Face aux attaques tous azimuts de leurs adversaires, l’ancien patron du FMI et sa femme s’en tiennent à une stratégie de discrétion absolue.

Priez pour Kenneth Thompson ! » Ce dimanche 31 juillet, le révérend Alfonso Rogelio (A.R.) Bernard commence sa messe par un vibrant hommage à l’avocat de Nafissatou Diallo, l’accusatrice de,Dominique Strauss-Kahn. Veste gris clair, chemise blanche, cravate et pantalon noir, il ressemble ­davantage à un businessman qu’à un clergyman. Souriant, mince, de taille moyenne, il est seul face à plusieurs milliers de personnes, noires pour 99 % d’entre elles, réunies dans l’immense auditorium de son église, plein à craquer. Il parcourt en micro-cravate la scène, décorée de bouquets multicolores et surplombée par d’énormes enceintes suspendues au plafond.

On se croirait à un concert à Bercy. Le prêche est retransmis par deux caméras qui filment depuis le fond de la salle, plus une troisième, accrochée au-dessus du public au bout d’une longue perche. « Ne jugez pas Nafissatou Diallo par rapport à ce que les médias écrivent sur elle, attaque le pasteur. La presse ne vous dit pas la vérité. Et la tâche de Kenneth Thompson, qui est membre de notre congrégation, est difficile. Le procureur gère l’enquête de manière révoltante. Il y a eu des fuites pour déstabiliser Nafi. Elle a peut-être commis des erreurs par le passé. Mais tout le monde en commet. Cela ne devrait pas l’empêcher d’obtenir réparation pour l’agression sexuelle dont elle dit avoir été victime. Amen. » Les fidèles se lèvent. « Alléluia », répondent-ils, debout, en applaudissant les bras levés.

Cette messe est le dernier acte de la guerre que mène Kenneth Thompson contre Dominique Strauss-Kahn. Trois jours plus tôt, il organisait une conférence de presse réglée au millimètre. C’est lui qui a écrit le texte que la victime présumée de DSK prononce d’une voix presque inaudible, devant un mur de caméras, et qui le lui a fait apprendre, car elle ne sait ni lire ni écrire. Nafi reste trois minutes sur le podium, tirée à quatre épingles dans un tailleur bleu marine. Puis elle s’éclipse au premier étage de l’église, attendant son avocat et le pasteur pour un repas prévu dans la salle à manger de l’église. Pendant ce temps, Noel Leader, fondateur de « 100 Blacks in Law Enforcement who Care » (une association de policiers noirs), tonne contre Cyrus Vance, le « dysfunctional District Attorney » (le procureur dysfonctionnel) dont il ­réclame la démission.

Kenneth Thompson s’est toujours vu en défenseur de la cause noire, comme en témoigne la décoration du bureau où il nous reçoit. Des statuettes africaines multicolores sont posées sur le rebord de larges fenêtres donnant sur la 16e rue. La table de travail est longue, étroite, en bois exotique de couleur claire, et surtout très haute. Ce qui permet à Kenneth Thompson de toiser les visiteurs, qui, assis sur des sièges de taille normale, le regardent d’en bas. Dans un coin, il a posé plusieurs livres consacrés à l’affaire, dont « DSK, l’enquête » (édité par Paris Match) et « Le roman vrai de Dominique Strauss-Kahn », de Michel Taubmann. Sur le mur qui lui fait face, il a accroché ses diplômes et les nombreux prix obtenus au cours de sa carrière. Derrière lui, des photos ­témoignent de son bonheur familial. « Je ne suis pas qu’un homme noir en colère, même si je peux l’être quand il le faut », sourit-il. Kenneth Thompson est aussi « le père comblé de deux jeunes ­enfants » qui vont avec lui tous les ­dimanches au Christian Cultural Center, l’église du révérend Bernard.

Blancs contre Noirs : C’est l’angle d’attaque choisi par Thompson pour sauver Nafissatou

Sanglé dans des costumes hors de prix et des chemises blanches amidonnées, Kenneth Thompson en impose du haut de son 1,95 mètre. Il a une voix profonde, le sens de la formule, un charisme incroyable quand, le doigt levé, il s’adresse au public. Obama fait figure de piètre orateur à côté de lui. Thompson adore faire attendre ses visiteurs – deux heures et demie, en ce qui nous concerne.

« A l’université, il était déjà de toutes les manifestations », se souvient une de ses camarades de fac. Kenneth Thompson est devenu avocat grâce à sa mère, ex-flic à Harlem dans les années 70-80. A l’époque, des femmes noires dans la police new-yorkaise, c’était rarissime. C’est elle qui lui aurait donné le goût du combat en faveur des minorités raciales. Une fois son diplôme de la New York University en poche, le jeune Thompson commence sa carrière comme adjoint au procureur de Brooklyn, où il habite toujours. En 1997, il s’illustre dans l’affaire Abner Louima, un Haïtien violenté par des policiers à la sortie d’une boîte de nuit. A New York, le scandale fait grand bruit : personne ne veut croire des flics capables d’une telle monstruosité. « Mais Kenneth Thompson, qui défendait Louima en tant que procureur, a fait preuve d’une remarquable pugnacité », se souvient aujourd’hui Marvyn Kornberg, l’avocat de Justin Volpe, un des policiers mis en cause. Au début du procès, la plaidoirie de Thompson en faveur de la victime marque les esprits. Les policiers écopent de quinze à trente ans de prison, et Louima obtient 8 millions de dollars de dommages et intérêts.

Fort de ce succès, Thompson décide de monter un cabinet d’avocats spécialisé dans le pénal et les discriminations à l’emploi. « L’avantage, dans le privé, c’est qu’on peut choisir les affaires dont on se saisit. Et on gagne beaucoup plus d’argent. » Il s’associe avec un ancien collègue, Douglas Wigdor, pour créer Thompson Wigdor LLP. Sa devise : « agir en fonction de son cœur et pas de ce que les autres pensent ». Thompson défend par exemple une victime rackettée par un dangereux gang de Brooklyn, ce qui lui vaut d’être menacé physiquement, mais il n’en a cure : la castagne, il adore. Les clients affluent, les succès s’accumulent, l’argent aussi. Thompson et Wigdor achètent, au 5e étage d’un immeuble cossu sur la 5e avenue, de luxueux bureaux, à la décoration minimaliste.

Le procureur Cyrus Vance a besoin du vote des minorités ethniques pour être réélu

Quand il obtient la défense de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson pense avoir mis la main sur un dossier en or. Victime noire et pauvre contre accusé riche et blanc : voilà un combat pour lui. Sauf qu’il se rend compte rapidement que la jeune Guinéenne ne correspond pas au portrait qu’il aimerait dessiner d’elle. Alors, vis-à-vis du procureur chargé de vérifier ses déclarations, et a priori de son côté, il se mure dans le silence. Son interlocuteur insiste, demande à le voir, mais Thompson ne le prend pas au téléphone pendant plusieurs jours. « Il était paniqué », témoigne un de ses visiteurs de l’époque qui se souvient l’avoir vu jeter une bouteille d’eau, de rage, quand il a réalisé que l’accusation contre DSK allait s’effondrer. Le 1er juillet, Cyrus Vance annonçait publiquement que « la victime présente de sérieux problèmes de crédibilité ». Kenneth Thompson cherche la parade. Et la trouve auprès de son mentor et ami de toujours : A.R. Bernard.

Né au Panama, arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 4 ans, cet ancien banquier a créé l’un des plus importants lieux de culte de New York. Il figure parmi les personnalités de couleur les plus influentes. Il est redouté par les politiques et adulé par les 33 000 membres de son Christian Cultural Center. Son église est située au milieu des HLM de Carnasie, un des faubourgs les plus pauvres de Brooklyn, à l’ombre des avions qui décollent de l’aéroport John F. Kennedy. Dotée d’un budget de 60 millions de dollars, elle fonctionne avec l’aide d’un millier de bénévoles. Dans son bureau, A.R. Bernard a accroché des photos de lui accompagné de George W. Bush, du maire de New York Michael Bloomberg (qu’il a soutenu lors des dernières élections municipales) ou de Raymond Kelly, le tout-puissant patron du NYPD. Chaque dimanche, 300 000 auditeurs écoutent ses prêches à la radio.

Entre le révérend Bernard et Kenneth Thompson, il y a une relation « quasi filiale », confie un témoin. L’avocat de Nafissatou Diallo est un des membres les plus actifs de la congrégation. Et il compte bien miser sur cette force de frappe pour empêcher le procureur Cyrus Vance de classer l’affaire DSK. Vance, qui est démocrate, a en effet besoin du vote des minorités ethniques pour se faire réélire.

Aujourd’hui, Nafissatou est prise en charge par le révérend Bernard. Celui-ci a les moyens de la loger et d’assurer sa sécurité. Il est chrétien, elle est musulmane, peu importe. Blancs contre Noirs : tel est l’angle d’attaque choisi par Thompson pour sauver la plainte de sa cliente. Baroud d’honneur ? A New York, cette stratégie laisse sceptique. « Mais depuis le décès de Johnnie Cochran, l’avocat d’O.J Simpson, et la mise en sourdine de l’activiste Al Sharpton, grand défenseur de la communauté noire, il y a un marché à prendre. Et Thompson fait tout pour le saisir », analyse Murray Weiss, chroniqueur judiciaire de DNAInfo.com.

Pendant ce temps, Dominique Strauss-Kahn se mure dans le silence. La semaine dernière, vêtu d’une chemise froissée, il allait dîner dans un restaurant chinois. Lundi, en fin d’après-midi, des agents immobiliers faisaient visiter son « townhouse » de TriBeCa, sur Franklin Street. Il est toujours occupé, mais a été proposé à la vente.

Paris-Match.com

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KM

Business is business pour le révérend Bernard et Kenneth Thompson ! Quand je pense à tout ce qu’à fait le Peuple Juif pour permettre aux Noirs Américains d’accéder aux mêmes droits que les Blancs. Certains même se sont fait tuer dans les années 60. Et maintenant, c’est le Black Power qui ressurgit ! Une honte ! Comme quoi, tant en Europe qu’aux U.S., le multi-culti est voué à l’échec.