Je pense qu’une réflexion de nature essentiellement politique sur ce problème posé par Jérusalem est devenue une véritable quadrature du cercle, tant les positions des différents protagonistes sont très éloignées les unes des autres et tant les gens s’arcboutent sur leurs certitudes qui sont, hélas, mutuellement exclusives les unes des autres.

Mais Jérusalem et son statut ne sont que la pointe d’un iceberg qui englobe un conflit d’une très grande ampleur. Depuis presque soixante-dix ans l’Etat d’Israël qui se veut un Etat juif, reconnu comme tel , reste violemment contesté par la majorité de ses voisins, même si deux traités de paix ont été conclus avec l’Egypte et la Jordanie. Mais il s’agit de paix froides, entre des états et des gouvernements mais pas entre des peuples. Certes, il y a des lignes aériennes entre Tel Aviv, d’une part, et Le Caire ou Amman d’autre part. Il y a des touristes mais pas en nombre suffisant. Dans ce conflit, la ville de Jérusalem, la cité du roi David selon la Torah et les prophètes, cristallise les oppositions et aussi les frustrations.

Il ne faut pas caricaturer les positions des uns et des autres, et s’il faut avoir quelque compréhension pour la religion musulmane qui tient à ses biens sacrés il ne faut pas reprocher aux autorités israéliennes de prendre toutes les mesures en vue d’assurer la loi et l’ordre. La liberté de culte est assurée au sein de l’Etat d’Israël qui est un Etat démocratique et où une cour suprême particulièrement vigilante veille au respect des droits de chacun, et il n’est pas rare qu’elle force le gouvernement israélien, quel qu’il soit, à revoir sa copie.

Mais, comme je le laissais entendre plus haut, les réalités politiques sur le terrain obéissent à des considérations intrinsèquement différentes de la nature réelle de l’objet, à savoir la volonté d’hommes et de femmes d’adresser à Dieu leurs prières à partir d’un lieu à il a choisi de se manifester plus qu’en d’autres. Ernest Renan notait dans son Histoire du peuple d’Israël que le Sinaï n’est pas si éloigné du mont du Temple. Les hommes de bonne volonté et auxquels tout fanatisme reste étranger savent que Dieu parle toutes les langues et exauce toutes les prières. Les grands prophètes d’Israël l’ont dit bien avant l’apparition du christianisme et de l’islam, et le Psalmiste leur fait écho pas plus tard que le troisième siècle avant l’ère usuelle : il dit ceci : proche est Dieu de tous ceux qui l’invoquent, mais il prend soin d’ajouter une précision : de tous ceux qui l’invoquent en vérité (bé-émét), donc avec sincérité… Ce verset des Psaumes brille par son universalisme, il rejette tout sectarisme. Mais là aussi, l’enseignement des deux derniers millénaires, depuis la chute de l’ancien Etat de Judée, s’impose à nous : pendant tout ce temps, les droits des juifs ont été bafoués, niés, détruits.

L’actuel Etat d’Israël qui se veut un Etat juif ne doit sa survie qu’à sa grande puissance militaire, c’est sa seule assurance-vie…

Alors quid du messianisme juif dont les vieux prophètes hébreux ont fait l’apostolat à l’humanité tout entière ?

Déjà Jésus s’est trouvé confronté à la violence nue, celle des lances des légionnaires romains. On connaît la suite, il en est mort mais ses idées, sa cause, lui ont survécu.

Peut on réanimer le messianisme juif à ce prix ? Peut on appliquer la doctrine de Renan selon laquelle un peuple chargé d’écrire l’histoire de l’avenir de l’humanité doit disparaître, en tant que peuple spécifique, afin de le faire ? En d’autres termes, l’élection d’Israël porte-t- elle en germe sa disparition si sa mission auprès des nations l’exige ?

Il est fort improbable que le peuple juif souscrive à de telles conditions niant sa survie en tant que tel, à la seule fin de ressusciter des idéaux qu’il a portés à l’attention de l’humanité dans son ensemble. Le peuple d’Israël veut avoir une histoire, un avenir, il ne veut plus que sa vie soit un calvaire et son histoire une martyrologie. Jérusalem, omniprésente dans les toutes les prières juives quotidiennes doit redevenir un lieu authentiquement saint or la sainteté exclut radicalement la violence d’où qu’elle vienne…

Je sais bien que les décideurs politiques de tout bord se moqueront de telles déclarations et de telles idées qu’ils taxent abusivement d’utopies ou d’aimables rêveries. Ils ne se trompent hélas que partiellement, ils ont raison de porter sur la nature humaine une appréciation aussi cynique, mais ils ont tort de négliger l’aspect à la fois spirituel et religieux du combat qui se livre actuellement dans cette cité du roi David, ce berceau du peuple juif mais aussi cette ville trois sainte.

Combien de temps faudra t il attendre pour que la résurrection du messianisme juif redevienne d’actualité et que se réalise la belle prophétie d’Isaïe qui remonte au milieu du VIIIe siècle avant Jésus ?

Maurice-Ruben HAYOUN

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Huguenot17

Tout a fait d’accord avec toi Matin54.
Pour reprendre la reflexion de mon ami l’ancien rabin de Belfort Joseph Torjman Meyer :
« Quand le messie sera là, il mettra tout le monde d’accord » . C’est un point sur lequelle les 3 religions monoteiste son d’accord. Pour les juifs, le Messie doit venir libéré son peuple et règner sur lui. Pour les chrétiens le Messie Jésus, est déjà venu (et il est bien juif). Et il doit revenir pour règner sur l’humanité. Enfin pour les musulmans, le prophète Jésus (Sibna Issa) doit revenir.

André

{Il ne faut pas caricaturer les positions des uns et des autres, et s’il faut avoir quelque compréhension pour la religion musulmane qui tient à ses biens sacrés il ne faut pas reprocher aux autorités israéliennes de prendre toutes les mesures en vue d’assurer la loi et l’ordre.}Certes mais je crois que le problème est au fond bien au-delà de la seule « esplanade des mosquées » pour les musulmans. Il s’agit de toute la Palestine qui est et doit rester une « terre islamique » jusqu’à la fin des temps… Et la religion est une idéologie beaucoup plus puissante que le nationalisme.

Ah ! on regrettera encore longtemps qu’Israël se soit arrêté à mi-chemin en 1967…

Ruth

Il serait temps de sortir des sentiers battus et rebattus lorsque l’on aborde des sujets dont l’ampleur ne peu que nous dépasser et se donner ainsi une chance de donner du sens à des quêtes spirituelles qui sont qu’on le veuille ou non fondatrice de notre identité.
Ainsi donc et à titre d’exemple, Jérusalem, champ actuel de nouveaux combats, n’est pas qu’une partie de l’iceberg elle est le cœur géopolitique de l’identité israélienne et juive. Or, il n’y a aucune étude sur les souffrances dont elle a été la proie en raison aussi des erreurs lourdes et maladresses du peuple juif. Nos ennemis profitent comme nous le ferions eux même de ces maladresses et les csq sont loin d’être anodines.
A titre d’exemple:
« Déjà Jésus s’est trouvé confronté à la violence nue, celle des lances des légionnaires romains ». Or, cet homme sans doute charismatique et spirituel a trouvé un créneau que lui même sans doute n’aurait pu imaginer. le Créneau: Introduire sa parole dans un contexte ou les disputes de pouvoirs au sein du peuple juif étaient extrêmement fortes: aucune cohésion, que des complots: ce qui est terrible pour un petit peuple à vocation universelle mais sous un mode minoritaire.
Rappelons nous à l’approche de Hanoucah que ce sont deux frères descendants des Hasmonéens qui ont cru bien faire en demandant à Pompée d’arbitrer leurs disputes pour le pouvoir. Conclusion, une voie royale pour l’installation romaine et une débacle totale avec imposition d’une autorité bicéphale qui est le fer de lance de toute perte d’ascendant politique du peuple juif sur sa région.
A l’heure actuelle, l’Etat d’Israel a perdu beaucoup de batailles sur le plan international car tous ses partenaires feignent facilement de ne pas comprendre sa position. Il lui faut aussi retrouver ses fondamentaux et les transmettre à ses enfants, pour notamment éluder cette gauche destructrice de l’identité nationale.
Il faut surtout apprendre à ce peuple ( en Israel et en diaspora) un nouvel exercice : la solidarité et la loyauté absolue entre ses membres. deux modes d’actions qui sont extrêmement rare dans nos communautés.
Si les juifs eux mêmes se dupent, que peuvent ils légitimement espérer du Messianisme juif. C’est franchement du gâchis!

martin54

zacharie 12.2
Voici, je ferai de Jérusalem une coupe d’étourdissement Pour tous les peuples d’alentour, Et aussi pour Juda dans le siège de Jérusalem.
12.3
En ce jour-là, je ferai de Jérusalem une pierre pesante pour tous les peuples; Tous ceux qui la soulèveront seront meurtris; Et toutes les nations de la terre s’assembleront contre elle.
12.4
En ce jour-là, dit l’Éternel, Je frapperai d’étourdissement tous les chevaux, Et de délire ceux qui les monteront; Mais j’aurai les yeux ouverts sur la maison de Juda, Quand je frapperai d’aveuglement tous les chevaux des peuples.
12.5
Les chefs de Juda diront en leur coeur: Les habitants de Jérusalem sont notre force, Par l’Éternel des armées, leur Dieu.
12.6
En ce jour-là, je ferai des chefs de Juda Comme un foyer ardent parmi du bois, Comme une torche enflammée parmi des gerbes; Ils dévoreront à droite et à gauche tous les peuples d’alentour, Et Jérusalem restera à sa place, à Jérusalem.
12.7
L’Éternel sauvera d’abord les tentes de Juda, Afin que la gloire de la maison de David, La gloire des habitants de Jérusalem ne s’élève pas au-dessus de Juda.
12.8
En ce jour-là, l’Éternel protégera les habitants de Jérusalem, Et le faible parmi eux sera dans ce jour comme David; La maison de David sera comme Dieu, Comme l’ange de l’Éternel devant eux.
12.9
En ce jour-là, Je m’efforcerai de détruire toutes les nations Qui viendront contre Jérusalem.
12.10
Alors je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem Un esprit de grâce et de supplication, Et ils tourneront les regards vers moi, celui qu’ils ont percé. Ils pleureront sur lui comme on pleure sur un fils unique, Ils pleureront amèrement sur lui comme on pleure sur un premier-né.