Lorsque le grand rabbin de Pologne, Michaël Schudrich, a appris la mort du président Lech Kaczynski, samedi, il a su qu’il avait non seulement perdu « un grand ami d’Israël et du peuple juif », mais qu’il avait lui-même frôlé la mort.

Schudrich avait été invité à accompagner la délégation polonaise à l’occasion du 70e anniversaire du massacre de la forêt de Katyn, près de la frontière entre la Russie et la Biélorussie. Il a seulement décliné l’invitation parce que le départ était prévu le jour de Shabbat. « Je sais que, si ça n’avait pas été Shabbat, j’aurais été à bord de cet avion », a-t-il déclaré. « Mais, je suis plus attristé par la grande tragédie qui a frappé le peuple polonais. » Kaczynski « avait beaucoup d’amour pour les Juifs, et il s’est battu pour se souvenir non seulement de la Shoah, mais aussi de la grande contribution des Juifs dans la société polonaise », a-t-il ajouté.

« La Pologne a perdu 3 millions de Juifs »

Depuis l’avènement de la démocratie en Pologne, rendu possible par la montée au pouvoir du Mouvement de solidarité en 1989 et l’élection du président Lech Walesa en 1990, la Pologne a peu à peu accepté son histoire juive », explique le rabbin. « Walesa a fait les premiers pas, avec sa visite en Israël (en 1991) et son discours à la Knesset. Depuis, chaque président a franchi une étape supplémentaire. » Schudrich a également mentionné le fait que la Pologne a perdu 6 millions de ses citoyens pendant la Seconde Guerre mondiale, dont 3 millions étaient juifs. « Ces trois millions de morts représentaient 90 % de la population juive polonaise de l’époque », dit-il. « Les trois millions de non-juifs représentaient 10 % de la population totale du pays, ce qui est déjà en soi une tragédie. D’une certaine manière, ce pays se remet toujours des pertes de la Seconde Guerre mondiale. »

« Mais, la Pologne a connu de profonds bouleversements. Pendant 50 ans, il était simplement impossible de parler des Juifs. Sous le régime nazi, des Juifs étaient assassinés, et sous le communisme, il était impossible d’en parler. La contribution juive à la culture et à l’histoire nationales était passée sous silence. Alors, nous nous sommes retrouvés face à deux générations de Polonais qui ne comprenaient pas réellement la nature de la contribution juive locale. »

« Nous avons beaucoup d’amis »

« Mais, en tant que grand rabbin ici à Varsovie, j’ai constaté un changement, notamment depuis les deux dernières années : les gens me téléphonent, que ce soit un maire, un directeur d’école ou un prêtre, et ils me disent ‘Nous avons besoin qu’une synagogue soit restaurée ou un cimetière juif soit remis en état’. Plus encore, plutôt que de dire ‘votre’ cimetière ils disent ‘le nôtre' », raconte le rabbin.

« L’antisémitisme a toujours existé ici », poursuit-il. « Comme partout en Europe. Mais, il n’est pas celui des années 1930 – notamment grâce au travail de Jean-Paul II, qui a plus œuvré contre l’antisémitisme que n’importe quel autre leader catholique avant lui… En revanche, si nous sommes de plus en plus efficaces pour identifier et combattre l’antisémitisme, nous sommes assez faibles quand il s’agit d’identifier des amis potentiels. Et aujourd’hui, en Pologne, nous avons beaucoup d’amis. »

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