L’Autorité palestinienne en a appelé aux pays arabes mercredi soir pour payer les salaires de 155000 fonctionnaires. Cela fait suite à la décision israélienne de de suspendre le transfert de taxes destinées à l’AP
« Nous disons à nos frères arabes : sauvez-nous. Nous avons besoins de votre aide plus que jamais auparavant. C’est le moment de vérité », a déclaré le Premier ministre de l’AP Salam Fayyad lors d’un point presse à Ramallah.

Les salaires des travailleurs du secteur public ont été versés avec une semaine de retard suite à la décision de l’Etat hébreu, peu après l’accord d’unité entre le Fatah et le mouvement islamiste du Hamas.

Le 1er mai, le gouvernement israélien a décidé de suspendre le transfert de taxes et de droits de douane qui représentent 70 % des revenus de l’AP. La raison : la crainte que cet argent aille directement au groupe terroriste du Hamas.

Fayyad a indiqué lundi que l’AP n’a pu verser les salaires du secteur public pour la première fois depuis 2007. Il ajoute que la facture totale s’élève à 170 millions de dollars, somme que l’AP ne peut payer à moins d’une intervention de pays étrangers.

Les pays arabes ont payé seulement 52 millions de dollars d’aide aux Palestiniens depuis le début de 2011, d’après Fayyad. La majeure partie provenant des Emirats Arabes Unis (42 milions). En 2010, 236 millions de dollars avaient été versés.

L’UE a payé 145 millions d’euros pendant la même période. Les Européens ont annoncé une aide supplémentaire de 85 millions d’euros en 2011, affectés au paiement des salaires. On ne sait pas quand ces fonds arriveront.

Reuters et JPost.fr

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Salam Fayyad, la défaite du Ben Gourion palestinien

Le Premier ministre palestinien était l’un des plus fervents partisans de la réconciliation interpalestinienne. Il risque d’en être la première victime.

La poignée de main entre Mahmoud Abbas et Khlaed Meshaal symbolise le volte-face entre les deux anciens frères ennemis, le Fatah et le Hamas. Le président de l’Autorité palestinienne et le chef du bureau politique du Hamas ont scellé fin avril l’accord de réconciliation, au Caire. Les deux factions palestiniennes ont opté pour l’unité, afin de convaincre les Nations Unies de reconnaître un Etat palestinien au mois de septembre. Un objectif de l’actuel Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, qui avait fait une telle promesse pour l’automne 2011. Salam Fayyad aurait de quoi se réjouir. Et pourtant, la naissance de ce futur Etat pourrait bien se faire sans lui.

Avec la réconciliation interpalestinienne, le chef du gouvernement se retrouve sur la touche. Salam Fayyad poussé vers la sortie? L’exigence du Hamas est sans équivoque: le mouvement islamiste réclame une personnalité issue de ses rangs comme futur Premier ministre du gouvernement de transition. «Tant le Fatah que le Hamas ne veulent pas de Fayyad pour Premier ministre», confirme le Palestinien Hani Nasri, qui a joué les médiateurs entre les deux factions.

Le coup est rude pour Salam Fayyad. Depuis son bureau à Ramallah, le Premier ministre palestinien refuse de se prononcer sur son avenir politique. «Il incombe aux partis de décider», a-t-il simplement déclaré. Et de saluer l’accord de réconciliation, insistant sur l’importance de l’unité palestinienne.

Artisan de la croissance économique

En 2007, encore peu connu du grand public, Salam Fayyad prend les rênes du pouvoir en Cisjordanie, après la chute du dernier gouvernement d’unité nationale entre le Hamas et le Fatah. Depuis, il n’a cessé d’oeuvrer pour poser les bases d’un futur Etat palestinien. En 2009, il publie le «plan Fayyad». Ce programme vise à établir des structures économiques et institutionnelles telles que l’État palestinien se concrétisera sur le terrain, devenant une réalité difficile à ignorer.

Salam Fayyad rationalise les forces de sécurité palestiniennes, construit davantage d’écoles, modernise les infrastructures et lance de nombreux projets de travaux publics. A Ramallah, les bars et hôtels de luxe poussent comme des champignons. Les forces de police font désormais partie du paysage et depuis peu, l’usage de la ceinture de sécurité en voiture est devenue une habitude pour les Palestiniens.

Salam Fayyad veut de la discipline. Il soutient la création de pôles économiques, comme le parc industriel de Bethléem. Ou encore, projet plus ambitieux, la ville de Rawabi, «collines» en arabe. D’ici 2013, elle vise à accueillir près de 40.000 habitants. La politique économique de Fayyad porte ses fruits rapidement: en 2009, les territoires palestiniens de Cisjordanie connaissent une croissance économique sans précédent, dépassant les 8%.

Une réussite économique en partie due à la renommée de Salam Fayyad. Car le Premier ministre palestinien est le chouchou des Occidentaux. Economiste et libéral, il a travaillé pour la Banque mondiale, puis en tant que représentant du Fonds monétaire international (FMI) en Palestine, avant d’être nommé ministre des Finances de l’Autorité palestinienne. Il a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Un pari osé et audacieux, tant la corruption gangrenait l’Autorité palestinienne, et qui a fait de lui un interlocuteur fiable pour les Occidentaux.

Salam Fayyad a fait usage de sa bonne réputation pour solliciter des liasses de billets verts. Résultat: il reçoit aujourd’hui près d’un milliard de dollars d’aide occidentale (environ 672 millions d’euros) par an. «Cela a permis à Salam Fayyad de poursuivre les réformes qu’il s’était engagé à mettre en oeuvre, notamment dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité et de la transparence financière», a souligné Bernard Valero, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, lors de la visite du chef du gouvernement palestinien, en février dernier, à Paris. Même l’actuel Président israélien, Shimon Pérès, a qualifié Salam Fayyad de «Ben Gourion palestinien» à l’occasion d’une rencontre en février 2010.

Sa notoriété, Salam Fayyad l’a aussi construite sur son image d’homme de paix. S’opposant à la violence, il opte pour la résistance politique et économique. La campagne «Al-Karameh» («la dignité») pour le boycott des produits des implantations israéliennes en Cisjordanie est une de ses initiatives et elle touche directement aux intérêts israéliens. Sur le terrain, Salam Fayyad se joint aux Palestiniens qui font du porte-à-porte pour distribuer une liste d’articles à boycotter. Il brûle lui-même des produits israéliens photo »>Article original, devant les caméras du monde entier. Il interdit aussi le travail dans les implantations juives. Une loi qui s’avéra impopulaire, menaçant de chômage des dizaines de milliers de Palestiniens.

Une transparence qui dérange

Salam Fayyad a bel et bien contribué à changer le visage de la Cisjordanie. Ce qui lui a valu une popularité grandissante auprès de la population palestinienne. Dans un sondage publié dimanche 1er mai, 58% des personnes interrogées (420 personnes) souhaitaient que Salam Fayyad soit reconduit dans ses fonctions lors de la formation du prochain gouvernement d’unité palestinien. Même à Gaza, l’homme de 59 ans vaut son pesant d’or.

Et pour cause: il est l’un des rares à avoir décidé le maintien du versement des salaires des fonctionnaires de l’Autorité palestinienne, lors de la prise du pouvoir du Hamas à Gaza, alors que la plupart des membres du Fatah souhaitaient faire pression sur le mouvement islamiste. Sur le site Internet du Ministère palestinien des Finances, l’internaute peut découvrir le budget de l’Autorité palestinienne. Impensable auparavant. Salam Fayyad devient la coqueluche des médias étrangers qui lui colle l’image, quelque peu exagérée, de l’homme providentiel de la Palestine.

Mais cette réputation d’homme intègre suscite de nombreuses jalousies au sein de la classe politique palestinienne. Salam Fayyad est un homme politique indépendant qui n’appartient à aucun parti. Au Fatah, on lui a reproché de s’accaparer le pouvoir, de vouloir voler la vedette à Mahmoud Abbas, ses prises de position personnelles, telle l’annonce de la construction d’un État palestinien en deux ans, mais aussi de ne pas appliquer la politique du mouvement. Et surtout, sa volonté de mettre fin au système de corruption lui a valu de nombreux ennemis. De hauts responsables de l’Autorité palestinienne n’ont pu s’enrichir sur le dos de la population, des pratiques qui étaient légion sous la férule de Yasser Arafat.

Le «rival» du Hamas

Au sein du Hamas, Fayyad est perçu comme un pantin de l’Occident, avec sa politique pro-américaine. «Pour le Hamas, c’est un rival», assure Ziad Medoukh, responsable du département français à l’Université Al-Aqsa de Gaza. Des dirigeants du mouvement islamiste ont affirmé que la reconduite de Salam Fayyad serait une insulte au Premier ministre du Hamas, Ismaël Haniyeh, qui devrait également être évincé.

D’autant que la nomination de Fayyad au poste de Premier ministre en juin 2007 a été perçue comme illégitime par le Hamas. Salam Fayyad avait alors remplacé Ismaël Haniyeh, à l’époque le chef du gouvernement d’union nationale. De quoi laisser quelques rancoeurs… L’inimitié à l’égard des membres du Hamas en Cisjordanie s’est aussi systématisée sous le gouvernement de Fayyad. Les membres des forces de sécurité de la police palestinienne de Ramallah seraient formés pour casser les militants du Hamas. 

Salam Fayyad aurait-il payé le prix d’un marchandage entre le Hamas et le Fatah? L’évincement de l’économiste respecté par la communauté internationale pourrait-il coûter des centaines de millions de dollars concernant l’aide allouée à l’Autorité palestinienne et mettre fin à l’entraînement des forces de sécurité palestiniennes par les Etats-Unis. Dans les territoires palestiniens, on ne croit pas à cette théorie. «La communauté internationale travaille, avant tout, avec Mahmoud Abbas, explique Ziad Medoukh. Si le Président palestinien fait pression, les donateurs continueront de verser l’aide financière. D’autant que d’autres politiciens sont prêts à suivre la voie tracée par Fayyad.»

Mais le départ de Salam Fayyad pourrait se transformer en retour triomphant. A Gaza, beaucoup parie sur un fiasco du gouvernement de transition, en raison des nombreuses dissensions qui agitent la nouvelle alliance Fatah/Hamas. En cas d’échec de la réconciliation, Mahmoud Abbas pourrait alors rappeler Salam Fayyad au sein du gouvernement de Ramallah.

Kristell Bernaud

Slate.fr

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Eric1234

des elucubrations intellectuelles…
il n’y a pas de quoi remplir un article.