L’Amérique juge mardi et mercredi ses « Merah » : Djokhar Tsarnaev pour l’attentat de Boston en avril, et le major Hasan, pour la fusillade de Fort Hood en 2009.Citoyens américains, ils ont tué des compatriotes au nom du djihad. Djokhar Tsarnaev, 19 ans, comparaîtra pour la première fois dès mercredi devant une cour fédérale. Le major Nidal Hasan, 42 ans, passera la veille en cour martiale. En 2009, il avait abattu treize officiers et blessé une trentaine d’autres soldats sur la base militaire de Fort Hood, au Texas, où il était psychiatre. Les crimes du major Hasan seront jugés comme des « actes de violence au travail » : comme un employé de bureau pris de folie, pas comme un terroriste. À l’image de la société civile, les experts interrogés sont pourtant divisés sur le sujet. Certains approuvent la thèse d’un homme torturé par des conflits personnels insolubles. Mais pour Jeffrey Addicott, président du Center of Terrorism Law de St Mary’s University (San Antonio), « il a agi en soldat ennemi, partisan du djihad. »

Le traumatisme de partir au front
Un coup de théâtre dans les préparatifs du procès donne du corps à cette théorie. Début juin, le major a renvoyé tous ses avocats pour assurer lui-même sa défense. Il déclare avoir agi pour sauver des vies talibanes, qu’il estimait menacées par ses compagnons d’armes en attente d’être déployés en Afghanistan. Selon Addicott, l’important pour Hasan est de « faire de ce procès une caisse de résonance : à défaut de tuer, il tentera d’endoctriner ».

Difficile de tracer les trajectoires de ces ennemis publics comme deux exactes parallèles. L’histoire du major Hasan est celle d’une radicalisation lente, solitaire, ponctuée d’événements déclencheurs. Né et élevé en Virginie, Hasan a rejoint l’US Army, qui lui paie ses études de psychologie, contre l’avis de ses parents, immigrés palestiniens devenus restaurateurs. À leur mort, il se plonge dans le Coran. Hasan n’a pas de véritable ami lors de son transfert à Fort Hood, où il aurait subi des brimades.

« Son travail de psy consistait à écouter quotidiennement les horreurs de la guerre de soldats traumatisés, dira de lui son cousin Nader Hasan, et l’idée d’être envoyé au front le terrorisait. » Son probable départ pour l’Afghanistan fait office de détonateur, cristallisant un ingérable cas de conscience. Le matin du 5 novembre 2009, il abat treize officiers, en ciblant ceux en uniforme.

Le cas Tsarnaev semble plus complexe. Clark McCauley, psychologue du terrorisme au Bryn Mawr College de Pennsylvanie, va jusqu’à dire que le moteur principal de Djokhar était « l’amour pour son grand frère ». On sait que l’aîné, Tamerlan, moins intégré que Djokhar, a vu ses ambitions de boxe professionnelle fauchées par une loi lui interdisant de participer à des tournois, faute de carte verte. Son job de livreur de pizzas le laissait dans une frustration immense. À l’inverse, Djokhar, étudiant médiocre, fumeur de joints, citoyen américain, était considéré comme un papillon social, à l’aise partout.

« Djihad et paradis du guerrier »

Entre le psychiatre de l’armée et l’étudiant, un point commun, une étincelle : les prêches d’un imam radical, Anwar Al-Awlaki. Un Américain d’origine yéménite tué en 2011 par une attaque ciblée de drone au Yémen. Tsarnaev a expliqué aux enquêteurs que lui et son frère ont été en partie inspirés par ses vidéos en ligne.

Le major Hasan, lui, a fréquenté en 2001 une mosquée de Virginie où Al- Awlaki était imam. Ils échangeront même des courriels, « où il est question de djihad et de paradis du guerrier », affirme Addicott, pour qui ces communications directes classent de facto le major Hasan comme un membre d’Al-Qaida.

Terroristes ou malades mentaux?

Les jurés fédéraux, d’un côté, et un panel militaire, de l’autre, trancheront. Les deux hommes encourent la peine de mort.

Maxime Robin, à New York (Etats-Unis) –

dimanche 07 juillet 2013

Le Journal du Dimanche Article original

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