Doit-on commenter la sortie affligeante de Roland Dumas relative à la supposée « influence juive » sur le premier ministre ? Oui, et sans aucune hésitation car il faut, collectivement, dire notre indignation.

Lorsque Jean-Jacques Bourdin demande à Roland Dumas « Valls est-il sous influence juive? », Dumas répond imperturbable : «Probablement, je peux le penser. Pourquoi pas. Pourquoi ne pas le dire!».

Manuel Valls a toujours manifesté une détermination et des convictions fortes qui tiennent à son parcours, à ses valeurs, à ce qu’il est profondément.

Qu’un ancien membre du Barreau, ancien Résistant, ancien député, ancien ministre, et surtout, ancien président du Conseil Constitutionnel, déchire aussi sournoisement la trame même du pacte républicain, est insoutenable. Nous sommes revenus 80 ans en arrière, aux pires heures de l’Action française, de Gringoire, de la vaisselle d’or de Léon Blum, de la désinformation et du soupçon. On entend Xavier Vallat à la tribune de l’Assemblée dénier à Blum le fait d’être légitime en ses fonctions car il n’est qu’un « talmudiste subtil ». On connaît la suite : Salengro, Zay, le procès de Riom…

Le renvoyer à des études talmudiques, c’est ce qui a été dit à un industriel révoqué il y a quelques années par un très haut fonctionnaire sans que personne ne réagisse.

Dans la France figurée ce matin par Roland Dumas, un homme, surtout s’il est le premier ministre de la République, ne pourrait épouser une juive sans prêter le flanc au soupçon?

Quoi de pire que d’insinuer qu’un homme politique serait « sous influence », c’est-à-dire qu’il n’aurait pas sa propre vérité?

Il y a cependant une grande leçon à tirer : les signaux faibles sont plus intéressants et utiles que les signaux forts.

Quand on entend les signaux forts, il est souvent trop tard. On ne peut que réagir, en se trompant hélas trop souvent de cibles, ou en les confondant toutes.

Les signaux faibles, si on y a en leur temps prêté attention, sont plus parlants, car lourds de signification. Ils permettent de prévenir, puis d’agir. Et surtout, de déceler les vrais émetteurs, ceux dont les messages et le venin distillé à bas bruit, mais efficacement et durablement, sont ensuite amplifiés et déformés par d’autres, pour être finalement orchestrés, « repackagés » et délivrés avec le « marketing » qui convient en bout de chaîne aux émetteurs directs de signaux « forts » et autres braillards désinformés et manipulés. Voire aux radicaux qui puisent dans ce magma pour justifier leur haine et leur pulsion de mort.

Cette pseudo « élite » autoproclamée et arrogante dont fait partie Roland Dumas, qui a par ailleurs exprimé son mépris pour les autres socialistes, ceux « d’après 1942 », a émis et émet encore les signaux faibles mais continus, qui ont permis depuis des décennies la floraison du climat pervers dont on mesure aujourd’hui les effets délétères. Goutte à goutte, leurs mots ont été repris par des simples d’esprit armés du plus pauvre des vocabulaires et désormais d’armes de guerre.

Et c’est pourquoi, pour exemplaires que se soient montrés ces dernières semaines les pouvoirs publics, cela ne suffira pas. Le premier ministre en fait lui-même aujourd’hui tristement la preuve et les frais. Il ne suffira pas de couper les têtes de l’hydre en s’en prenant seulement aux « petits » dans les « quartiers », il faudra aussi s’intéresser à d’autres plus hauts placés dans les champs de la Distinction.

Sans pour autant, et c’est absolument essentiel, sombrer dans le populisme primaire et faire le lit des extrémistes et de leurs métastases européennes. Ce double défi, sur une voie très étroite et bordée de précipices, est sans doute le plus périlleux à relever, comme nous l’enseigne l’Histoire. Mais il est fondamental, comme nous l’enseigne cette même Histoire.

Comment passer du bas bruit au tintamarre, et du signal faible au signal fort? Comment dans ce vacarme, continuer d’entendre les autres signaux faibles, qui errent et persévèrent?

Les Juifs, comme les canaris dans les mines de charbon, sont les spécialistes de ce type d’écoute et des habitués, hélas, des coups de grisou, comme l’a si bien décrit le grand rabbin d’Afrique du Sud, Warren Goldstein.

Au lendemain des attentats de Copenhague qui font écho à notre blessure collective de janvier, au lendemain d’une profanation massive de tombes juives en Alsace, cette déclaration alimente les pires préjugés, l’antisémitisme primaire, joue sur des allusions insidieuses, des connivences et des messages subliminaux, qui visent à expliquer la force de l’action du premier ministre exclusivement par son lien matrimonial. Cette odieuse déclaration fait honte à celui dont le père a été un grand résistant, fusillé par les nazis à Brantôme, médaille des Justes pour avoir sauvé des Juifs durant la seconde guerre mondiale. Georges Dumas n’aurait jamais dit cela et ne l’aurait jamais même pensé. Tout est là : on ne peut exprimer une telle affirmation que si on la porte depuis longtemps.

Mais peut-on exonérer le journaliste d’une part de responsabilité ? Car poser la question de savoir si le premier ministre est soumis à « une influence juive », n’est-ce pas risquer d’avaliser l’idée que cette influence existe ? En fait, le journaliste a fait son métier. On sent dès le début que Roland Dumas n’aime pas ce premier ministre. Jean-Jacques Bourdin le perçoit aussi et le pousse dans ses retranchements pour lui en faire livrer le fondement. La réponse est terrible. Son surmoi est levé, Roland Dumas est à nu.

Les signaux faibles nous en disent davantage que les signaux forts. C’est notamment au gouvernement et au préfet Gille Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, d’en tirer les éléments pour éradiquer enfin cette gangrène de l’ensemble du corps social.

Mais c’est à chacun de nous de ne rien tolérer dans notre environnement immédiat, ni parole déplacée, ni préjugé éculé, ni acte même minime, car ce serait la fin de notre rêve commun qui s’appelle la France.

Haïm Korsia Huffingpost – Et dessin de Kichka

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jacqueline1

Bourdin et Dumas sont tout deux au même diapason.

Bourdin a fait dire à cette vieille baderne de Dumas ce qu’il avait envie d’entendre. C’est spécieux.