Condition d’une intégration réussie et fierté d’Israël, l’oulpan subit pour la première fois des restrictions. Le Bureau de l’Intégration informe de la réduction et de la concentration de ses oulpanim académiques. En outre, les niveaux élémentaires Aleph et Beth seront supprimés. Et l’oulpan d’été de l’Université hébraïque de Jérusalem, l’un des rares à offrir les niveaux 5 et 6 (classes Heh et Vav) ne sera plus pris en charge.

Cette politique restrictive du Bureau de l’Intégration semble parfaitement au diapason des dernières réformes de l’Agence juive. Telle est, bien enrobée dans des tournures rassurantes et un discours largement compensatoire, la nouvelle réalité qui se dessine pour les immigrants de France et d’ailleurs : l’Agence juive envisage de réduire l’effort consacré à l’aide aux immigrants.

Le CNEF, Centre national des étudiants francophones basé à Jérusalem, a pour objectif de conseiller, encadrer et soutenir les jeunes « olim » dans leurs études et leur intégration en Israël. Or, Sam Kadosh, à la tête de cet organisme fondé en 1987 et aujourd’hui reconnu pour son efficacité, ne cache pas sa préoccupation face aux derniers changements : depuis quelques mois, il n’existe plus de département de l’aliya au sein de l’Agence juive. Son directeur, Elie Cohen, a démissionné, et il n’a pas été question de le remplacer.

Deuxième source d’inquiétude : le poste de shaliah (délégué) auprès des étudiants a également été supprimé à Paris : il n’y a plus de professionnel sur place pour expliquer aux jeunes candidats à l’aliya comment poursuivre leurs études en Israël.

« Après n’avoir parlé, pendant des années, que d’aliya, l’Agence juive ne parle plus désormais que de hinoukh (éducation) », ironise Sam Kadosh. « Il est évident que sur le principe, nous ne pouvons qu’adhérer au projet éducatif. Mais il faut comprendre ce que cela signifie sur le terrain », tempère-t-il.

Cette priorité se conjugue en effet à une deuxième priorité : le renforcement de l’identité juive à l’étranger. « Ce que veut Sharansky, ce n’est pas encourager l’aliya, malgré ce qu’il en dit, puisque les moyens effectifs le permettent de moins en moins, mais renforcer, en dehors des frontières d’Israël, une forte identité juive ».

Cela passerait notamment par des programmes d’un an en Israël, permettant aux étudiants de mieux connaître et aimer Israël… avant de rentrer chez eux.

Quand l’aliya est laissée aux dons privés

Si Kadosh se refuse à critiquer l’effort visant à consolider l’identité juive à l’étranger, il ne peut que regretter la forme que prend désormais « l’encouragement à l’aliya » : Aux Etats-Unis, c’est un organisme privé, Nefesh beNefesh, qui a pris en main l’aliya. Soutenu par des donations importantes de particuliers, Nefesh beNefesh bénéficie d’une excellente gestion, estime Kadosh.

En France, la situation est plus difficile : le CNEF, et même l’organisation AMI, ne disposent pas des mêmes moyens que Nefesh beNefesh et ne peuvent offrir qu’une aide très limitée. « L’aide aux immigrants sera désormais de plus en plus à la charge d’organismes privés dépendant de la bonne volonté de leurs donateurs. Si ce mode de fonctionnement correspond bien aux Etats-Unis, il n’est pas du tout adapté à la France », note Sam Kadosh.

Le FSJU a bien accordé des bourses à 115 étudiants du CNEF cette année, se félicite-t-il, mais cela ne peut compenser une politique déficiente de l’aliya. Le Bureau israélien de l’Intégration (Misrad Haklita), qui dépend du gouvernement, a pour sa part accordé au CNEF la « modique » somme de 19 000 shekels (environ 4 000 euros…) pour l’année 2011.

Le directeur du CNEF regrette aussi que la nouvelle politique de l’Agence juive ait été décidée unilatéralement, sans consultation préalable des organismes qui, depuis des années (25 ans pour le CNEF), s’occupent des immigrants sur le terrain, et sans consulter non plus les responsables communautaires à l’étranger. « De quand date la dernière table ronde entre Natan Sharansky et les organisations qui s’occupent des immigrants ? », interroge Sam Kadosh, avouant ne pas s’en rappeler.

Difficultés persistantes de l’immigration francophone

En outre, certains problèmes touchent de plein fouet les étudiants français, qui n’ont toujours pas été réglés. Comme celui des équivalences. Et c’est l’aliya francophone de haut niveau qui est ici visée : médecins et dentistes ont le plus grand mal à faire valoir leurs diplômes en Israël, pour ne rien dire des filières paramédicales, en raison d’un système d’équivalences qui ne tient pas compte des spécificités françaises. Les diplômés de Sciences-po., les agrégés, se heurtent également à un système israélien qui ne reconnaît à leur juste valeur que les filières universitaires : un « Docteur » aura plus de facilité qu’un agrégé à obtenir une équivalence adéquate.


« Depuis des dizaines d’années que ce problème existe, rien n’a encore été fait pour faciliter le système d’équivalences », déplore le directeur du CNEF.

« Des problèmes dus à un manque de concertation », estime Sam Kadosh, « manque de concertation entre le sommet et la base d’une part, et entre les différents ministères de l’autre. Les ministères de l’Intégration, de l’Education et de la Santé devraient communiquer au sujet des immigrants ».

Les récents discours de Natan Sharansky contredisaient toutefois la réalité sur le terrain : selon lui, l’aliya serait encouragée, et les nouvelles réformes de l’Agence juive censées « attirer des centaines de milliers de nouveaux immigrants des pays occidentaux ». « Cela se fera en encourageant les programmes en Israël, les expériences touristiques et le sentiment d’appartenance à l’Etat hébreu », rapporte le quotidien Haaretz, citant le président russophone de l’organisation.

Ainsi, l’Agence juive envisage de renforcer sa coopération avec l’organisation Taglit-Birthright Israel, qui propose des voyages éducatifs de dix jours en Israël, et avec Masa, une organisation parapluie qui offre des programmes de longue durée aux jeunes Juifs de Diaspora. « En conséquence, certains feront leur aliya et d’autres deviendront des membres forts de leurs communautés à l’étranger ».

Il semble bien que là se trouve le nouvel objectif, non avoué, de l’Agence juive : cesser de se focaliser sur le nombre des immigrants et le problème démographique pour se concentrer, à l’ère des réseaux de communication en tous genres, sur le renforcement des bons rapports avec les pays étrangers, au moyen de la diaspora juive.

Ce « renforcement de l’identité juive » se fera par le biais de séjours touristiques « éducatifs » ciblés, et limités dans le temps.

Si ce discours compensatoire peut agacer, si l’on peut regretter l’absence de concertation générale et la fragilisation d’un encadrement des olim qui a fait ses preuves, le fait est qu’Israël est aujourd’hui un pays densément peuplé, aux ressources en eau limitées. Un état de fait qui, à lui seul, peut rendre nécessaire une réévaluation de la politique de l’aliya.

NATHALIE SZERMAN

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vered

http://www.francogalil.com
Je suis surprise par la fin de l’article.
Israël un état densément peuple et aux ressources en eau limitées ?
C’est ce qu’on objectait aux premiers sionistes : qu’il n’y avait pas de possibilités de nourrir plus de 600 000 personnes dans ce pays désertique.
Maintenant Israël compte plus de 7 millions d’habitants et sa population augmente régulièrement.
Il y a de la place mais la vérité est qu’il est difficile de faire venir des immigrants de pays occidentaux ou la vie est plus aisée qu’en Israël.
Ce n’est pas une raison pour renoncer.
Je suis étonnée que Nathan Charanski, qui a tant fait pour que les juifs d’URSS puissent émigrer en Israël, jette l’éponge quand il s’agit des juifs d’Europe occidentale ou des USA. Il faudrait un directeur de l’Agence Juive qui vienne d’un pays occidental ou soit au courant du mode de vie occidental.