L’ouvrage de Yannick Haenel sur l’histoire de Jan Karski a été adapté au théâtre et a ouvert le Festival d’Avignon cette année. Jan Karski, résistant polonais a été le témoin des conditions infernales dans lesquelles survivaient et s’éteignaient peu à peu les habitants du ghetto de Varsovie et de l’extermination des Juifs dans les camps de concentration. Il n’aura eu de cesse d’essayer de convaincre les hommes politiques et les intellectuels du monde libre de l’extermination en cours.

Dans un contexte on ne peut plus agité pour l’Etat d’Israël, le Festival d’Avignon a choisi de mettre à l’honneur une pièce qui traite d’un aspect majeur de l’histoire de la Shoah : l’indifférence et l’immobilisme des dirigeants étrangers lors de la seconde Guerre mondiale.
Arthur Nauziciel, le metteur en scène, a la souci de transmettre aux générations futures le récit et la mémoire de cette tragédie. Redécouvrant le parcours stupéfiant de Jean Karski, dans le film Shoah de Claude Lanzman (1985), il a librement adapté le livre de Yannick Haenel (2009) qui mêle l’histoire véridique du périple de Jan Karski et une fiction faisant parler le héros.

Descente aux enfers

Au fil de la pièce, un monde hallucinant de terreur et d’ignominie est dévoilé. Dans le même temps le messager Jan Karski ira jusqu’à rencontrer le président américain Roosevelt en 1943 mais ne recueillera qu’un silence poli.

Les spectateurs suivent la trace du polonais Karski au coeur du malheur et de la violence la plus extrême. « Il faut ébranler la conscience du monde » et « sauver ce qui reste du peuple juif », tels sont les consignes donnés par les deux chefs résitants du ghetto à Karski. Mais ce dernier aura beau faire le tour de la terre et donner des centaines et des centaines de confèrence, il n’obtiendra aucune action spécifique des alliés, qui freineront d’autre part l’installation de réfugiés juifs dans leurs pays.

Les deux premiers actes sont des récits, habilement menés, bénéficiant d’une scénogaphie filmée captivante. On baigne dans l’effroi et l’incédulité tout en admirant le courage et l’abnégation de Jan Karski, « le catholique juif » comme il s’appelera lui -même après la guerre.

Mais le troisième acte est le plus authentiquement théâtral et le plus bouleversant. Yannick Haenel, a imaginé se qui se passe dans la tête de Karski devenu professeur d’histoire aux Etats-Unis, marié avec une jeune juive dont la famille a disparu dans la Shoah.

L’imaginaire, roi de la vérité 

Laurent Poitrenaux est admirable dans le rôle : il porte la tête haute mais sa démarche est d’une lenteur extrême. Bras en avant, mains à demi-tendues, la voix précise et monocorde, il semble arpenter depuis toujours des couloirs d’hôtels, des corridors où ses paroles se sont perdues.

C’est une sorte de revenant, un personnage qui parle depuis l’au-delà. Il a des nuits blanches depuis cinquante ans, entendant les messages qui lui ont passés les deux résistants du ghetto. Il dit qu’il n’y a pas eu de vainqueur en 1945, que des complices. Il s’étonne des mensonges, est sûr que tous les états « faisaient semblant de pas pas être au courant » de la tragédie du peuple juif qui se déroulait en Europe.

Le MESSAGER-TEMOIN, un poids infini sur l’épaule, les gestes raides, dénonce également les crimes de Staline contre les officiers polonais dans la forêt de Katyn. Il dénonce l’immobilisme dont est atteinte l’humanité contre la mal absolu. De longs applaudissements qui se termineront debout, vont saluer les acteurs de cette pièce singulière et si nécessaire.

Jean-Claude RONGERAS

France 2.fr

 
Jan Karski (Mon nom est une fiction)

Opéra-Théâtre, 84000 Avignon

D’après le roman de Yannick Haenel

Mise en scène et adaptation: Arthur Nauzyciel

Avec Alexandra Gilbert, Arthur Nauzyciel, Laurent Poitrenaux et la voix de Marthe Keller

Jusqu’au 16 juillet.

Festival d’Avignon

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