« Pour la première fois depuis 1945, des juifs sont tués en France parce que juifs ». Cette ineptie, prononcée fin mars 2012, qui omet les nombreux crimes mortels à l’encontre de français de confession juive, de l’attentat rue des Rosier en 1982 à l’assassinat d’Ilan Halimi, ne saurait masquer la transformation de l’antisémitisme dans notre pays et ailleurs.

Récemment, le drame de Bruxelles a encore alimenté les spéculations des criminologues médiatiques sur le concept du « lone wolf » (en anglais, cela fait plus sérieux), ces loups solitaires qui, à l’instar de Merah pour Toulouse, pris d’un accès de folie, passeraient à l’acte.

N’explorons pas ici la responsabilité des pays de l’Europe dans leur hypocrisie lorsqu’il s’agit de laisser partir des jeunes, islamistes depuis toujours ou récemment radicalisés, pour le Djihad. Les Etats-Unis ont joué avec les moudjahidines dans les années 1980, et ont récolté le 11 septembre. La France, en imitant son grand frère d’outre-Atlantique, a actuellement Merah et Nemmouche. Le rôle trouble du Qatar qui finance des terroristes au Sahel tout en investissant en France et en payant les rançons des otages français, cela appartient aux subtilités des arcanes de la diplomatie. N’ergotons pas, hélas.

Changeons d’échelle et resserrons la focale sur Toulouse, la « ville » de Mohammed Merah, et plus particulièrement sur le quartier des Izard. Merah fut un pur produit des incohérences du modèle français, les Isards en sont l’exemple. Des collèges et des lycées scolarisent les jeunes populations de ce quartier et ceux alentours. J’y enseignais. Je peux en témoigner, en respectant le devoir de réserve qui sied à tout fonctionnaire.

Cet écrin de béton fait régulièrement, depuis 3 ans, la une des médias locaux, tant la délinquance y est omniprésente. Elle s’exacerbe, moins par les effets de la crise économique (le lien de cause à effet entre les deux variables n’a jamais été prouvé scientifiquement) que par le climat géopolitique de ces dernières années. Des Kalachnikov crépitent parfois, tuant par des balles perdues de simples innocents, toutes confessions et origines confondues. Les édiles de droite ou de gauche ont renoncés depuis longtemps à reprendre pied dans ces « zones de non-France » (cf Morano). Le cataplasme de l’ordre citoyen, faut-il le croire, est passé de mode.
Revenons à ces établissements scolaires, forteresses infiltrées sur le front invisible qui sépare une république qui n’existe plus, de quartiers livrés à eux-mêmes. Les minorités visibles, comme l’on dit pudiquement, représentent un tiers des élèves, mais 1,5% du personnel enseignant, ce qui pose des questions sur l’adhésion d’une France désœuvrée à des valeurs que personne ne respecte, de la base au sommet. L’ascenseur social est devenu une légende urbaine. Pour arriver aux salles de cours, il faut passer un portail, surmonté de caméras mises là pour dissuader ceux qui ignore que l’éducation nationale n’a pas les moyens de les faire fonctionner. Les couloirs sont tagués, les murs des salles de cours recouvert de graffitis orduriers à l’égard des professeurs, des « fram » ou « céfran » (français), des juifs, et noyée dans la masse, d’une prose approximative très explicite en terme de perception de la sexualité et de l’autorité.

L’administration laisse faire. C’est une soupape de sécurité, un exutoire. Il faut respecter la personnalité des élèves paraît-il. On ne repeint pas souvent les murs, faute, dit-on, de moyen. Aux intercours, à la cantine ou en cours, Le juif est l’objet de tous les fantasmes dans les conversations. Evidement riche, pervers et menteur (merci « la vérité si je mens »), le juif est le traître par excellence, celui que l’on critique sans le connaître. Sionisme, juif, israélien… personne n’en distingue les nuances.

En effet, dans cet établissement de la république laïque, fraternelle et égalitaire, les rares enfants juifs quittent l’établissement quelques semaines après la rentrée, en toute discrétion. On peut les comprendre. Les croix gammées ne sont pas autorisées bien sûr. Mais les trousses en sont parfois affublées discrètement. Les élèves connaissent les brèches du système. Les T-shirt à la gloire d’une Palestine terroriste (qui choque le militant d’un Etat palestinien que je suis), de groupes de rap et hip-hop crachant sur la France, de groupes de rock sataniques ou de folklore militariste sont tolérés. Allez comprendre.

En collège comme au Lycée, l’éducation civique juridique et sociale existe, mais avec un coefficient ridicule voire nulle dans certains cas. Comment donc motiver des apprenants à adhérer à cette discipline ? Cela explique en partie pourquoi, dès les plus jeunes âges, les français d’origine immigrée (nous le sommes tous plus ou moins), se définissent en fonction du pays de leurs parents ou grands-parents. Etats du Maghreb, d’Afrique Subsaharienne, Brésil, Portugal, mais aussi Royaume-Uni et Belgique (cas plus rares). Comment dans « la journée de la jupe » et « entre les murs » (la réalité atteint la fiction), des élèves me demandent si je suis juif. Je botte en touche. La religion, les ethnies relèvent du privé. « Je suis français comme vous ».

La saillie tombe à plat, car je ne remarque pas que le chapitre que je veux aborder avec eux, christianisme et islam au moyen-âge, va provoquer des réactions. Dès le collège, on me demande si les musulmans sont obligés d’écouter un cours relatant de Saint-Jacques de Compostelle ou de l’architecture gothique. La bronca se répand dans la classe, et pas seulement chez les musulmans. Les décrétés « athées » veulent partir aussi. Prétexte ou réaction culturelle, ce genre de comportement n’existait pas il y 25 ans. Je suis obligé d’aller à l’essentiel, empilant les clichés, en expliquant que l’école laïque enseigne le fait religieux, et ne pratique pas de prosélytisme. Qui écoute ? La jeunesse est dépolitisée, sans repères géographiques, le regard rivé sur les écrans de cellulaires et d’ordinateur.

L’Histoire de la Shoah reste une autre composante essentielle du programme d’Histoire en 3e et en première. La solution de facilité relative pour l’enseignant consiste à diffuser « Nuit et Brouillard », le « Pianiste » ou tout autre document vidéo sur la question. Je m’attendais à des soupirs de lassitude de la part des élèves envers des films qui ne sont pas des blockbusters. Bien au contraire, ils me les réclament à corps et à cris. Devant mon étonnement, certains d’entre eux me confessent « aimer regarder des scènes gore », dans une sorte d’attirance morbide pour les cadavres et la souffrance. « C’est comme Saw la célèbre série de films d’horreur américains »>Article original, mais en vrais » ose lâcher un élève hilare. Les uns ne cachent pas leur admiration pour Hitler, qui a fait reculer le chômage en Allemagne, et porte bien le costume militaire. Voilà à quoi peut servir la diffusion de preuves d’un des plus grands crimes de l’humanité… assouvir les penchants pervers de quelques-uns. Ainsi, la mémoire de la Shoah, aboutit au contraire de l’effet recherché. A quoi donc servent les associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme qui ne peuvent ignorer le phénomène.

La jeunesse, dans ce monde désacralisé, se cherche de nouvelles idoles. Dieudonné est apprécié à ce titre, c’est triste. Merah est l’un d’elles, parce qu’il est un « rebeu » (rappelons que les maghrébins ne sont pas des arabes, et que Merah est né non pas en Algérie mais en France), qu’il est toulousain, et natif du quartier. Sa sœur Souah, est une héroïne. Elle a rejoint la Syrie au nez et à la barbe (dit-on, mais chut…) des autorités européennes. Il faut dire que la Syrie est l’autre sujet tabou. Quelques élèves connaissent, directement ou indirectement, des personnes partir faire le coup de feu contre Bachar-El-Assad, le mécréant. 950 Français s’y sont rendu, d’autre iront remplacer ceux qui n’y sont pas revenus.

En parler en cours pour briser le mythe, c’est tabou. Les enseignants n’ont pas à se préoccuper de cela. Dans ce pays centralisé, chacun doit rester à son poste. Nos responsables ne veulent pas de vagues. Aucune prévention n’est instaurée. Pas question de déclencher une guerre civile en classe ou à la récréation. Attendons le prochain drame…

par Roger Elie pour -Tel-Avivre – Article original

15 juin 2014 |

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Daniel

A lire cet article, on pourrait penser que la France a perdu ses élites, et ses maîtres à penser juste.
Qu’elle est livrée à elle même.
Car ce qui se passe à Toulouse se passe partout dans les établissements de l’éducation nationale.
Et là on pourrait se dire « pauvre France ».
Oui on pourrait le penser et se le dire…
Et bien moi, je le pense et je le dis.
Pauvre France.