Il est fréquent en Turquie d’accuser son adversaire politique d’être soutenu de façon inconditionnelle par les États-Unis. Les révélations apportées dans les câbles publiés par Wikileaks montrent qu’il s’agit plus, de la part des américains, d’une attitude pragmatique qui leur permet de garder un allié stratégique précieux. Erdoğan et son gouvernement sont loin d’être considérés comme des « modéles » et il ne sont ni plus ni moins soutenus inconditionnellement par l’Oncle Sam que leurs prédécesseurs, il ne s’agit que de stratégie à moyen terme, tout au plus les dirigeants turcs sont-ils des pions sur l’échiquier mouvant du Moyen-Orient… pour ne pas dire des marionnettes manipulées faute d’alternative sérieuse…. pour l’instant ! Note de la rédaction de Turquie Européenne Article original« >Article original


Erdoğan soutenu par les USA ? Dans quelle mesure ?

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Avant-propos du collectif Van : Pour décrypter la crise que traverse la Turquie depuis fin mai, il est bon de revenir sur les révélations WikiLeaks qui décrivaient en 2010 le vrai visage du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan. Washington s’est évertué, dans sa communication officielle, à masquer le régime dictatorial du Premier ministre turc, le montrant comme “un modèle pour le monde islamique”. « L’hypocrisie de ces déclarations a été démontrée lorsque WikiLeaks a rendu public des milliers de câbles diplomatiques confidentiels émanant de l’ambassade américaine à Ankara, indiquant que “la véritable opinion des officiels américains à propos d’Erdoğan est exactement le contraire de ce qu’ils ont déclaré en public”. Les messages de l’ambassade, publiés par le magazine allemand Der Spiegel, décrivaient le Premier ministre turc “comme un islamiste avide de pouvoir, entouré de ministres incompétents et corrompus”. Des informateurs ont déclaré aux employés de l’ambassade américaine que la corruption existe à tous les niveaux, même dans la famille d’Erdoğan. Un haut conseiller gouvernemental a déclaré à un journaliste, sous couvert de confidentialité, que le Premier ministre s’était enrichi grâce à la privatisation d’une raffinerie de pétrole publique. ». Le Collectif VAN vous propose la traduction de l’éditorial du journaliste arméno-américain Harut Sassounian, paru dans The California Courier le 4 juillet 2013.

Malgré des louanges publiques prodigues, les USA sont profondément incommodés par Erdoğan

Il y a quelques mois, j’ai écrit un article intitulé : « Obama exploite le désir insatiable de flatterie des dirigeants turcs », expliquant que le président américain est capable de persuader le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan de se plier à ses désirs, en tirant parti de sa faiblesse pour des éloges prodigues !

Les personnes conscientes de la tendance à l’autoritarisme d’Erdoğan — qui a été complètement démontrée lors des brutales attaques récentes à l’encontre des manifestants à Istanbul et dans d’autres villes turques – ont été profondément troublées par les représentations déformées des officiels américains concernant le régime dictatorial du Premier ministre, le montrant comme ‘un modèle pour le monde islamique.’

L’hypocrisie de ces déclarations a été démontrée lorsque WikiLeaks a rendu public des milliers de câbles diplomatiques confidentiels émanant de l’ambassade américaine à Ankara, indiquant que « la véritable opinion des officiels américains à propos d’Erdoğan est exactement le contraire de ce qu’ils ont déclaré en public. »

Les messages de l’ambassade, publiés par le magazine allemand Der Spiegel, décrivaient le Premier ministre turc « comme un islamiste avide de pouvoir, entouré de ministres incompétents et corrompus. » Dans un câble de mai 2005, l’ambassade américaine déduisait qu’Erdoğan n’avait jamais eu une vue réaliste du monde et croyait qu’il avait été élu par Dieu pour diriger la Turquie. Une source fiable a déclaré aux officiels américains que « Tayyip croit en Dieu… mais il ne lui fait pas confiance. »

Les diplomates américains ont rapporté que le Premier ministre obtient presque tous ses renseignements dans les journaux à tendance islamiste, et qu’il ignore ceux de ses propres ministres. Les services du renseignement de l’armée et du ministère de l’Intérieur ne lui font plus part de leurs rapports. Il ne fait confiance à presque personne, s’entourant « d’un cercle d’acier de conseillers flagorneurs (mais méprisants). » En dépit du comportement macho d’Erdoğan, on le dit terrifié à l’idée de perdre son contrôle du pouvoir.

Bien que le dirigeant turc ait déclaré la guerre à la corruption lorsqu’il a pris ses fonctions, des informateurs ont déclaré aux employés de l’ambassade américaine que la corruption existe à tous les niveaux, même dans la famille d’Erdoğan. Un haut conseiller gouvernemental a déclaré à un journaliste, sous couvert de confidentialité, que le Premier ministre s’était enrichi grâce à la privatisation d’une raffinerie de pétrole publique. Un fonctionnaire du ministère de l’Énergie a laissé entendre qu’Erdoğan avait demandé aux Iraniens de signer un contrat de gazoduc avec une entreprise turque, dont le propriétaire était l’un de ses anciens camarades de classe. De plus, deux sources américaines ont affirmé que le Premier ministre avait huit comptes bancaires en Suisse. Erdoğan a nié ces allégations, insistant sur le fait que sa fortune provenait principalement de cadeaux reçus lors du mariage de son fils, tout en reconnaissant qu’un homme d’affaires turc, anonyme, payait les frais de scolarité de ses quatre enfants aux États-Unis. L’ambassade américaine considère ces explications comme étant « foireuses ».

Les câbles de l’ambassade contiennent bien d’autres accusations choquantes contre Erdoğan. Des informateurs ont déclaré aux officiels américains que, lorsque le candidat de son parti avait perdu l’élection municipale à Trébizonde, le Premier ministre aurait fait parvenir des millions de dollars, provenant d’un compte secret du gouvernement, à son ami intime Faruk Nafiz Ozak, qu’il avait nommé président du club de football de Trébizonde actuelle Trabzon »>Article original. L’argent était destiné à engager des joueurs de haut niveau, afin que les victoires de l’équipe éclipsent les réussites du maire élu.

D’après un câble envoyé par l’ex-ambassadeur américain, Eric Edelman, les personnes nommées par Erdogan manquaient de « profondeur technocratique. » Si certaines « semblent capables d’apprendre le job, d’autres sont incompétentes ou semblent poursuivre des intérêts… privés. » Des responsables turcs de haut rang ont informé l’ambassade américaine à Ankara que l’équipe du Premier ministre les afflige. Erdoğan aurait nommé en tant que son sous-secrétaire, un homme faisant preuve « d’incompétence, de préjugés et d’ignorance. » La ministre de la Femme, Nimet Cubukçu, préconisant la criminalisation de l’adultère, a obtenu son poste car elle s’avère être une amie de la femme du Premier ministre. Un autre ministre est accusé de « népotisme, de lien avec le trafic d’héroïne, et d’avoir une prédilection pour les filles mineures. »

Le ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, hautement loué en public par les responsables américains, fait également l’objet d’une attention poussée et de critiques. D’après des câbles confidentiels de l’ambassade américaine, Davutoğlu « ne comprend pratiquement rien à la politique, en dehors d’Ankara. » De fait, les diplomates américains sont alarmés « par son discours impérialiste… et sa vision néo-ottomane. » Dans un message en date de janvier 2010, l’ambassadeur américain a rapporté que la Turquie a « les ambitions de Rolls Royce, mais les ressources de Rover. » L’ex-ministre de la défense, Mehmet Gönül, s’est aussi montré très critique à l’égard du ministre des Affaires étrangères, avertissant les responsables américains de « l’influence islamiste sur Erdoğan » et le qualifiant de personne « exceptionnellement dangereuse. »

Ayant soigné Erdoğan avec leurs louanges publiques, tout en ayant eu connaissance de sa tendance à la flatterie, les responsables américains doivent désormais assumer toute la responsabilité du comportement irréfléchi du Premier ministre, tant dans son pays qu’à l’étranger !

lundi 29 juillet 2013, par Harut Sassounian

Lire aussi :

WikiLeaks : Erdoğan jugé autoritaire et sans vision Article original

Sources
La crise turque à l’aune de WikiLeaks Article original
Éditorial de Sassounian du 4 juillet 2013 « The California Courier »
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – www.collectifvan.org Article original – 4 juillet 2013

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