L’aéroport international d’Israël fait souvent figure de modèle en termes de sécurité aérienne. Contrôles de véhicules, robots, vidéosurveillance, demande de renseignements controversée sur les passagers… Tout cela pour protéger les passagers d’attaques terroristes.

PHOTO: JPOST

Mais derrière cette réputation, et surplombant l’aéroport, les cieux se troublent. Le gouvernement américain a gratifié la sécurité aérienne d’Israël d’une fort mauvaise note. Le pays fait même partie des moins bien classés, côtoyant le Bangladesh, la République démocratique du Congo, Haïti ou le Zimbabwe.

Pire encore, certains pilotes craignent de voir un jour leur appareil abattu par erreur : dans une série de contretemps, il est déjà arrivé que l’armée de l’air dépêche en urgence des avions de guerre pour intercepter des appareils commerciaux qu’elle soupçonnait ennemis.

C’est en 2008 que la note israélienne est revue à la baisse pour la première fois. Motif : deux incidents qui auraient pu provoquer de réels accidents, selon un cadre de l’aviation israélienne qui s’exprime sous couvert d’anonymat pour n’être pas autorisé à évoquer la question avec les médias. Une note rétrogradée qui cause donc un « embarras international à l’autorité de l’aviation civile », a récemment déclaré Giovanni Bisignani, directeur de l’Association internationale du transport aérien, lors d’une visite en Israël.

Les autorités israéliennes pointées du doigt

Et les instances internationales ne sont pas les seules à s’inquiéter : l’agence de surveillance israélienne a reproché au gouvernement de faire preuve de mauvaise volonté pour mettre en place une commission chargée de trouver des solutions aux graves manquements sécuritaires de l’aéroport Ben Gourion.

Technologies dépassées, pistes trop courtes, espace aérien surchargé que se partagent les vols commerciaux et militaires, autorité d’aviation civile dysfonctionnelle… les problèmes sont légion. D’ailleurs, si Giovanni Bisignani s’est rendu en Israël en novembre dernier, c’est en partie pour pousser le pays à mettre à jour ses normes de sécurité aérienne. Des normes éculées qui surprennent d’autant plus que l’aéroport flambant neuf a vécu des records de fréquentation l’an dernier : 3,5 millions de touristes et autant de passagers israéliens.

Mais Bisignani n’en a pas moins précisé aux cadres locaux que les passagers ne doivent pas pour autant douter de la sécurité des lignes israéliennes – El Al, Israir, Arkia et C.A.L. Cargo Airlines. Il a également loué la « suprématie de longue date d’Israël » en matière de sécurité, et notamment son « travail de pionnier sur l’analyse comportementale des passagers ». D’autres, comme les Etats-Unis, ont reculé devant de telles méthodes où les inspecteurs interrogent des passagers dont le profil est considéré comme suspect sur la base de critères ethniques ou raciaux.

Giovanni Bisignani insiste. Israël ne s’attaque pas assez sérieusement au problème. Et fait fi des conclusions de l’instance de contrôle américain, la FAA, qui conduit à la révision de ses performances, désormais classées en catégorie 2. Une note qui empêche les lignes israéliennes de se développer sur le marché américain ou de mettre en commun trajets et passagers. « Cette situation porte atteinte à la réputation d’Israël et met à mal les lignes israéliennes », insiste Bisignani.

L’Etat hébreu n’a toutefois jamais été confronté à un accident d’avion. Mais les experts expliquent que l’aviation civile a été négligée pendant des décennies. Sursaut, en 2007, lorsque deux appareils, d’El Al et d’Iberia, évitent de peu une collision, à Ben Gourion. Une commission avait été mise en place par un ancien chef de l’armée de l’air pour étudier les manquements à la sécurité et les solutions pour y remédier.

Des lois vieilles du mandat britannique

Depuis, le pays tente de se mettre doucement à niveau – nouveaux radars, extension de l’une des trois pistes de l’aéroport, construction d’une nouvelle tour de contrôle… Mais ces changements sont loin d’être satisfaisants. « Des professionnels locaux ou étrangers et des commissions spéciales ont relevé de nombreuses lacunes. Malgré cela, le gouvernement n’a malheureusement pas fait assez pour améliorer la sécurité aérienne en Israël », regrette Micha Lindenstrauss, contrôleur d’Etat, dans un rapport publié en septembre dernier. « Les vies de passagers civils sont potentiellement à risque ».

Dans son viseur : la Knesset, qui n’a fait passer aucune nouvelle loi. Celles en vigueur actuellement remontent à 1927, lorsque la Palestine était sous mandat britannique.

Depuis qu’il fait figure de mauvais élève, le pays travaille avec la FAA pour répondre strictement aux normes, explique le ministre des Transports. Une loi devrait être proposée au parlement en février 2011. Certains points inquiètent déjà le capitaine Boaz Hativa, porte-parole de l’Association des pilotes israéliens. « Nous craignons que si l’institution chargée des enquêtes sur les accidents est mise à mal, la sécurité des vols le soit aussi », explique-t-il.
Car l’un des articles de cette loi en gestation prévoit que l’agence israélienne ne sera plus le seul arbitre dans les enquêtes. Son autonomie sera donc compromise et toutes les informations recueillies ne seront plus confidentielles, ce qui poussera les gens à réfléchir à deux fois avant de témoigner, analyse Boaz Hativa.

Un autre programme, en phase de test, proposé par le ministère des Transports n’emporte ni l’adhésion du capitaine, ni celle de Bisignani. Il obligerait les pilotes à composer un code de sécurité confirmant leur identité avant d’être autorisés à atterrir. Mais la méthode laisserait à désirer. Au moins deux avions, ces deux dernières années, ont été interceptés par des avions de combats israéliens alors qu’ils s’approchaient de l’espace aérien du pays. Leurs pilotes avaient composé un code incorrect. « Ce code peut être le déclencheur d’un scénario conduisant à abattre un avion innocent », souligne Boaz Hativa.

« Bien sûr, c’est un scénario extrême. Mais il peut arriver ». Même constat pour Bisignani, qui conseille à Israël d’oublier ce programme. Prié de s’exprimer sur le sujet, le ministère est resté silencieux.

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