Les lunettes connectées de Google promettent des fonctionnalités innovantes, mais s’annoncent aussi comme un cauchemar pour la vie privée. Le point de vue de Boris Manenti.

« C’est quoi les Google Glass ? » Pour ceux qui ont raté les épisodes précédents, Google a conçu et peaufine actuellement un concept de lunettes connectées, sobrement baptisé « Google Glass ».

Ce petit écran de verre sur une monture légère permet, via une liaison avec le smartphone, d’obtenir en surimpression quantité d’informations.

On pourra téléphoner, lire ses messages, photographier ou filmer tout ce que l’on a dans son champ de vision, en commandant simplement par la voix de « prendre une photo » ou d' »enregistrer une vidéo ». On pourra aussi être guidé par GPS, faire des recherches Google, trouver des informations sur son vol, de traduire ses phrases instantanément dans n’importe quelle langue, etc. Les possibilités semblent illimitées. Les risques aussi.

L’idée de voir concrétiser le « scouter » du manga « Dragon Ball », l’appareil qui servant à évaluer la puissance d’un adversaire, a enthousiasmé les geeks du monde entier. « Avoir un ordinateur greffé au visage est le deuxième plus grand rêve des geeks après faire l’amour avec un robot », s’amuse le site Gawker. Seulement, le site s’avère très critique face aux Google Glass : « Si vous portez les nouvelles Google Glass, alors vous êtes un asshole. »


Google présente ses lunettes du futur par LeNouvelObservateur

L’œil de Sauron

Au-delà de la critique en règle, le site américain mérite de poser la question centrale : celle de la vie privée. En cause : la présence d’une caméra sur la monture capable de tout filmer, tout le temps, et de l’envoyer en un rien de temps sur internet. L’œil de Sauron qui voit tout, monté sur des lunettes. L’inquiétude est légitime, et concerne même les politiques.

Le sénateur australien Cory Bernardi : « Plus besoin de saisir son iPhone et de cliquer pour capturer le moment. Les Google Glass peuvent le faire toute la journée, tous les jours, et automatique. Que se passe-t-il si vous êtes victime de ce genre d’enregistrement ? »

Aux Etats-Unis, les parlementaires de Virginie sont, eux, inquiets pour la sécurité des routes. Ils ont d’ores et déjà déposé un projet de loi visant à interdire « tout ordinateur portable avec visiocasque » au volant. Après tout, téléphoner en conduisant est déjà prohibé…

« Ça va finir au CE ! »

Plus que des questions de procédure, les Google Glass posent une flopée de problèmes. Les rapports humains sont-ils en danger avec ce nouveau joujou technologique ? « Impossible de savoir si l’on est enregistré ou non ; et si c’est le cas, il sera impossible de l’arrêter », s’alarme Creative Good.

Pis, quelle impolitesse ! Discuter avec quelqu’un distrait par les informations qui s’affichent en permanence devant son œil semble pire que de faire face à un passager pendu au téléphone dans un train. Il suffit de voir toutes les alertes (pushs) reçues sur son smartphone pour imaginer l’attention chuter dans les abysses de la concentration.

Acceptera-t-on de discuter avec un ami portant les dangereuses lunettes ? Lui confier un secret relèvera-t-il du suicide social ? Osera-t-on encore jouer à « Just Dance » au risque de se retrouver sur YouTube ? L’amour deviendra-t-il synonyme de sextape automatique ? L’open space signifiera-t-il la présence de cet œil intrus ? « Ça va finir au CE ! », pronostique un directeur d’entreprise. Quid aussi de la culture et du spectacle ? Comment les cinémas, traqueurs d’objectifs, feront-ils face aux lunettes pirates ? Comment les musées réussiront-ils à interdire les photos de leurs œuvres ?

En somme, une ère de guetteurs, de la transparence absolue, qui fait froid dans le dos.

Ce n’est pas l’avis du blogueur star Jeff Jarvis. Celui-ci rappelle qu’au moment de l’arrivée des téléphones portables avec caméras, la ville de Chicago a réfléchi à interdire l’usage des mobiles dans les toilettes, vestiaires et douches, par crainte que des images volées ne soient diffusées sur internet. « Cette peur ne s’est pas concrétisée », note le blogueur. « Pourquoi ? Parce que nous sommes civilisés. Nous ne sommes pas aussi grossiers, stupides et pervers que le Conseil de Chicago »>Article original le présumait. »

L’ami Jeff occulte le phénomène du « porn revenge », qui consiste à se venger de ses ex en postant d’anciennes photos ou vidéos érotiques.

La reconnaissance des visages, un problème épineux

« S’il y a quelque chose que vous ne voulez pas que l’on sache, alors vous n’auriez peut-être pas dû le faire en premier lieu », philosophait le patron de Google, Eric Schmidt, en 2009. Mais la pratique s’avère parfois loin de la théorie. Le même Schmidt a été excédé lorsque le site Cnet a publié de nombreuses informations personnelles sur lui. En 2010, il a même prévenu : « La société ne comprend pas toutes les conséquences d’une transparence totale, avec des enregistrements de tout ce qui se passe, disponibles à tous, tout le temps. »

Après tout, peut-être qu’Eric Schmidt aussi pense comme Gawker que les possesseurs de Google Glass sont des « trous du cul ». Le site américain craint également les futures utilisations déloyales des lunettes. Le possesseur de Google Glass pourrait dans un futur proche non seulement d’épier, mais également d’être capable de reconnaître toutes les personne qu’il croise dans la rue (grâce à une reconnaissance faciale basée sur Facebook ou Google+) ou de détecter les personnes les plus riches (en évaluant le prix des vêtements de chacun).

La question de la surveillance mérite aussi d’être posée. Avec les nouvelles technologies de reconnaissance vocale (Siri, Google Now…), on sait qu’il est possible de convertir n’importe quel enregistrement audio en texte.

Si à l’avenir Google stocke tous les types d’enregistrement et permet des recherches sémantiques à l’intérieur de ceux-ci, alors notre vie entière sera accessible par des mots clefs. Que se passera-t-il lorsqu’un organisme gouvernemental décidera de mettre son nez dedans ? Ou un hacker ? Ou un conjoint trop curieux ?

La vie de citoyen en public est sur le point de changer. Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. En fait, Scott McNealy, cofondateur de Sun Microsystems, était peut-être visionnaire en déclarant en 1999 : « De toute façon, vous n’avez plus de vie privée. C’est pas la mer à boire… »

Boris Manenti. Le Nouvel Obs Article original

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Serge Belley

Ici au Canada comme aux USA les ordinateurs se parlent déjà entre eux tous les canadiens avec un dossier criminel du moins dangereux au plus dangereux est fiché dans l’immense banque de données des USA.
Si vous avez le malheur de vous présenter a la frontière US avec une crotte a votre réputation on vous retourne de bord et malheur a qui aurait passé avec un dossier, il sera jeté en prison pour des années a venir.

Svenssens4

Il serait temps que l’Europe réagisse fermement contre le modèle GAFA (Google, Amazone, Facebook, Apple) toutes entreprise purement USA et protège ses citoyens. Les reglèments en cours de discussion à Bruxelles doivent nous permettre de réagir et protéger notre droit à la protection de la vie privée, droit à l’anonymat, droit à l’oubli.Ne laissons pas passer la fin de l’annéée sans réagir contre cette main mise américaine sur nos données.

Nos données personnelles ne sont pas à vendre et doivent être protégées. A quand une identité française numérique régalienne ? Sarkozi nous a fait cette promesse en 2006 à Issy les Moulinaux, je m’en souviens, depuis rien….risible.

Israel va bientôt lancer sa carte d’identité à puce.A bon entendeur!!