Metz (Moselle), le 3 juin 2020. Vingt-neuf sépultures juives ont été sorties de terre du cimetière de Valenton, reconstituées par un spécialiste venu d’Israël avant d’être transférées dans un cimetière juif de Metz. DR

Val-de-Marne: opération «exceptionnelle» pour transférer 29 sépultures juives à Metz

Ces tombes allaient être exhumées, les concessions arrivant à échéance au cimetière intercommunal de Valenton. La communauté israélite de Créteil s’est mobilisée pour ce transfert inédit.

Le 14 juillet 2020 à 15h58, modifié le 14 juillet 2020 à 16h04

« Tu es poussière et tu retourneras poussière. » Ce passage de la Genèse, la communauté israélite vient de l’éprouver physiquement, avec le récent transfert de 29 sépultures depuis le cimetière intercommunal de Valenton (Val-de-Marne) jusqu’à Metz (Moselle).

Une opération « exceptionnelle », selon le mot de Joël Mergui, président du Consistoire de France adressé à la communauté juive de Créteil. Inédite même de par son envergure.

En janvier 2019, le président de cette même communauté, Albert Elharrar, est alerté. Des concessions arrivent à échéance au cimetière de Valenton.

Ces tombes à l’abandon doivent être exhumées et les ossements stockés dans des ossuaires collectifs, voire incinérés dans les plus brefs délais, comme le droit y autorise les cimetières. On parle de « reprise administrative ».

«Le corps aussi sacré que l’âme»

Les plus anciennes remontent aux années 1970, soit à la création du cimetière intercommunal de Valenton. Ce lieu de repos éternel a été créé à l’époque pour abriter entre autres, les morts de la ville-préfecture du Val-de-Marne. Mais le carré juif arrive aujourd’hui à saturation, comme dans d’autres cimetières de la région.

« Dans la tradition juive, on ne touche pas l’autre, expose le rabbin Sénior. Le corps est aussi sacré que l’âme. » Hors de question donc que ces dépouilles finissent au crématorium.

La déshérence de ces sépultures, le consistoire de Créteil en avait été avisé dès 2012. Les descendants avaient été recherchés. Une poignée, à peine, sera identifiée. Mais nul ne répondra pour renouveler sa concession.

Régime spécial en Alsace-Moselle

Mais comment conserver ces tombes ? Renouveler les concessions au nom des familles Attal, Bénichou, Cohen, Taieb, etc… nécessitait 135 000 euros. Trop coûteux.

L’idée surgit alors de transférer ces sépultures en Alsace-Moselle. Le consistoire de Moselle et la communauté juive de Metz approuvent le projet. « Depuis le Concordat, nous sommes propriétaires de nos cimetières », rappelle Albert Elharrar. Plus de souci de concessions sur 10, 30 ou 50 ans.

En octobre 2019, l’exhumation commence. Mais pas n’importe comment. Le spécialiste, le rabbin Eckstein, est dépêché depuis Israël, pour surveiller les opérations et le respect des rites. Les pompes funèbres juives avec l’association juive Hevra Kadicha, habilitée pour la recomposition des corps, sont aidés par des fossoyeurs du cimetière. Un travail minutieux : il faut environ trois heures pour reconstituer une dépouille, variable selon son état, celui du cercueil, etc.

Pour financer cette opération à 60 000 euros, un gala est organisé en janvier. Donateurs et mécènes se mobilisent, tels que le groupe Histoire du rabbi, qui signera un chèque de 20 000 euros. « Il y a eu un immense élan de solidarité, applaudit Albert Elharrar. Les gens se sont sentis concernés. »

Le transfert était prévu en mars. Mais avec la crise sanitaire, ce moment solennel, offrant un repos éternel à ces 29 défunts, n’a pu se faire qu’au mois de juin.

1300 tombes menacées d’exhumation

« Une nouvelle page de l’histoire de la communauté », considère Joël Mergui, dans son message à l’équipe de Créteil. Depuis, dans les rangs israélites, « de nombreuses familles sensibilisées se pressent pour renouveler les concessions à perpétuité », constate Albert Elharrar, persuadé qu’« une voie est ouverte ».

La communauté de Créteil songe notamment à toutes ces tombes de Juifs assassinés lors de la Seconde Guerre mondiale, menacées, faute de connaître d’éventuels descendants. « Une atteinte supplémentaire insupportable à la mémoire des victimes de la barbarie nazie », souligne-t-elle.

Mais aussi aux concessions abandonnées, au fil des décennies. Actuellement, il n’y a pas de centralisation des informations. Chaque année, 3000 familles juives sont touchées par la perte d’un proche en Ile-de-France. Seulement, 800 d’entre elles optent pour une inhumation en Israël.

Selon le Consistoire, plus de 1300 sépultures juives sont ainsi en danger dans les cimetières de la région parisienne.

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