Derrière la réconciliation Hamas-Fatah, un sondage clé.

Pourquoi le Hamas, qui refusait depuis des mois de signer un accord de réconciliation avec le Fatah, parrainé par le gouvernement égyptien, vient-il de changer d’avis après quatre années d’affrontements fratricides ?

Ce revirement est-il durable ?

Compte tenu de la profondeur du contentieux et des positions disparates, voir contradictoires, adoptées, depuis mercredi par les dirigeants du Hamas, il est difficile de se prononcer sur la sincérité et la solidité de cette réconciliation. Certes, le chef du bureau politique du Hamas – en exil à Damas – Khaled Mechaal, s’est prononcé pour « l’établissement d’un Etat palestinien indépendant et souverain en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec Jerusalem pour capitale », ce qui est en parfaite conformité avec les positions du Fatah – et avec les positions défendues par l’OLP dans les négociations avec Israël. Certes le Hamas s’est engagé à respecter la trêve de fait qui s’est instaurée avec Israël.

Mais l’hommage rendu à Ben Laden par Ismaïl Haniyeh, premier ministre du gouvernement de Gaza, qui a dénoncé « la politique d’oppression américaine fondée sur l’effusion de sang des Arabes et des musulmans » tranchait avec la sobriété de son homologue de Ramallah, Salam Fayyad qui a évoqué « un évènement capital » et espéré qu’il marquait la fin d’une « période sombre ».

La punition de Netanyahou

Il restera aussi à voir comment cet accord sera appliqué dans les détails et à vérifier s’il résistera aux désaccords qui ne manqueront pas de surgir lorsqu’il faudra décider de la composition du gouvernement intérimaire, choisir la date des élections présidentielle et législatives, mettre sur pied la commission électorale, la commission juridique, la commission de restructuration de l’OLP, organiser la coopération puis la fusion des forces de sécurité et convenir de la ligne à défendre dans les négociations – éventuelles – avec Israël. Si l’accord triomphe de tous ces obstacles, il ne sera pas déraisonnable de faire preuve, pour une fois d’un peu d’optimisme.

A condition que d’ici là, Benjamin Netanyahou, que ce rapprochement exaspère, n’ait pas réussi à convaincre les pays amis d’Israël de « punir » l’Autorité palestinienne en lui retirant confiance, crédits et soutien. Pour sa part, le gouvernement israélien a déjà appliqué ses propres sanctions, en gelant le transfert de 59,6 millions d’euros de taxes prélevées par Israël pour le compte de l’Autorité palestinienne, sous prétexte de prendre le temps de s’assurer qu’aucune fraction de cet argent ne parviendrait au Hamas. Mesure d’autant plus sévère que ces fonds perçus par Israël sur les marchandises à destination ou en provenance des territoires palestiniens transitant par les ports et aéroports israéliens ne représentent pas moins des 2/3 du budget de l’Autorité palestinienne.

L’impact des manifs de Gaza et Ramallah

Quant aux raisons qui ont conduit à ce changement d’attitude du Hamas, elles sont multiples et pour certaines d’entre elles directement ou indirectement liées aux « révoltes arabes ». La chute du régime de Moubarak – en bons termes avec le Fatah mais très hostile au Hamas – et son remplacement par un pouvoir de transition, plus compréhensif à l’égard du mouvement islamiste palestinien a joué un rôle majeur. D’autant qu’elle a coïncidé avec les troubles en Syrie – où réside Mechaal. Moins assuré qu’il ne l’était jusqu’à présent de sa sécurité présente et future, le chef en exil du bureau politique du Hamas – même s’il assure qu’il entend continuer à vivre à Damas – a peut-être estimé que ses positions radicales le marginalisaient par trop pour être maintenues. On ne doit pas non plus négliger l’impact qu’ont pu avoir sur les dirigeants palestiniens – ceux du Hamas comme ceux du Fatah – les manifestations spontanées pour la réconciliation, qui ont jeté dans les rues de Gaza et de Ramallah, il y a quelques semaines, des milliers de jeunes mobilisés par les réseaux sociaux.

Les tirs de roquettes sur Israël désavoués.

Un autre facteur, moins visible, a pu jouer un rôle important dans le processus de réflexion des responsables du Hamas. Depuis deux semaines, ils disposaient – comme ceux du Fatah et de l’Autorité palestinienne – des résultats d’un sondage réalisé entre le 6 et le 10 avril, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie par le Jerusalem media and communication center (JMCC), un centre de recherches politiques connu pour la qualité de ses travaux, avec le soutien de la fondation allemande Friedrich Ebert. Et ce sondage s’avérait, surtout dans la bande de Gaza, très inquiétant pour le Hamas, révélant un rejet croissant des pratiques, des choix et des idées du mouvement islamiste. Interrogés, par exemple sur la stratégie de « harcèlement » consistant pour le Hamas et ses alliés à multiplier les tirs de roquettes, les gazaouis manifestaient, surtout lorsqu’on comparait leurs réponses à celles enregistrées depuis 2006, un désaveu croissant des tirs de roquettes. Alors qu’en juillet 2006 62,7% des habitants de la bande de Gaza jugeaient utiles à leur cause les tirs de roquettes sur des cibles israéliennes, ils n’étaient plus que 47,3% à partager cet avis en 2009 et 45,5¨% il y a un mois. L’enquête montrait même que pour la première fois, ceux qui jugeaient à Gaza, ces tirs nuisible aux intérêts du peuple palestinien étaient plus nombreux que ceux qui pensaient le contraire.

Internet et la religion

Le même sondage révélait une quasi stabilité – entre 33 et 35% – de la popularité du Fatah dans la bande de Gaza, entre 2006 et 2011 mais un véritable effondrement du Hamas tombé de 39,1% d’opinions favorables à 19%. Si on ajoute à cela que 45,8% des personnes interrogées – dans les deux territoires – souhaitaient la mise sur pied d’un gouvernement composé de personnalités indépendantes et que 66,7% se prononçaient pour un accord de réconciliation avant la formation de ce gouvernement, on mesure l’influence que cette enquête a pu avoir sur les dirigeants du Hamas.

Par ailleurs, cette enquête montre aussi que si les Palestiniens dans leur ensemble, sont des utilisateurs assidus d’internet – 66,3 % tiennent le net pour leur principale source d’informations et 49,7% admettent utilisent les réseaux sociaux – ils n’en restent pas moins attachés à la religion, surtout à Gaza où 97,5% des personnes interrogées (contre 94% en Cisjordanie) considèrent la religion comme une « un élément important de leur vie ».

René Backmann

Publié dans Proche-Orient | Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note | Tags : fatah, hamas, gaza, haniyeh, abbas, netanyahou

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