Six anciens directeurs des services de renseignements israéliens témoignent dans The Gatekeepers, diffusé sur Arte le 5 mars. Le documentaire montre une politique israélienne nationaliste, sécuritaire et paranoïaque, ce que la presse locale n’a guère apprécié.Sorti en juillet 2012, le documentaire de Dror Moreh Shomrei Hasaf (diffusé à l’étranger sous le titre anglais The Gatekeepers) a d’abord été accueilli dans une indifférence relative. Indifférence relative car, si l’on excepte les pages cinéma des grands titres nationaux, l’écrasante majorité des réactions politiques et éditoriales ont été publiées dans le quotidien libéral et de centre gauche Ha’Aretz. Cette indifférence relative n’a été que peu démentie après l’octroi du Cinema for Peace Award à Berlin le 9 février et après la nomination du documentaire à l’oscar 2013 du meilleur documentaire.

Il faut dire que, de la vision de ce long « interrogatoire » de six anciens directeurs du Shabak Service général de sécurité ou Shin Beth »>Article original par le réalisateur Dror Moreh, il ressort que les choix politiques et stratégiques opérés depuis 1967 par tous les gouvernements israéliens (à l’exception de celui dirigé pendant deux ans par Yitzhak Rabin) participent d’une vision du monde trop nationaliste, et sécuritaire. Les conclusions que tirent ces six anciens « durs » du renseignement intérieur israélien convergent toutes : Israël a négocié trop peu, trop tard et de manière trop procédurale par rapport à la hauteur des enjeux : la paix par la sécurité mais aussi par la réconciliation. La poursuite de l’occupation des territoires palestiniens non seulement corrompt et déshumanise la société juive israélienne, mais elle menace de destruction l’Etat hébreu. Cette vision pessimiste n’étant partagée que par la presse de gauche et de centre gauche, il n’est pas étonnant que les seules réactions dans la presse de droite et d’ultradroite aient oscillé entre l’indifférence contrainte et l’hostilité totale.

Il est donc tout naturel que l’essentiel des commentaires – positifs de surcroît – aient été publiés dans Ha’Aretz. Dans un éditorial titré : « On liquide et on pleure » allusion à On tire et on pleure, documentaire de David Benchetrit, 2000″>Article original, Allouf Ben, chroniqueur politique, écrit que The Gatekeepers n’est pas un film de gauche de plus. Non, c’est un film très israélien. C’est un film réalisé par des Israéliens, pour des Israéliens et sur les Israéliens. Le documentaire de Dror Moreh est l’histoire officieuse du Shabak depuis 1967, racontée de la bouche même de six de ses anciens directeurs. Il s’agit ici de la version du conflit israélo-palestinien fournie par le Shabak. C’est aussi l’histoire vue et écrite par une ‘ancienne élite’ qui n’en peut plus de cette guerre éternelle. »

Climat de haine

Toujours dans Ha’Aretz, Hemi Shalev, vétéran de la presse hébraïque et ancien rédacteur en chef de Maariv droite »>Article original, estime que “The Gatekeepers nous remémore cruellement les événements dramatiques qui ont ébranlé notre pays ces trois dernières décennies et que nous sommes hélas de plus en plus nombreux à vouloir oublier : les réseaux terroristes juifs, la répression militaire de la première Intifada, l’assassinat de Yitzhak Rabin par un extrémiste juif de droite »>Article original, la présence bruyante de Benyamin Nétanyahou sur la place de Sion à Jérusalem, lors des manifestations de l’automne 1995 contre le processus de paix avec l’OLP »>Article original et l’inexorable progression des constructions en Cisjordanie, qui a fini par faire la pluie et le beau temps en Israël”. Interrogé par Hemi Shalev, Dror Moreh enfonce d’ailleurs le clou en dénonçant l’amnésie de trop d’Israéliens. “Non, je ne crois pas que Nétanyahou soit en soi responsable de l’assassinat de Yitzhak Rabin, mais, en participant de manière visible aux manifestations violentes contre les accords d’Oslo et contre Rabin, ces manifestations où le Premier ministre était représenté en nazi ou dans un cercueil, Nétanyahou a légitimé et entretenu un climat de haine qui a fini par armer les assassins.”

Précisément, si la plupart des chroniqueurs politiques des quotidiens de droite semblent délibérément ignorer le film ou son impact, ce n’est pas le cas d’un des anciens cadres d’un réseau juif démantelé en 1984, Hagaï Segal, qui publie régulièrement des tribunes dans Maariv ou dans Yediot Aharonot. Pour Hagaï Segal, “se pourrait-il que le Shabak soit tombé amoureux des Palestiniens ? Malheureusement, oui. Certes, il ne s’agit pas ici d’amour romantique, mais moral.

Ces hauts responsables du Shabak souffrent d’une sorte de syndrome de Stockholm à l’envers, en vertu duquel il arrive que des otages en arrivent à s’identifier à leurs ravisseurs. Il est plus rare que ce soient les gardiens qui finissent par s’identifier à leurs prisonniers. Ce travail de Sisyphe qu’est notre combat existentiel contre l’ennemi arabe semble avoir eu raison de la foi du Shabak en la justesse de notre position.

Le livre le plus populaire au monde la Bible »>Article original et l’archéologie démontrent que nos ancêtres ont vécu à Hébron des millénaires avant que Mahmoud Abbas et ses semblables ne s’y installent. Certes, il est vrai que certains mécanismes du contrôle exercé par Israël sur la Judée-Samarie Cisjordanie »>Article original rappellent une occupation militaire, parce que parfois il n’y a pas d’autre choix que celui de la force. Ces similitudes semblent avoir fini par aveugler jusqu’aux chefs de nos services de renseignement.”

Seule critique construite sur un strict registre cinématographique, le texte franchement mitigé publié sur le très populaire et très informé site internet Walla par le critique de cinéma Marat Parkhomovsky. “Ce documentaire est essentiel et secouant. Mais il est dommage qu’au lieu de s’appuyer simplement sur le matériau fantastique qu’il est parvenu à rassembler Moreh multiplie les effets appuyés pour ‘aider’ le spectateur israélien à se faire son opinion, au besoin en jouant sur l’émotion et en misant davantage sur l’affect que sur l’esprit, un comble pour un film dont l’objectif déclaré est de pousser les spectateurs à réfléchir. Ce procédé est particulièrement choquant dans le traitement de la mise à mort de Rabin et des accords d’Oslo, des accords dont l’échec est imputé à la seule extrême droite juive, comme si l’attitude au minimum ambiguë d’Arafat et de l’OLP face aux attentats terroristes palestiniens n’avaient joué aucun rôle. Dans ces moments-là, le documentaire perd de son intelligence, et donc de sa puissance et de sa signification.”

Courrier international |Pascal Fenaux
Article original

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barmoha andr

Je suis Juif et israëlien ( ou israëli mais non israélien).

J’ai vu le reportage. Plutôt navrant, comme d’habitude concernant Israël.

Avec « des erreurs de traductions, exemple  » des colonies », et presque tout est dit, tout à fait dans le sens du reportage et de son auteur.

Avec son esprit de « donneur de leçon à l’occidentale, avec sa bonne conscience de salon ».

Le temps béni des colonies, il est européen, français et autres… Pas israëlien.

La Judée-Samarie,  » la cisjordanie » pour l’ONU, c’est un territoire Juif.

Au sujet des ex directeurs du Shin beth :

Pour certains, c’est la preuve que l’on peut être un bon soldat et un très mauvais stratège en géopolitique.
De plus malgré leur fonction, cela ne fait pas d’eux des spécialistes en politique et en stratégie politique, la preuve, malgré les années, ils ne comprennent toujours pas les motivations de leurs adversaires.

Ou alors c’est un virus, « gauchiste » se développant avec l’age, qui est responsable de leur état mental.

Car « les arabo-palestiniens », ne veulent pas créer un deuxième pays à côté d’Israël, non pas tout fait.
Ils veulent depuis le début, sans varier d’un pouce, prendre la place d’Israël, en changeant juste le nom et les dirigeants, « rien de plus ».

Une preuve parmi d’autres, Abbou Mazen, comme Arafat et sa clique, ont tous arboré des cartes de leur « palestine » représentant l’équivalent du territoire d’Israël, rien de moins !!… CQFD. André-Beseder.

Richard

Tout a fait Armand, et bien plus que ça (à chaque fois j’en ajoute à vos commentaires) il y en a marre de faire de nous les parfaites victimes qui n’ont que le droit de subir. Dès fois, à contre coeur je dis que nos responsables du crif devraient arrêter de jouer les « culs bénis », non pas que j’admire la sagesse de leur démarche, mais que j’appréhende beaucoup le fossé qu’il y a entre cette sagesse et la barbarie et la lâcheté des autres.
Avez-vous vu sur « encor Arte » le reportage sur les réseau de l’extrême, c’était assez éloquant de voire Catherine FOUREST hausser les épaules pour contester les propos de Richard Prasquier qui citait la charte du Hamas, comme elle a haussé les épaules pour s’opposer aux propos de certains extrémistes. Aussi, on nous a montré comme « bon juif » celui qui a pris un passeport palestinien…il fait ce qu’il veut, la n’est pas la question. Alors voilà le message d’une partie de l’Europe: « un bon juif c’est un juif qui renonce à Israël »
Même si l’assassinat de Rabin nous laisse une cicatrice dans nos coeurs, ces accords de paix n’ont fait qu’alimenter le processus de déligitimation d’Israël et se sont vite engouffré dans cette brèche la généralisation de l’occupation, c’est aussi une grave cicatrice qui sera difficile de renfermer.
Pour mon expérience personnel, j’ai connus il y a 10 ans des gens qui travail dans le spectacle à Bruxelles, tout les budgets de la communauté Européenne étaient destinés aux arabes « palestiniens » et à tchernobyle. Je côtoie aussi dans mon métier beaucoup de gens d’origines différentes, quand je vois comment les anglais parlent des allemands avec la crise de l’Euro, et les uns des autres, il y a même un anglais qui n’arrête pas de pester après le Quatar ou il a été travaillé, je n’arrête d’essayer de le calmer en lui disant  » tu espérait y trouver John Lennon », et nous on nous met sous pression pour nous faire tuneliser et nous faire croire que la paix dans le monde dépend d’Israël, eh bien je deviens un peu bourrin et je me dis que préfère avoir les mains salles et rester « un con vivant » que d’être une brave victime sur laquelle on viendra cracher sur ma tombe.
J’admire Israël et ses dirigeants qui RESISTENT à toutes ces pressions, tenez vraiment bon car comme à l’habitude le monde est en train de trébucher, ne nous offrons pas comme sacrifice à cette débâcle…..

Armand Maruani

Ce documentaire illustre le syndrome de Stockholm à l’envers .

Armand Maruani

Voilà ce que l’on pouvait lire en prélude :  » En partenariat avec Le Monde et le Nouvel Obs  » et le dernier mot de l’ancien chef du Shin Beth :  » Quand on a été chef du Shin Beth on devient gauchiste  » . N’allez pas me dire que ce n’est pas un documentaire pour propagande gauchiste et défaitiste . Dégueulasse .

Richard

Je viens de voir le reportage et ce qui me frappe c’est que l’on montre uniquement ce qui pourrait décourager Israël, mais on ne montre pas ceux qui encouragent les arabes dans leur lutte contre Israël !!!
Quand à l’occupation, dans l’absolue tout est occupation, ce sont les celtes qui occupent la bretagne, les vicking la normandie, les blancs et les noires les indiens d’Amérique, les arabes l’Afrique, les anglais qui occupent les aborigènes d’australie et j’en passe et des meilleurs, et puis les méthodes n’ont parlons surtout pas. allez donc voire comment l’Algérie a eu son indépendance etc….. Nous les juifs devons être à la hauteur de la compassion que l’on peut avoir pour les 6 millions d’entre nous qui ont été exterminés et nous n’avons pas le droit d’être con comme tout le monde pour avoir notre pays. Sommes-nous donc voués à innover pour que chaque innovation soit donner au reste du monde comme on donne de la confiture au cochon? ISRAEL vivra bien plus longtemps que le temps d’une compassion bien éphémère et merde à ceux qui nous tendent une pelle pour que l’on creuse notre propre tombe.

Richard

Martine, j’ai bien précisé qu’il appartient d’abord aux isarëliens… car moi juif de disapora je ne vais pas au front alors je ne peu me permettre de juger le choix des israëliens. Maintenant, comme juif ou comme n’importe qui j’ai le droit de me faire mon opinion, aussi il est important en tant que juif de diaspora de renvoyer un feedback à nos familles en Israël de l’effet de tel émission et comment elles sont exploités , c’est super important…Aussi quelques soient les décisions d’Israël je suis au côté d’Israël pour en assumer les conséquences.
Avec tout mon respect car de ce que france info qualifie de bombe renvoyons leur un pétard mouillé!
Amitié

Martine

Bonjour,

Oui il appartient aux Israéliens et à eux seuls de déterminer leur politique. Mais nous Juifs de Diaspora, dont la vie est liée à l’existence de cet Etat, a-t-on le droit de dire notre opinion (non pas de voter, mais juste de réfléchir et de parler) lorsqu’on est en désaccord avec sa politique officielle ? N’y aurait-il que les approbateurs qui auraient le droit de parler ? La démocratie minimale n’aurait pas le droit d’exister en Diaspora ?

D’autre part, si le documentaire n’est « pas tout à fait israélien » parce qu’il est fait avec des fonds européens d’Arte, alors les guerres israéliennes ne sont « pas tout à fait israéliennes », puisqu’elles sont faites avec des armes américaines, payées avec des aides massives américaines, etc. Jusqu’à où allez vous ainsi chercher la « pureté » israélienne ? Jusqu’à quel enfermement des pauvres israéliens allez vous tracer ainsi les frontières de la bonne définition ? Combien de centaines de milliers d’Israéliens étouffent et choisissent de sortir vivre ailleurs ?

La société civile israélienne est riche de débats, parfois très vigoureux, et la liberté d’expression y est grande. Peut-on alors délégitimer la parole de ces anciens patriotes qui ont servi tant d’années dans l’armée puis à la tête du Shin Beth ? Est-ce raisonnable de ne pas vouloir les entendre sous prétexte que ce sont des gens « de gauche » qui se réjouissent de leurs propos ?

J’écris tout cela parce que je me sens très fortement concernée par ce qui se passe en Israël, où j’ai vécu 2 ans. Acceptons donc le débat et la controverse aussi parmi nous, Juifs de diaspora.

Martine

manitou

Quelque soit le coté pour ou contre de ce documentaire je serai pour ISRAËL qui défend son droit à la vie et contre tous ceux qui veulent l’éradiquer. J’ai remarqué qu’on s’occupe plus de ce pays démocratique que de tous ceux qui font des milliers de morts dans le monde MDR

Richard

Le principe de l’auto-critique est fondamentalement essentielle pour une société évolué, le principe de prudence dans un climat de conflit et de pression politique est tout aussi important.
Tout d’abord, ce documentaire n’est pas tout à fait Israëlien puisqu’il est fait avec ARTE et les budget de Arte donc de l’Europe. Ensuite comment ce documentaire va être exploiter? Déjà sur France Info ce Matin la bade annonce était la suivante: « Ce soir vous allez rentré dans les bureau les plus secret d’Israël….Ce va être une véritable bombe » ceci avec dans un ton très énigmatique et avec en arrière le bruit de sifflement d’une bombe qui tombe. A vous d’imaginer la suite…..
Personnellement il appartient aux Israëliens de mener la politique que eux seuls sont en droit de mener et dont eux mêmes assument les consèquences (en premier), cependant de moins point de vue de juif de diaspora je voudrai juste dire: « on n’aura jamais fini de nous faire culpabiliser d’être juif » et méfiez-vous comme on dit en France « les conseilleur ne sont pas les payeurs » « faites ce que je dit mais ne faites pas ce que je fait » dernière exemple en date l’opération Française au Mali, que l’on peut approuver et durant laquelle tous les médias, à juste titre sont ficelés……..
Israël est une grande démocratie, c’est bien c’est un bon élève (*), aussi bon que les USA mais attention sans être vulgaire « quand on montre trop son trou de bal, on finit par….. »
Amitié à tous
(*) cela me fait penser à la Belgique, brave pays qui se disait bon élève de l’Europe et qui se sont fait littéralement spolier et est au bord du précipice.