qui ne reconnaissent ni l’un, ni l’autre. On les appelle les assimilés.

 4- Ceux qui, grâce à Dieu, reconnaissent les deux Moïse, celui de la sortie d’Egypte et celui de la Torah.

 
C’est l’état de la société israélienne contemporaine, c’est l’état du peuple juif en général. Mais c’est dans la société israélienne que sont des problèmes d’identité au niveau de l’existence.

Pour paraphraser une phrase célèbre je dirais qu’ « il y a plusieurs chambre dans la maison de mon peuple », vous comprenez de quoi je ne parle pas – il y en a 4 au minimum –  Moïse de la sortie d’Egypte – Moïse de la Torah – Moïse de rien du tout, ni Moïse de l’un, ni Moïse l’autre – et Moïse des deux. Cette dernière représente l’identité hébraïque qui tend à faire l’unité entre ce qui nous vient des patriarches – l’appartenance nationale à la nation des Hébreux, et ce qui nous vient de Moïse, la révélation de la Torah est l’indice de l’universelle que l’âme juive a pris en tant qu’hébraïque. Elle est à l’indice de l’universel humain. 

Je crois que c’est ainsi que l’israélien peut vous parler de la manière dont il vit cette construction de la 3ème maison d’Israël. Je le dirais en deux phrases : C’est irréversible, c’est définitif, c’est ultime et c’est une question de foi.

Mais cela implique une grande érudition et une énorme capacité d’éclairage. C’est plein de problèmes, des problèmes extérieurs énormes, car nous avons autour de nous tous ces personnages qui ont entourés les patriarches. Et c’est plein de problèmes intérieurs. Nous ressucitons les problèmes des Hébreux dans notre relation à Moïse. Je parle de la diaspora.

C’est un autre sujet parce que – point d’orgue de cette analyse –  le problème de la diaspora c’est celui-ci. Seulement, c’est dilué au niveau des identités juives qui sont mixtes. Le caractère société juive n’existe pas en diaspora. Il y a la communauté juive. Il faut je crois reprendre le vocabulaire de ces mots dans le vocabulaire dans le cadre du vocabulaire de la sociologie française :

– La société, c’est le groupement des hommes autour des intérêts ; et il s’agit des intérêts à la vie, les intérêts de vie, les moyens d’existence.

– La communauté, c’est le groupement des hommes autour des idéaux.

Or, Israël est une société qui peut se permettre d’avoir des communautés différentes. Toutes juives mais différentes.

Alors que la comunauté en diaspora a un problème insoluble : comment être une communauté unie alors que l’on n’est plus une société et qu’il y a tellement de facettes qui se contredisent…

Ce sont les problèmes intérieurs de l’identité juive. Je crois, et ce sera ma parole d’espérance, que les problèmes de diaspora sont au 2nd degré.

Ils deviennent des problèmes réels, avec perspective de solution à travers la durée, si la diaspora se considère comme elle est censée l’être, la diaspora de l’état d’Israël contemporain.

Je terminerais là-dessus : je crois qu’il y a une ambiguité de ce problème : l’état d’Israël que représente-t’il pour les Juifs de la diapora à ce niveau ?

Ma génération : j’ai encore vécu, dans la première partie de ma vie, avant l’état d’Israël, ce temps-là qui était la diaspora de la deuxième maison d’Israël. Nous avons été l’exil du 2ème temple. Subitement, la 3ème maison d’Israël apparait. Or, nous continuons à être la plupart du temps la diaspora du 2ème Bayit contemporain du troisième Bayit !

Le problème c’est de régulariser : que la diaspora devienne la diaspora de l’état d’Israël contemporain. Et non plus cette nostalgie, cette mémoire, qui nous a gardé dans l’histoire, mais dont nous sortons comme d’une préhistoire, et qui a été l’exil du 2ème royaume de Juda détruit par Rome il y a 2000 ans. C’est fini depuis 1948, il ne s’agit plus de cela. Nous avons passé à un autre monde…

Et donc il suffira que la diaspora se connaisse comme la diaspora de l’état d’Israël pour que ces problémes deviennent suceptibles de solution.

Je crois encore une fois pour résumer que le problème le plus sérieux c’est ce risque, avant qu’il ne soit trop tard, de désunion entre ces deux maniéres de se savoir Israël : les descendants des patriarches ou bien les disciples de Moïse.

Or, la Torah de Moïse et ce que les prophètes et les sages d’Israël en ont dit par la suite lorsqu’ils parlent de l’histoire des descendants des patriarches, prophétisent et promettent une unité totale, irréversible et ultime et définitive ! Je crois que cela passe par la capacité de courage de ce qu’ont les hommes d’Israël qui sont simultanément les tenants de Moïse chef politique de la sortie d’Egypte et les tenants de Moïse prophète qui a révélé la Torah.

***

Questions :

Q : …le peuple nombreux comme les étoiles dans le ciel et cette promesse est renforcée je crois par la lecture de la Haftara. Si je me souviens bien le texte est d’Isaïe où l’on compare Cyrus à Avraham. On le compare pourquoi comme prophète ? parce que Cyrus est celui qui ramenera les exilés de l’exil de Babel. Tout ceci est aussi enthousiasmant que ce que tu viens de nous dire ou presque il a fallu 1 millénaires et un peu plus depuis la desctruction du 1er temple, est-ce que l’on peut prophétiser sans donner de date, ou bien il est actuellement dans les possibilité d’appréhender oun de créer les conditions pour que cette espérance se réalise ? Quel est ton sentiment à la lecture de la Sidra de la semaine qui comme tu nous l’as indiqué a remplacé la lecture des journaux de la semaine ?

R : Si j’ai compris la question je me référerais cette fois au thème de l’identité de Jacob qui a reçu le nom d’Israël : les promesse concernent l’identité Israël et elles sont données à Jacob. Question : pourquoi sont-elles si difficiles à se réaliser ? Il suffit et il faut que Jacob devienne Israël pour que les promesses se réalisent. Nous naissons Jacob et nous devons faire de nous-même Israël.

Je citerais une analyse du Ben Ish ‘Haï, grand kabaliste de Bagdad du siècle dernier, en parlant de la Sidra où Jacob reçoit le nom Israël : la différence entre le nom Jacob et le nom Israël renvoie à 2 autre noms c’est Moïse et David. Jacob c’est le peuple, Moïse c’est la Torah, et David c’est la terre d’Israël, le royaume d’Israël. Et pour que Jacob devienne Israël, il faut qu’il ait avec lui Moïse et David. Si vous calculez les valeurs numériques : Yaaqov + Mosheh + David = Yisraël.

C’est une coïncidence colossale! A prendre comme coincidence pour éviter les cauchemards…

Et effectivement, c’est cela notre problème: Il faut que Jacob ait l’âme de Moïse et la terre de David pour que il soit Israël. Réflechissons à cela, et cela suffit.

 
C’est encore tout le problème de la prière: pourquoi ai-je à demander ce que Dieu voudrait me donner ? Parce qu’il faut que je sois celui qui le mérite. Et la prière est un jugement. Je me mets devant le tribunal et je demande si je mérite ce que je demande. Il dévoile alors si je mérite ou pas. 

Il suffit que je sois celui qui mérite pour que cela s’accomplisse.

Il suffit pareillement que Israël soit Israël pour que les promesses faites à Israël s’accomplissent.

Nous sommes en train de devenir Israël… C’est un moment intense dans notre histoire.

Nous vivons cela : une histoire qui a commencé à Avraham trouve son temps de réalisation dans notre temps ! La 3ème maison d’Israël !

C’est pleins de questions, certains diront avoir des textes, d’autres diront avoir des raisonnements, mais c’est dans la Guémara Brakhot 4b : cela ne se tranche ni par le texte, ni par le raisonnement, il y a une Halakha. Et c’est une question d’option de foi. 

Comment Rabi Yohanane a-t’il exprimé cela : Ezeh hou Ben Olam HaBa ? Qui a droit au monde à venir ? Celui qui s’engage déjà dès le soir. C’est la référence que je vous ai donnée.

Il n’a pas dit du tout « le verset / le raisonnement me démontre que… » le soir du lendemain qui chante comme disent les autres…

Je me rappelle ce très beau vers d’Edmond Fleg : « Car la nuit la plus noire est une aube qui vient »

Il y a une référence de la prière du matin : on cite le fait qu’en pleine nuite, à minuit, le coq a l’intelligence de savoir que le soleil va se lever.

Hanoten lasekhvi binah lehavin bein yom ubein laila

Qui donne au coq l’intelligence de distinguer entre le jour et la nuit.

Quand ?

En présentiment que c’est pleine nuit !

C’est cela l’intelligence. C’est pour cela que le coq représente la force, que nous avons une rencontre entre la France et Israël, et que je crois que le coq est en train de voir le jour pointer dans la nuit…

C’est une question d’option de foi. Nous le vivons à ce niveau très intensèment, nous avons une mémoire énorme de l’hébreu qui a été juif qui redevient hébreu, et c’est la vie municipale, c’est la vie de société. C’est cela la troisième maison d’Israël.

Q :

1- Définition des différences entre hébreu-juif-israélien puis assimilés…

2- Après le 1er exil de Babylone une petite minorité qui retourne en Erets Israël. Aujourd’hui, une minorité qui est retournée en Erets Israël et la majorité continue de vivre en exil.

Personnellement, ce qui m’inquiète dans cette situation c’est que la majorité ne se considère même pas en exil. Il y a une grande différence entre un juif de la diaspora française et un français de confession mosaïque.

3- 40ème anniversaire de la mort de notre maitre Jacob Gordin za’l qui avait cité un enseignement selon lequel un retour provisoire en Israël pour reprendre des forces serait envisageable.

4- La différence fondamentale de position par rapport à la délivrance: soir ou matin. Il y a une confusion entre le fait d’être en situation d’exil et en fin d’exil. J. Gordin enseignait que Galout et Guéoula sont indissociables et qu’on ne peut parler d’exil sans parler de délivrance.

5- Il y a une occultation totale dans ton discours de ce que signifiait l’exil. L’exil a existé depuis l’origine en fait comme donnée fondamentale de l’économie de l’histoire sainte. On pourrait dire comem l’a écrit l’élève de monsieur Gordin : « l’exil est une situation ontologiquement anormale mais historiquement, existentiellement, normale ».

R.: … Pour quelqu’un qui pendant 4000 ans le juif d’aujourd’hui israélien qui a cru et a vécu son histoire d’Israël sous le regard de Dieu il est évident que l’événement est irréversible, ou alors on avoue qu’on ne croyait pas à ce qu’on croyait. Or, comme on y croit… on y croit, néqoudah !

Q : Vous avez parlez de Binah à propos du coq, je pense que c’est le rôle de la femme dans cette division entre religieux et non religieux…

R : Je pense que nous sommes dans un temps où il y a l’émergence de l’identité féminine qui est salvatrice. C’est le thème des Nashim Tsadkaniot qui accompagnent les fins d’exil. Par exemple, si Israël a pu traverser le désert c’est grâce au mérite des femmes en Egypte. Je pense que peut-être c’est cette capacité de l’énergie matricielle, puisque l’engendrement vient de la matrice et nous sommes dans un temps d’engendrement, qui permettrait la concilisation et réconciliation entre l’identité masculine « diasporique » ou « cananénne ». Je crois en tout cas que l’aspect du problème que j’ai voulu traité est très précis. Quelque soit les options individuelles, et encore fois, elles sont légitimes dans leurs options propres, il y a eu un événement. J’ai essayé de décrire sa nature. Ce n’est pas un option de foi que de dire que l’israélien est un juif qui redevient hébreu. C’est un fait. Une réalité. Nous vivons cela. Et redevenant la société hébraïque, nous retrouvons tout ce que la Bible a raconté du peuple des Hébreux. Pour tous les problèmes. Pour l’israélien c’est normal de vivre cela. Une société peut se permettre d’avoir des communautés différentes de la même identité. En diaspora c’est un problème insoluble !

Par exemple, un penseur israélien a récemment dit : « Le problème du peuple juif c’est la pratique des Mitsvoth. Qui ne pratique pas les Mitsvot n’est plus juif ! » En Israël c’est inaudible parce que cela consiste à définir les Bnei Israël comme uniquement disciples de Moïse. alors qu’ils sont les descendants des patriarches. Au niveau hébreu ce problème éclate. C’est autrement que cela se récapitule. Et au niveau juif de diaspora c’est un problème insoluble.

Peut-être suffirait-il de reformuler cela ainsi : Ces problèmes d’options de foi lorsque le temps fait  apparaitre des problèmes de mutations d’identités ne dépendent ni de l’érudition ni du raisonnement ou de l’idéologie : c’est une option de foi !

Q : Je suis admiratif parce que cela nous donne beaucoup d’espoir en tant que Juifs des nations. Je vous voyait en vous écoutant comme une sentinelle. Celle des paroles du prophète Isaïe : « Sentinelle où en est la nuit ? Le matin vient et la nuit aussi ! » C’est véritablement que je vous sentais comme cette sentinelle dans la nuit qui annonçait cette lumière, Israël comme lumière des nations. Et pour nous qui sommes des nations cela nous donne de l’espoir. Il y a par ailleurs ce texte de Zakhariah 8:23: « En ce temps là, dix hommes de toutes langues de toutes nations, saisiront le pan du manteau d’un seul Juif (Yéhoudi) et lui diront : Nous voulons aller avec vous, car nous avons entendu dire que Dieu est avec vous ! » Nous irons avec vous, avec toi, parce que nous savons que Dieu est avec vous, avec toi, et nous suivrons non pas quelques Juifs de la diaspora, mais nous suivrons un hébreu sioniste avec la Torah à la main et dans son cœur.

R : Merci !
 
Q : J’ajouterais une question concernant le 3ème temple…

R : Je devine la question, vous ne l’avez pas dite…

Je vous cite un enseignement si mes souvenirs sont exacts au nom du ‘Hafets Haïm : 4 formes de pouvoir dans la société biblique.

–           Le pouvoir politique du roi – Melekh.

–           Le pouvoir législatif du juge – Shofet.

–           Le pouvoir sacerdotale du prêtre – Kohen.

–           Le pouvoir prophétique du prophète – Navi.

Dont les Rashei Tévot forment le mot de MiShKaN le sanctuaire.

Il y a des étapes. D’abord le Mem de Mishkane qui est Malkhout. La société civile avec son pouvoir politique. Nous n’avons pas un roi, nous avons un petit roi, un président. Mais on a les rois qu’on a et d’ailleurs les rois ont les Juifs qu’ils ont…

Et la 2ème étape c’est Shofet, le Sanhédrin. Aujourd’hui, nous avons un grand rabbinat d’Israël actuel qui est petit appendice de l’état, c’est encore de la Malkhout. Le Sanhédrine n’est pas encore là. Cela viendra. Après il y a le Kohen, c’est le temple le Beit Hamiqdash. Et après, selon la prophétie de Moïse, « qui fera que nous soyons tous des prophètes ? » Et bien nous sommes en train de vivre la 1ère étape. Nous sommes en restauration du Mishkane. Et c’est le Mem qui apparait d’abord. Alors toutes les forces sont pour Malkhout. De Malkhout procédera le Shin. Shofet du Sanhédrine. Après viendra le Beit Hamiqdash. Et après « la connaissance de Dieu qui remplira le monde comme l’eau le fond des mers… » selon le verset du prophète.

Ce sont des étapes graduelles, il ne faut pas perdre de vue la dimension de la durée de l’engendrement.

Nous ressentons cela. Si cet ensemble a déjà commencé par sa première étape tout a déjà commencé. Effectivement, tout est en travail. L’état pour le pouvoir politique, et déjà la législation du Sanhédrine se prépare dans les Yéshivot dans lesquelles ont est en train de penser une Torah pour un état, chose abstraite pendant 2000 ans.  On pensait une Torah pour des communautés. A indexer avec la différence entre juif et hébreu que j’ai essayé de décrire tout à l’heure. Il y a une Torah de vie privée et de congrégation confessionnelle à la limite. Il nous faut une Torah pour un état, et c’est une mutation radicale. Cela se prépare… 

Pendant ce temps, dans certaines Yéshivot on prépare déjà les habits du grand-prêtre. On étudie comment faire les sacrifices. On a d’ailleurs les pierres pour construire le temple et on a les plans. Ce sont des secrets publics comme tous les secrets israéliens. Et les 4 étapes sont déjà en route, mais le gros plan c’est la question de l’existence parce qu’il y a des frontières qui sont des non-frontières comme vous le savez et parce qu’il y a les risques de chocs culturels intérieurs. Si vous suivez ce qui se passe à Jérusalem entre Datim et ‘Hilonim, c’est arrivé à un niveau très grave des 2 côtés. Une radicalisation qui est assez inquiétante. Il faut avoir le courage de résoudre le problème. Ceux qui ne sont que l’un ou l’autre sont marginaux. Il faut arriver à aider ceux qui sont et l’un et l’autre parce que c’est par là que l’unité passe. Même si c’est une minorité de minorité.

En parlant de minorité, il y a un Midrash qui explique Avraham Ha-Ivri Abraham l’hébreu de cette manière. Rashi cite un des trois Midrashim. Parce qu’il parle l’hébreu, la langue de Ever. A Moscou ou ailleurs. Il était lui à Our-Kasdim sortant de la fournaise et cela ressemble beaucoup à notre histoire et à ses rescapés. Un 2ème Midrash dit qu’il y a le monde entier d’un côté et Avraham tout seul de l’autre. Avraham était tout seul. Le 3ème Midrash dit qu’il venait de l’au-delà du fleuve. C’est dire qu’il revenait de l’exil. Il était ailleurs que en lui-même.

Et cela c’était la dimension légitime en son temps de la relation à l’universel humain. Que faisait la famille de Téra’h le père d’Avraham et les Hébreux en civilisation chaldéenne ? C’est le grand mystère de l’invraisemblance de l’anormal prit pour le normal. Qu’est-ce que font les Juifs partout ailleurs que chez eux ? Lorsqu’il y a cette relation à l’universel cela apparait comme de l’universalisme. Mais lorsqu’il y a le rassemblement national, il est à se demander si cette relation à l’universel n’est pas souvent un alibi de cosmopolitisme ! Et que c’est tout à fait autre chose. Et cela éclate de notre temps. Et ce sont là nos problèmes.

Je résumerais cela en disant : la question n’est pas de savoir ou comme ça ou comme ça.

Un verset des Chroniques Divrei HaYamim repris par la Guémara: « Avram hou Avraham : Abram c’est Abraham ». Vous avez compris l’implication de cela. Et la Guémara explique: Quand il était Avram, il était Av Mei Aram l’identité hébraïque enfouie sous l’écorce araméenne et dont il faut se débarrasser pour devenir Abraham. Et puis lorsqu’il est Abraham c’est à l’indice de l’universel.
17:5

וְלֹא-יִקָּרֵא עוֹד אֶת-שִׁמְךָ, אַבְרָם; וְהָיָה שִׁמְךָ אַבְרָהָם, כִּי אַב-הֲמוֹן גּוֹיִם נְתַתִּיךָ

«…Ki Av Amon Goyim Nétatikha : car Je te destine à être le principe d’une multitude de nation »
Et cela aussi il faut étudier ce que cela veut dire.

C’est ce passage à l’universel que nous sommes en train de vivre. C’est en tant que nation que nous sommes reliés à l’universel. En tant qu’individu nous sommes cosmopolites, c’est tout à fait autre chose. Et cela se dévoile de notre temps. La question est de savoir dans quel temps nous vivons. Or, la Bible nous a déjà raconté tout cela : à la sortie d’Egypte, le livre d’Esther, et nous lisons cela dans  les journaux de notre temps.

J’ajoute, et je m’arrêterais là, que les références auxquelles je me suis relié indiquent que lorsque cela arrive c’est irréversible, définitif et ultime.

Manitou

Manitou.over-blog.com

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
ABEL

j’avoue très humblement que je n’ai pas eu le temps matériel de lire l’article complet de MANITOU (z.l.br) pour qui j’ai le plus grand respect ! Mais du moment qu’il s’agit du troisième temple, je me suis toujours posé la question de savoir si le troisième temple ne serait pas tout simplement spirituel ! C’est-à-dire la construction de soi, de chaque Juif, qui vivrait dans le respect des Lois d’ISRAEL et de la tradition juive, qui ne pratiquerait plus le  » lachon rah  » (la mauvaise langue) et qui respecterait son prochain, à commencer par son prochain Juif, pour respecter enfin l’Autre ?
C’est peut-être cela la construction du troisième temple, signification cachée, spirituelle, et non matérielle ? C’est peut-être ce message que nous avons, nous Juifs, à transmettre aux autres nations du monde ? Et c’est peut-être pour cela que D. a choisi le peuple juif ?
ABEL
Je serais de lire les commentaires sur la question, cela m’intéresse et m’interpelle !
ABEL