Si et quand la réplique syrienne devait avoir lieu, ce sera là, en Irak, un des premiers « Etats faillis » de la région, plutôt qu’au Liban, avec son « équilibre confessionnel des pouvoirs » en trompe-l’oeil.

INTERVIEW – Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l’Iris, spécialiste du Proche-Orient et du Moyen-Orient, analyse la dégradation de la situation en Irak.L’Irak est-il en train de plonger dans la guerre civile?

Quand ils observent les répercussions régionales de la guerre en Syrie, les observateurs étrangers s’inquiètent surtout pour le Liban. Je dois dire que je suis davantage préoccupé par l’Irak qui, de fait, vit une guerre civile qui ne dit pas son nom. Au Liban, l’équilibre demeure pour le moment entre les deux grandes forces que sont les sunnites et les chiites, qui s’efforcent de ne pas franchir la ligne rouge. Ce n’est plus le cas en Irak. Ce pays est aujourd’hui au bord du précipice.

Nouri al-Maliki, une marionnette de Téhéran, depuis le départ des Américains.

À qui la faute? Au Premier ministre (chiite), Nouri Al-Maliki?

Sa responsabilité est accablante. Il surfe sur la nostalgie de l’homme fort sans réaliser la montée du ressentiment à son égard de la part des sunnites, qui l’accusent de confisquer tous les pouvoirs. Il s’est coulé dans les habits du leader classique de la région alors qu’il est perçu comme un chiite autoritaire. Il a, comme Morsi en Égypte, refusé le pluralisme, un apport d’oxygène.

«Les seuls qui tirent leur épingle du jeu sont les Kurdes»

Pourquoi la violence est-elle si marquée depuis le début de l’année?
Pour les raisons que je viens d’évoquer, ce ressentiment entre communautés ; et du fait de la guerre en Syrie. Les chiites sont militairement très impliqués de l’autre côté de la frontière, de plus en plus de jeunes Irakiens prennent les armes en Syrie. Les frontières issues de la Première Guerre mondiale sont remises en question, et les seuls qui tirent leur épingle du jeu sont les Kurdes. Le gouvernement régional du Kurdistan ne prend même plus la peine d’en référer à Bagdad au moment de signer un contrat pour le pétrole, par exemple. Partout ailleurs, c’est le chaos.

Comment y remédier?

Un rapprochement entre l’Arabie saoudite (sunnite) et l’Iran (chiite) pourrait permettre de calmer le jeu. Les Saoudiens sont en train de reprendre la main sur le dossier syrien notamment, après avoir été devancés par le Qatar. Mais il faudrait surtout parvenir à un accord entre Américains et Russes au sujet de la Syrie afin d’échapper à un embrasement pire encore.

Avant la dégradation actuelle, l’Irak avait pourtant vécu quelques années de relative accalmie…

Au sortir de la guerre de 2003, le pays s’est progressivement et lentement dirigé vers une affirmation de l’autorité centrale. Mais le pays n’était pas prêt à régler les tensions sous-jacentes quand les Américains sont partis, à la fin de l’année 2011. L’autorité politique n’était pas suffisamment installée et légitimée. Au départ des Américains se sont ajoutées les conséquences désastreuses de la guerre en Syrie puis la gestion du pays par Maliki. Or, tant que le gouvernement demeurera sous la coupe d’une partie de la population, rien ne sera possible.

Lire aussi : Irak, l’horreur au quotidien

A.D. – Le Journal du Dimanche Article original
dimanche 04 août 2013

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