Sept tonnes d’obus disparus en gare de Moscou ©

Des temps explosifs

Sept tonnes d’obus disparus en gare de Moscou

 

A toute action peut correspondre une réaction dangereuse de Poutine

Des tonnes d’obus de tank portés disparus sont arrivées à Moscou, soulevant bien des questions sur un Président russe qui parle au monde avec fermeté, mais qui peut perdre le contrôle à l’intérieur même de son propre pays.

 

03.11.16 5:56 PM ET

MOSCOU—Cela pourrait être la scène introductive d’un roman d’espionnage moderne. Des hommes politiques puissants aux Etats-Unis et en Russie parlent ouvertement du risque de IIIème Guerre Mondiale. Peut-être y aura-t-il une confrontation en Syrie. Peut-être dans la Baltique ou en Ukraine,. Peut-être dans le cyberespace. Et soudain …

Dans la faible lueur du petit matin, un inspecteur de la gare de train de Perovo à Moscou, examine une cargaison qui vient d’arriver de la ville d’Oryol, à quelques 276 kms de là, plus au sud.

L’un des wagons de chemin de fer est arrivé vide dans la capitale russe, lundi, ou du moins est-ce ce que déclarent les formalités administratives. Il n’y a pas de verrou sur la porte, juste un morceau de ferraille qui la maintient fermée. L’inspecteur pousse le morceau de fer. Il ouvre la lourde porte et là, abandonnés sur le sol du wagon, il voit des obus de tank de 125mm  et de très nombreuses caisses vertes empilées les unes sur les autres – des tonnes.

Que faisaient ces stocks non-gardés d’explosifs, en plein cœur d’une ville de plus de 12 millions de gens ? L’inspecteur a appelé la police ; la police a appelé le Service de Sécurité Fédéral, le FSB ; il a joint le Ministère de la Défense – mais personne n’a été en mesure d’expliquer qui était responsable de l’envoi de ce mystérieux arsenal roulant sur rails vers Moscou, la capitale. Etait-ce un officier téméraire de l’armée, trop saoûl pour se rappeler ce qu’il a fait la veille, ou quelqu’un a-t-il volé cet armement, ou alors, scénario du pire, un groupe terroriste a-t-il planifié un attentat massif ?

L’enquête préliminaire a pris deux jours. Mercredi 1^er novembre, des rapports ont dit que le wagon bourré de sept tonnes de munitions explosives avait voyagé durant plus de 3.000 kms, depuis l’Est lointain, à travers toute la Russie jusqu’à Moscou sans qu’aucun dispositif pour convoi spécial ne le protège à aucun moment. Ce voyage a pris deux semaines, mais durant la totalité de cette période de temps, il n’y a eu aucun signal d’aucun responsable du Ministère de la Défense pouvant se sentir un tant soit peu préoccupé par cette cargaison menaçante pour les vies humaines, au point de déclarer qu’il avait disparu.

L’Agence de presse La Vie de La Russie a rappelé à ses lecteurs qu’il n’a fallu que 350 kgs pour faire sauter un bâtiment de plusieurs étages à Moscou, en 1999, l’année où Vladimir Poutine a pris le pouvoir. L’agence a publié un tableau de visualisation montrant la zone – d’un rayon de 3 kms – qui aurait pu être ravagée par l’explosion, si quelqu’un avait fait détonner le wagon de Moscou. « Si les obus de tank avaient explosé à la station Perovo, on aurait pu dénombrer des milliers de victimes par la suite », a conclu Les Nouvelles de La de la Russie.

Cet incident démontre, a minima, qu’il y a de sérieuses préoccupations de sécurité le long de milliers de kms de voie ferroviaire russe, autant qu’un manque de professionnalisme parmi les Commandants de haute stature de l’armée. Mais il pourrait bien y avoir bien d’autres questions à se poser et de raisons d’être préoccupé.

Après tout, alors que les généraux du Ministère de la Défense cherchaient après quelqu’un à accuser de ce mystérieux convoi d’obus de tank venu du fin fond de l’Est sibérien jusqu’à Moscou, plusieurs sous-marins russes chargés de missiles de croisière se dirigeaient vers la Syrie, sans doute, pour tirer ces missiles sur Alep.

Le Président Poutine met énormément d’acier lourd en mouvement. Quel est sa stratégie. Et quels en sont les risques, pour les Russes et pour le monde ?

 « Un incident bien plus énorme, provoqué par l’horrible niveau de corruption au sein de nos services peut se dérouler à n’importe quel moment en Syrie ou en Europe, ou ici-même en Russie » déclare au Daily Beast, l’ancien capitaine du KGB et actuel chef de l’opposition russe, Gennady Gudkov. « Notre problème, c’est que le Président Poutine n’est même plus capable de contrôler l’armée, il ne fait que garder le contrôle du processus électoral et des flux financiers, alors que toutes les institutions ayant un pouvoir réel se dégradent à tous les niveaux ».

Pourtant, ce n’est pas ce qui empêcher ses partisans de se faire les avocats de postures encore plus agressives. « Moscou planifie de prendre l’Est d’Alep au cours la période entre les élections américaines et l’investiture du nouveau Président, dans un geste symbolique consistant à gifler Obama en pleine figure », affirme Sergei Markov, membre de la Chambre Publique. Markov dit qu’il a préparé des « recommandations » au Président russe, qu’il a livrées à l’Administration Présidentielle.

« En envoyant nos forces en Syrie, Poutine a rappelé à l’Ouest quelle sorte de puissance militaire la Russie peut déployer » certifie Markov. « Washington nous attaque en soutenant le coup en Ukraine, par des sanctions économiques, en déployant une guerre de l’information, en donnant de l’argent à notre opposition et Poutine défend la Russie contre les USA comme Churchill défendait le Royaume-Uni contre Hitler », a déclaré Markov dans une interview, mercredi.

Pourtant Poutine lui-même semble rester les yeux rivés sur le cadran et décider au jour le jour. Lors du Club de discussion International Valdai, il a donné un discours insistant sur le fait que la Russie n’envisage aucune attaque contre l’Ouest. « C’est impensable, stupide et complètement irréaliste », a-t-il déclaré. « Tous les membres de l’OTAN réunis, avec les SA, ont une population totale de 600 millions d’habitants, probablement, mais la Russie n’a que 146 millions de nationaux », a dit Poutine après un bref calcul. « C‘est simplement absurde de seulement imaginer des choses pareilles ».

Il n’y a que très peu de journaux mondiaux qui ont couvert ces débats du Valdai Club. On l’a envisagé comme un événement ennuyeux, mais les réponses de Poutine reflètent les messages contradictoires qu’il envoie. Fedor Lukyanov, Directeur de recherches du Club Valdaï de Débat international, a déclaré au Daily Beast, que le Kremlin est à court d’idées stratégiques, après l’échec de la diplomatie à apporter un accord sur la Syrie que Moscou puisse accepter. « C’est inutile de penser à une stratégie, alors que le monde moderne est devenu complètement imprévisible, aussi Poutine ne fait qu’appliquer des tactiques, il ne fait que chercher la bonne façon de réagir et de trouver des solutions aux problèmes », a ajouté Lulyanov.

Après avoir tenté de comprendre Poutine durant 17 ans, le rédacteur-en-chef de l’Echo de Moscou, Aleksei Venediktov, affirme qu’il a cessé de prêter trop d’attention sérieuse aux paroles du Président.

Je ne m’intéresse pas à ce que Poutine a à dire, je ne m’intéresse qu’à ses actions concrètes, puisque, le connaissant bien, je constate qu’il n’a aucune stratégie réelle, il ne fait que réagir à quoi qu’il se passe dans le monde », a déclaré  Venediktov en début de semaine.

Venediktov a insisté sur le fait que se sont les réactions rapides qui pourraient bien s’ar les plus imprévues et les plus dangereuses. « Je suis certain que la Russie et les forces de l’OTAN sont susceptibles d’entrer dans un combat, mais pas en Syrie. Plus probablement dans les pays de la Baltique. La crainte de la guerre à venir n’est pas uniquement la paranoïa de quelques-uns, il y a une sérieuse inquiétude qu’une guerre en Europe puisse e déclenchée  par un simple incident, une poignée de citoyens russes se sentant offensés par des responsables lettons, par exemple, ou une explosion accidentelle tuant un groupe d’officiers », explique Veneditkov. « Il n’y a qu’un homme qui prend les décisions en Russie – Poutine, qui n’a qu’un seul conseiller et ce n’est nul autre que is Vladimir Vladimirovich Poutine.”

Et comment aurait-il réagi si sept tonnes d’obus de tank avaient explosé au beau milieu de Moscou ? On ne peut que l’imaginer. Heureusement, grâce à un inspecteur des chemins de fer, on n’aura pas à le deviner.

Par ANNA NEMTSOVA

thedailybeast.com

Adaptation : Marc Brzustowski