Devant le collège de Conflans où enseignait Samuel Paty © Anne-Christine POUJOULAT / AFP

 

Récit : ces trois heures pendant lesquelles des collégiens ont accompagné l’assassin de Samuel Paty

Par Étienne Girard Publié le 27/10/2020 à 17:15

Plusieurs adolescents ont guetté le passage de Samuel Paty devant le collège du Bois-d’Aulne à Conflans (Yvelines), en compagnie d’Abdoullakh Anzorov, vendredi 16 octobre, moyennant 350 euros. Récit de ces trois heures qui ont préparé l’horreur.

Voilà trois heures que Malik (le prénom a été changé) aurait dû être rentré chez lui, ce vendredi 16 octobre. Pour rassurer son père, l’adolescent de 14 ans a demandé à un copain de l’accompagner devant le pavillon où il réside avec ses parents, sa grande sœur et son petit frère, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).

Un cours a été programmé in extremis jusqu’à 17 heures, prétexte cet élève de quatrième du collège du Bois-d’Aulne. Le chef de famille n’est pas vraiment convaincu, la fébrilité des deux garçons saute aux yeux. Mais l’ami opine : oui, il y a bien eu un cours imprévu. Un petit mensonge vertigineux, qui révèle l’inconscience des deux collégiens : en réalité, ils viennent d’être mêlés à l’horreur.

Malik a bien fini sa journée de cours à 14 heures, comme prévu. Il fait gris ce vendredi-là, comme depuis le début de la semaine, mais il y a de quoi se réjouir, puisque le week-end va durer quinze jours, le temps des vacances de la Toussaint.

D’habitude, l’ado, décrit comme un élève dissipé mais pas insolent, rentre rapidement chez lui, à pied. Son père, salarié d’une cantine d’une grande entreprise, n’aime pas qu’il traîne dans la rue après l’école.

350 EUROS POUR DÉSIGNER L’ENSEIGNANT

Tandis qu’il sort de l’établissement, un inconnu l’aborde. Blouson, jean, baskets et sac à dos. À première vue, cet homme aux habits banals pourrait être le grand frère d’un élève. L’individu a 18 ans, seulement quatre de plus que Malik. Il lui parle immédiatement de Samuel Paty.

Malik n’est pas dans sa classe, mais au Bois d’Aulne, tout le monde connaît l’enseignant, réputé pour sa bienveillance et son humour. Surtout, depuis le 5 octobre, tout le monde a entendu parler de l’affaire des caricatures, du diaporama du professeur, de la réaction scandalisée de certains parents. La vidéo accusatrice de Brahim Chnina, le père de Z., elle aussi élève de quatrième, a fait le tour du collège.

L’inconnu exhibe une liasse de billets imposante, des coupures de 5 et 10 euros. Il propose à Malik un marché : 350 euros pour lui désigner l’enseignant. La moitié maintenant, la moitié après qu’il a pu identifier le professeur d’histoire-géographie. Malik, appâté par le tas d’argent disposé devant lui, accepte. Il propose à des copains d’attendre avec lui, en vain.

Selon les caméras de surveillance positionnées à côté de l’établissement, il se met alors à discuter, debout, pendant plus d’une heure trente avec le jeune adulte. Celui-ci ne fait montre d’aucun signe d’agressivité ou de nervosité et ne mentionne pas les armes qu’il a dans son sac à dos, racontera plus tard le mineur devant les enquêteurs.

Les deux jeunes hommes discutaillent, parlent du blasphème, de la religion. L’ado écoute d’une oreille, obnubilé par la somme d’argent qu’il va toucher, dira-t-il aux policiers. Ses parents, de nationalité franco-marocaine, sont musulmans pratiquants, mais ne font pas partie de ceux qui se sont émus de l’initiative de Samuel Paty. À la maison, le père du collégien insiste souvent sur le respect dû aux professeurs, « qui transmettent le savoir », selon l’avocat de Malik.

Il va être bientôt 17 heures quand Samuel Paty sort du Bois d’Aulne. Plusieurs élèves le montrent du doigt.

Pourquoi Abdoullakh Anzorov veut-il parler à l’enseignant de 47 ans ? Je veux le filmer, qu’il s’excuse pour ce qu’il a fait, explique le futur terroriste. « Abdoullakh Anzorov leur aurait déclaré avoir l’intention de filmer le professeur, de l’obliger à demander pardon pour la caricature du prophète, de l’humilier, de le frapper », a indiqué Jean-François Ricard, le procureur national antiterroriste, lors de sa conférence de presse du 21 octobre.

Un peu avant 16 heures, une nouvelle grappe d’élèves arrive devant le collège. Malik les met au parfum, leur tend une partie de l’argent, virevolte à droite, à gauche. L’ado s’amuse manifestement d’être au centre de l’attention. Les billets commencent à circuler de mains en mains. Un collégien décline la proposition.

Quatre autres restent sur les lieux. Parmi eux, David (le prénom a été changé), un élève de troisième, âgé de quinze ans, qui entreprend lui aussi de discuter avec Abdoullakh Anzorov. Il sera le second mineur mis en examen pour complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Peu après 16 heures, une patrouille de la police municipale passe devant le collège. Les ados se déplacent, pour ne pas attirer l’attention. Plusieurs s’éloignent. Abdoullakh Anzorov, Malik et David restent groupés.

Il va être bientôt 17 heures quand Samuel Paty sort du Bois d’Aulne. Plusieurs élèves le montrent du doigt. C’est lui, signalent-ils. Le contrat est rempli. Anzorov donne à Malik le reste de l’argent.

L’ado s’empresse de distribuer la somme auprès des copains restés à ses côtés. Il garde pour lui 50 euros, qu’il confie à un camarade. Pendant ce temps, le réfugié tchétchène s’est lancé à la poursuite de l’enseignant. Le massacre est sur le point d’avoir lieu. Lire la suite dans

Par Étienne Girard

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