Un documentaire exceptionnel : Israël, le voyage interdit
de JP Lledo, monté par Ziva Postec, avec Naouel Lledo,…
Tout ce que Paris compte d’amoureux du cinéma, Juifs et non-Juifs, était présent pour l’avant-Première d’Israël, le voyage interdit : environ 500 personnes? La première partie du documentaire de Jean-Pierre Lledo mêle toutes les facettes de la vie, tous les paradoxes d’un itinéraire hors-normes pour impliquer, dès les premières images, le spectateur dans l’histoire qu’il nous narre. C’est un entrelacs de cheminement personnel et d’histoire contemporaine, à travers les résistances et chausses-trappes idéologiques, comme le terme « Sionisme » devenu une insulte, car l’envers de la dhimmitude, en arabe.
Le point de vue du narrateur, d’abord : cela commence par le portrait d’un oncle, décédé depuis plus de dix ans, -« à l’allumage de la 1ère bougie de Hanoukah », selon la tante facétieuse qu’il est venu interroger- qui marque toute la différence, l’antinomie apparente, entre ceux qui ont choisi le retour à Sion, au moment de l’Indépendance de l’Algérie, et ceux qui sont restés, coûte que coûte. Le narrateur appartient à ceux-là, fils de militant communiste, donc partisan (et artisan) de la décolonisation, qui reconnaît avoir avalé bien des couleuvres, par conviction, et accepté qu’un mur infranchissable de mots, de concepts idéologiques et de distanciation physique se dressent entre lui et les siens. Ou entre lui et lui-même.
Il s’en veut et craint que le fossé de l’histoire ne soit irrémédiable, entre l’autre partie de la famille, lui-même et sa fille Naouel… D’ailleurs, elle-même, dès son arrivée à l’aéroport Ben Gurion, marque très nettement le pas. Son prénom et lieu de naissance suffisent aux services de sécurité à détecter un risque potentiel, malgré le « Haï » qu’elle porte au cou et les explications certifiées de son père : oui, l’Algérie reste une ennemie clairement hostile, peut-être plus que d’autres, à l’heure de rapprochements inouïs. Y être né et porter des attributs, tels que le nom usuel pose problème. Naouel accepte mal d’être suspectée d’entrée.
L’échange avec Ziva Postec, la Sabra, -retournée vivre en France, qui a monté la fresque historique de Claude Lanzmann, « Shoah » et dit avoir fait « le chemin inverse », s’être provisoirement détachée d’Israël, pour mieux revenir,- apparaît comme une main tendue qui va combler le risque d’incompréhension.
Comme une éternelle renaissance, heureusement, la fête et la liturgie de Rosh Hashana en famille provoquent un retour aux sources amusé ou curieux, une entrée en matière, ou plutôt par l’esprit.
Très vite, aussi, les langues se délient et l’enquête commence sur les vraies raisons factuelles, historiques ou identitaires, de l’arrachement des uns (les Sionistes de la première heure), à l’égard de ceux qui ont, pendant longtemps, accepté le sort commun, jusque dans les années 90. La Tante, mais aussi d’autres membres de la famille étendue, racontent les pogroms et massacres d’Oran, dès le 5 juillet 1962, où de nombreux Juifs périrent.
Les estimations du nombre de morts, toutes communautés confondues, sont incertaines, mais l’historien Jean-Jacques Jordi dénombre plus de 700 victimes du massacre d’Oran, tuées et disparues. En grande majorité : des chrétiens pieds noirs, une centaine de Juifs, et une cinquantaine de musulmans »traîtres ». Mais gageons que quand on ouvrira les archives du FLN, on en trouvera le double.
Des oncles versés dans la musique judéo-arabe, longtemps le pilier de « l’union sacrée » entre Juifs et Arabes refont à l’envers le trajet de leur réelle reconnaissance au sein de la population, de leur préservation aussi, à l’égard du commun, en tant qu’artistes notoires, mais aussi du moment de l’éclatement irréversible du tissu local : l’assassinat de Cheikh Raymond, dont la vie nous avait été contée par mon amie, sa petite-fille, Alexandra Leyris z’l, décédée le samedi 1er juin de l’an dernier et à qui j’ai réservé la seconde invitation qui m’était offerte pour ce film.
Le meurtre de Raymond Leyris fait comprendre aux Juifs qui se sentaient le mieux insérés dans le tissu algérien, que leur tour viendra bientôt et que le FLN cherche à « faire des exemples », précisément, parmi ceux qui sont pivots entre les communautés, dont aussi et surtout, les artistes de la musique arabo-andalouse. Ils ne remettront plus jamais les pieds en Algérie.
Il y a aussi ceux qui sont venus par conviction, avant même d’avoir vent des meurtres, dont cet Oncle vivant depuis toujours dans un Kibboutz situé à 4 km de Gaza, en face de son citronnier, dont il fera profiter sa petite-nièce. Dans ce cas, c’est l’aventure de ces militants sionistes, apparentés à l’Agence Juive ou à une branche officieuse du Mossad, chargée de démarcher les communautés en danger. A l’époque, l’algérienne était en tête de gondole. C’est ainsi qu’il explique le fossé qui se creuse, entre l’Israélien ou futur Israélien, et le « Juif », qui restera ancré dans ses promesses de « l’An prochain à Jérusalem », qui lui suffisent à supporter la vie d’Exil, comme une condition atavique qui ne se discute même pas sérieusement. Alors que, de l’autre côté de la Méditerranée, Israël se construit pierre par pierre…
La démarche archéologique et l’extraction du cœur de la « récupération » islamique joue aussi un grand rôle dans cette quête initiatique de ré-enracinement. C’est le cas de l’exploration de Jérusalem, par le Mont Sion ou jusque dans les « Écuries de Salomon », rebaptisées Mosquée Al Maruani, qui vient du Calife Abd Al Malik Ibn Marwan.
On croise aussi nombre de figures connues, dans ce film plus authentique que nature, comme Ilan Greilsammer, parlant des 4 espèces de Souccoth, l’écrivain algérien Bouallem Sansal, qui retrace, lui aussi, ce qui le sépare de l’Algérie officielle et de l’idéologie musulmane mortifère. Ou le très laïc Denis Charbit, qui psalmodie sans complexe la liturgie de Kippour, sans laquelle il ne serait pas réellement le Sioniste politique qu’il dit être.
En dire plus consisterait à déflorer un peu plus la marguerite, de ce beau périple des 2 premières heures d’un documentaire qui durera 11h divisées en 4 parties, les prochaines devant nous arriver dès avril 2020.
Documentaire aux sources du véritable Israël, à ne manquer sous aucun prétexte.
Marc Brzustowski
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MAR 28 JANVIER 2020 À 20:00
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Israël, le voyage interdit – 1re partie : Kippour
de Jean-Pierre Lledo
Avant-première en présence du réalisateur, de Ziva Postec (productrice et monteuse) et de Naouel Lledo
140 min l Couleur l Cinéma Numérique 2K
À PROPOS DU FILM
Accompagné de sa fille, le cinéaste part à la rencontre d’un pays qu’il avait refoulé durant 50 ans…
Il s’agit du premier volet d’un film conçu en quatre parties : Kippour, Hanouka, Pourim, Pessah.
Avant-première en présence du réalisateur, de Ziva Postec (productrice et monteuse) et de Naouel Lledo.
Suivi d’un débat
En partenariat avec Nour Films.
Sortie nationale au premier semestre 2020.
Témoignages (extraits) :
« …son caractère a la fois intime / biographique et sa dimension historique en font une oeuvre singulière et nécessaire. Malgré sa durée, on ne s’ennuie aucunement. »
Jessica Vaturi Dembo, cinéaste
« J’ai été touchée par la poésie, l’humanité et l’humour de nombreuses séquences. Boualem Sansal est merveilleux à l’écran, et la séquence où il court derrière sa kippa au Kotel est digne d’une séquence d’anthologie. (…) Le film ayant su éviter l’écueil communautariste par son regard neuf (grâce à votre fille notamment), il est visible pour des non-Juifs, ce qui en fait un film de très grande valeur. »
Nathalie Szerman, collaboratrice à MEMRI
« (…) J’ai été très sensibles aux qualités de votre film et j’ai particulièrement apprécié que vous vous donniez le temps et « l’espace » d’approfondir ce sujet qui se diversifie au fur et à mesure de vos réflexions et de votre traversée. Au fond, cette ampleur du geste nous permet nous-aussi de cheminer avec vous et chacun apprend énormément sur beaucoup de choses que l’on croit connaitre ou que l’on n’a pas pris le temps d’appréhender. Apprendre ou découvrir ou reconnaître, au travers d’une proposition de cinéma qui n’est pas trop didactique (et laisse donc de la place aussi au cinéma, au cadre, à l’image, aux sons hors cadre, etc…) relance constamment l’intérêt. Puis, le montage avec son art du récit, ses ellipses ou ses récurrences (prendre et reprendre le chemin) indique lui aussi une méthode, une approche du film. »
Bertrand Roger, Programmateur du réseau MK2
» (…) Ce long documentaire est calibré comme une croisière méandreuse sur les sables, dans les villes, dans LA ville de tous les rêves et de tous les fantasmes, Jérusalem, et le long des paysages d’Israël. Il ne se regarde pas, il se vit, il se ressent et il émeut au plus profond. »
Lilane Messika
» (…) Lledo fait de son histoire personnelle tronquée et réparée un don précieux à Sion. Il montre – à un monde le plus souvent coupé de son héritage juif universel – les bienfaits d’une remise en cause de l’identité qu’il s’était forgée – algérienne, communiste, antisioniste et pro-palestinienne – qui aurait pu perdurer si la menace de mort des islamistes n’avait pas imposé sa fuite hors d’Algérie.(…) »
Nidra Poller
« (…) L’histoire est très belle et très émouvante, La partie avec Boualem Sansal est remarquable. Le film est très bien filmé, les images sont très belles et le montage de Ziva excellent, on voit que c’est une « pro » qui l’a fait. Bref, c’était à la fois très intéressant et très émouvant…. »
Ilan Greilsammer, politologue
C’est avec beaucoup d’amour que j’ai lu cette présentation, j’espère pouvoir le voir !
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