Encore des manifestations accompagnées d’antisémitisme

Une fois encore, une fois de trop : des manifestations anti-gouvernementales sont l’occasion d’antisémitisme

 

Par Manfred Gerstenfeld

L’antisémitisme a été une partie intégrante de la culture occidentale depuis plus de 1.000 ans. C’est encore le cas aujourd’hui. L’une des nombreuses façons dont on peut le constater, c’est que l’antisémitisme s’infiltre souvent dans les manifestations de masse qui ne sont en rien liées à Israël et aux Juifs.

C’est aussi le cas dans les actuelles « manifestations d’hygiène » contre le confinement à cause du Coronavirus en Allemagne, dans une diversité de villes. Des milliers de gens participent à ces protestations. A Berlin, beaucoup de participants ont entonné : « Traître à la Résistance et à la Liberté » et « Nous sommes tout le Peuple ». Certains ont lancé des bouteilles vides sur la police qui a répliqué avec du spray au poivre et des arrestations. Parmi les manifestants, on trouvait des théoriciens de la Conspiration et des populistes d’extrême-droite.

Lors de plusieurs manifestations, on a vu des individus porter des étoiles jaunes en brassards au bras ou sur la poitrine, revendiquant un faux équivalent entre les mesures de confinement et de cachettes à cause de la persécution nazie des Juifs et l’actuel gouvernement avec le régime d’Hitler^[1]. Sur ces étoiles, on pouvait lire : « Non-vacciné » ou « Covid-19^[2]« . En conséquence, la ville de Munich a interdit le port d’une étoile jaune à ces rassemblements^[3]. Ici et là, des manifestants portaient des pyjamas rayés caractéristiques des vêtements des déportés en camp de concentration avec le symbole : « le Masque rend libre^[4]« . Des manifestations dans un certain nombre de villes allemandes, promues et organisées par le parti AfD de droite, ont aussi érigé des symboles nazis et des références à la Shoah.

Gideon Botsch, Directeur du Département de Recherche sur l’Antisémitisme au Centre Moses Mendelssohn de Potsdam, a déclaré que quoi que les participants à ces manifestations soient très diversifiés, « la pensée latente de l’antisémitisme toujours présente derrière les théories de la Conspiration devient à présent plus facilement transparente^[5]« .

Saba-Nur-Cheema du Centre Éducatif Anne Frank, confie pour sa part,  que l’antisémitisme dans le cadre de ces protestations joue un rôle important, si ce n’est toujours ouvertement. Des images ont été diffusées de certains manifestants disant ouvertement que les Juifs sont à l’origine de la pandémie de Covid-19. Ce n’est, cependant, pas commun. Elle a ajouté que l’antisémitisme est habituellement indirect. Par exemple, George Soros ou Israël sont accusés d’avoir mis au point ou/et déclenché le virus. Nur-Cheema a fait remarquer que les extrémistes de droite attendent de telles situations de crise afin de promouvoir leur idéologie et attirer des membres supplémentaires parmi la population.

La façon dont l’antisémitisme infiltre les manifestations actuelles rappelle plus ou moins des apparitions similaires, lors des manifestations Occupy Wall Street (Occupons Wall Street) de 2011. La plupart des manifestants n’étaient pas antisémites, pourtant l’antisémitisme a entaché ces manifestations. La Commission d’urgence pour Israël était dirigée par William Kristol, le rédacteur en chef juif de l’hebdomadaire Standard. La commission a préparé une vidéo des manifestations d’Occupy à New York. On pouvait y apercevoir des Juifs attaqués et accusés d’être responsables de la crise financière et de l’assistance financière à Israël. Des pancartes où s’inscrivait le slogan : « Gaza soutient l’Occupation de Wall Street » et « Les Banquiers d’Hitler ».

On a aperçu un manifestant afro-américain accusant les Juifs « de s’être emparé de l’Amérique ». Il disait : « Le plus petit groupe en Amérique contrôle l’argent, les médias et bien d’autres secteurs. Ces empreintes appartiennent aux banquiers juifs. Je suis contre les Juifs qui volent l’Amérique. Ils ne sont qu’1% à contrôler l’Amérique. Le Président Obama n’est qu’un pantin des Juifs. L’économie toute entière est juive. Tout juge fédéral de la Côte Est est Juif^[6]« .

En France, en 2019, les manifestations des « Gilets Jaunes » se sont déroulés tous les samedis. Ces protestations ont commencé en novembre 2018. Ils tirent leur nom des vestes de sécurité sur autoroute que portaient (et porteront sans doute encore) les manifestants. Ces événements avaient pour but de protester pour plus de justice économique. A l’origine, une cible principale concernait l’augmentation des prix du pétrole et le coût de la vie exorbitant. Les manifestants ont entraîné des partisans  provenant de tout le spectre politique. Une partie d’entre eux étaient très proches de la gauche radicale. D’autres étaient plus proches des positions de l’ultra-droite. Il ne s’agissait pas de manifestations antisémites et elles n’avaient rien à voir ni avec Israël, ni avec les Juifs.

Pourtant, presque tous les samedis, il y a eu des attaques verbales contre la communauté juive. Jean-Yves Camus, de la Fondation Jean Jaurès, dit qu’il n’y avait pas de leadership ni de système de commandement et que n’importe qui pouvait se joindre à ces manifestations. Il remarquait qu’il y avait des petits groupuscules participants qui, s’ils ne s’étaient pas montrés durant les protestations, seraient demeurés complètement inconnus^[7].

L’antisémitisme répandu parmi les Gilets Jaunes s’est attiré encore plus de publicité quand, le 17 février 2019, le philosophe juif Alain Finkielkraut -membre de l’Académie Française – a eu le malheure de passer près de la manifestation. Une poignée de manifestants se sont approchés de lui et ont crié : « Sale merde, la France nous appartient, sale race, tu n’es qu’un raciste, tu n’es qu’un haineux, tu n’es qu’un haineux. Tu vas mourir, Tu vas aller en enfer. Le peuple va te punir, le Créteur va te punir… Tu n’es qu’un Sioniste ». Un protestataire a dit à la police : « Je n’ai rien contre vous. Jusgte contre cette merde ». Un policier a reconnu, un peu plus tard, Benjamin Weller, converti à l’Islam radical, l’un de ceux qui ont harcelé Finkielkraut. Il a été trâné en justice^[8], qui l’a condamné à deux mois de prison avec sursis^[9].

 

Un exemple de plus : en janvier 2014, un rassemblement de masse a eu lieu à Paris. Ce « Jour de Colère » n’avait aucun lien apparent avec un quelconque sujet touchant aux Juifs. Une partie de la manifestation était dirigée contre les plans économiques du Président François Hollande. Cependant, différents groupes de participants  ont commencé à crier des slogans antisémites. Ils comprenaient : « Juif, la France n’est pas à toi! » et (le négateur de la Shoah) « Faurisson a raison », ainsi que « la Shoah était un canular ».

Le journaliste français et intellectuel public, Michel Gurfinkiel, a écrit qu’il était choquant que personne n’ait agi pour exclure les manifestants antisémites. La police n’a rien fait, même si les slogans criés violaient toutes les lois relatives aU discours de haine en vigueur en France. Gurfinkiel questionnait alors ouvertement la capacité de la démocratie française à tenir l’antisémitisme en échec^[10].

Si on s’écarte un peu vers certains mouvements, qui ont un objectif sans lien avec les Juifs ou Israël, on peut trouver un phénomène similaire. L’un des exemples les plus évidents concerne le mouvement Black Lives Matter (La Vie des Noirs Importe). Cette organisation  vise à rectifier les torts commis par le passé et au présent, contre les citoyens Afro-Américains. Son manifeste de 40.000 mots accuse Israël de perpétrer un génocide contre les Palestiniens, désigne Israël comme un « Etat d’apartheid » et s’est joint au mouvement BDS pour appeler à un boycott universitaire, culturel et économique total du pays. Aucune exigence de ce type n’a été faite pour un autre pays^[11].

Ce qui précède est encore un autre aspect de la façon dont l’antisémitisme est enraciné dans les sociétés européennes.

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est Président d’honneur du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem. Il a été conseiller stratégique pendant plus de trente ans pour certaines des corporations dominantes dans le monde occidental.  Le prix du Lion de Juda, de l’Institut Canadien de Recherche Juive fait partie des récompenses qu’il a obtenues, lui attribuant le titre d’Autorité internationale dominante  ne matière d’Antisémitisme Contemporain.  

Adaptation : Marc Brzustowski

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^[1] www.wn.de/Muenster/4208139-Kritik-der-Deutsch-Israelischen-Gesellschaft-Antisemitische-Aeusserungen-bei-Corona-Demos; https://www.welt.de/politik/deutschland/plus208356965/Antisemitismus-Immer-im-Hinterkopf-Was-wenn-das-falsche-Regime-an-die-Macht-kommt.html

^[2] www.deutschlandfunk.de/libertaerer-antisemitismus-hygienedemos-verbreiten-mythos.886.de.html?dram:article_id=477618

^[3] www.n-tv.de/panorama/Muenchen-verbietet-gelben-Ungeimpft-Stern-article21816709.html

^[4] www.swp.de/panorama/corona-demo-_judenstern_-und-haeftlingsanzug_-antisemitismus-in-der-corona-krise-46676810.html

^[5] www.algemeiner.com/2020/05/12/coronavirus-protests-will-boost-far-right-terrorist-radicalization-in-germany-antisemitism-expert-warns/

^[6] www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4135361,00.html

^[7] www.liberation.fr/france/2019/02/18/les-gilets-jaunes-etouffes-par-la-gangrene-antisemite_1710174

^[8] www.nouvelobs.com/justice/20190522.OBS13313/au-proces-du-gilet-jaune-qui-a-injurie-finkielkraut-je-voulais-lui-dire-mes-positions.html

^[9] www.lefigaro.fr/actualite-france/finkielkraut-un-homme-condamne-a-de-la-prison-avec-sursis-pour-injures-antisemites-20190712

^[10] Jerome Gordon, “Gurfinkiel: France may have joined ‘Europe’s league of fringe anti-Semitic countries,’” The Iconoclast, January 29, 2014.

^[11] www.tabletmag.com/sections/news/articles/from-left-to-right-jewish-groups-condemn-repellent-black-lives-matter-claim-of-israeli-genocidean